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Tenir debout © Jean-Louis Fernandez

“Nom”, “Cavalières”, “Tenir debout” : nos 3 recos théâtre de Pâques

Une colo­ca­tion fémi­nine un peu par­ti­cu­lière, un concours de Miss, et les mots de Constance Debré sur un pla­teau, voi­ci notre sélec­tion scène 100 % fémi­nine des spec­tacles qui nous ont mar­quées ces der­nières semaines

Cavalières, d’Isabelle Lafon

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Cavalières © LaurentSchneegans

Causette est une fidèle du tra­vail de la comé­dienne et met­teuse en scène Isabelle Lafon. Depuis des années, elle peuple les pla­teaux de théâtre avec ses créa­tions qui font la part belle aux autrices : Duras, Anna Akhmatova, Monique Wittig, Virginia Woolf… Cette fois, c’est son seul texte et sa voix qu’elle fait entendre avec Cavalières, un drôle d’objet scé­nique qui ras­semble quatre comé­diennes sur une scène qua­si­ment vide. Ou l’histoire d’une colo­ca­tion de femmes un peu par­ti­cu­lière. Denise est celle qui a pas­sé l’annonce. Un peu revêche, la Denise est entraî­neuse de che­vaux. Dans cette annonce, elle men­tionne trois cri­tères d’élection à la coha­bi­ta­tion : avoir un rap­port au che­val, s’occuper de Madeleine, ne pas appor­ter de meubles. Madeleine est une petite fille han­di­ca­pée dont Denise s’occupe depuis que sa mère est morte. Trois femmes seront fina­le­ment élues. L’une, Jeanne, qui parle trop vite, ne ter­mine pas ses phrases, lit beau­coup et tra­vaille dans un bar ; l’autre Saskia, une Danoise ingé­nieure dans le ciment qui a tout quit­té sans que l’on sache très bien pour­quoi, et puis Nora, une édu­ca­trice auprès d’enfants délin­quants qui char­rie bien des secrets. Le plus grand d’entre eux étant qu’elle n’a stric­te­ment aucun rap­port avec les che­vaux. Le cours de la vie démarre alors dans cette colo­ca­tion de femmes clau­di­quantes, toutes un peu esca­mo­tées par la vie. Il y a des endroits de ten­sion, des moments de joie, des petits mots échan­gés pour se dire des choses du quo­ti­dien, des conci­lia­bules autour de la prise en charge de Madeleine. Il y a sur­tout, du vivre ensemble, de la soro­ri­té. Une façon, sans que cela ne soit jamais théo­ri­sé ni expli­qué, de faire famille autre­ment. Isabelle Lafon, comme sou­vent, sait pro­duire, sur scène, des conden­sés d’humanité.

Cavalières, concep­tion et mise en scène d’Isabelle Lafon. Théâtre de la Colline, jusqu’au 5 avril.

Nom, d'après Constance Debré

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Nom © Simon Gosselin

Alerte per­for­mance d’actrice ! Au théâtre du Rond-​Point, à Paris, jusqu’au 6 avril, on peut aller décou­vrir le talent assez sai­sis­sant de Victoria Quesnel. Seule sur scène, diri­gée par Hugues Jourdain, elle inter­prète avec une inten­si­té remuante le texte non moins radi­cal de Constance Debré. Ancienne avo­cate deve­nue écri­vaine, celle-​ci s’était fait lar­ge­ment connaître en 2018, avec Play Boy, dans lequel elle racon­tait com­ment elle avait tout quit­té, son mari, son métier et l’hétérosexualité pour vivre de rien et selon ses codes. Pas mal pour la petite-​fille d’un Premier ministre. Dans Nom, paru en 2022, Debré raconte à nou­veau le dénue­ment, le plai­sir de la dépos­ses­sion, de nager tous les jours, de ren­con­trer des femmes par­fois, mais sur­tout, elle raconte com­ment elle a accom­pa­gné son père dans la mort. Son père, ancien jour­na­liste, qui a cra­mé la vie par les deux bouts. Son père, en phase ter­mi­nale dans sa mai­son froide et vide. Il et elle se parlent peu. Pas leur genre. Mais l’amour résiste, en creux. C’est toute la force de ce texte. Et Victoria Quesnel, qu’on a vue chez les plus grand·es, de Pascal Rambert à Julien Gosselin en pas­sant par Tiphaine Raffier, le porte très haut. Un upper­cut autant qu’un coup au cœur. 

Nom, d’après Constance Debré, mise en scène d’Hugues Jourdain, avec Victoria Quesnel. Théâtre du Rond-​Point, Paris, jusqu’au 6 avril. 

Tenir debout, de Suzanne de Baecque

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Tenir debout © Jean-​Louis Fernandez

“Je me suis deman­dé com­ment numé­ro 3, numé­ro 5, numé­ro 8, numé­ro 12 vivaient ce moment que nous par­ta­gions ensemble. Je ne connais­sais même pas leurs pré­noms”, raconte au public Suzanne de Baecque, créa­trice et inter­prète de la pièce Tenir debout. Accompagnée sur scène par la cho­ré­graphe Raphaëlle Rousseau, la jeune comé­dienne joue son pas­sage bien réel par le concours de Miss Poitou-​Charentes en 2020. Un spec­tacle à la fois drôle, violent, jouis­sif et émou­vant, dans lequel Suzanne de Baecque met en scène son expé­rience au cœur de cette com­pé­ti­tion – avec tous les car­cans réduc­teurs et absurdes qu’elle char­rie –, mais aus­si celle de ses “concur­rentes”. La met­teuse en scène pose ain­si un regard loin du mépris que cette élec­tion régio­nale peut ins­pi­rer, pour par­ve­nir à livrer le récit tendre et pro­fon­dé­ment humain d’une jeu­nesse fémi­nine en quête de réa­li­sa­tion. Parce que “n’est-ce pas fina­le­ment se réap­pro­prier son propre corps que de s’exhiber sous les regards ?”.

Tenir debout, concep­tion, mise en scène et inter­pré­ta­tion de Suzanne de Baecque. Au théâtre du Rond-​Point, à Paris, en automne 2024.

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