Choisie pour interpréter le premier rôle féminin dans le Roméo et Juliette du metteur en scène Jamie Lloyd, la Britannique Francesca Amewudah-Rivers est, depuis l’annonce, victime d’un déferlement de haine raciste. Une tribune vient d’être publiée en soutien à cette actrice noire.
“Toute langue qui s’élève contre vous tombera” promettent, à l’adresse des victimes de racisme, les signataires d’une lettre ouverte publiée ce mercredi 10 avril dans The Guardian. Le texte réagit au déferlement de commentaires racistes à l’encontre de la comédienne britannique Francesca Amewudah-Rivers. Cette dernière interprétera l’amante maudite dans le Roméo et Juliette contemporain du metteur en scène Jamie Lloyd. Déjà sold-out, la pièce se tiendra au Duke of York’ Theatre de Londres du 23 mai au 3 août.
Il y a une semaine, Francesca Amewudah-Rivers, remarquée dans la série Bad Education de la BBC, publiait sur Instagram une photo du casting de la tragédie shakespearienne. Les commentaires qui ont suivi ont le même goût que le poison qu’a bu Roméo : “Le monde n’est pas raciste, mais c’est le pire casting pour Juliette”, “Mais le personnage est blanc”, “Qu’est-ce que c’est que cette merde”. Les internautes s’en sont donné à cœur joie, questionnant la légitimité de Francesca Amewudah-River pour incarner l’enfant de la famille Capulet.
Face aux racistes, la riposte
Vent debout, plusieurs internautes ont vertement défendu la jeune femme sur X : “Francesca Amewudah-Rivers est Juliette ! Elle n’est pas la première Black Juliet et elle ne sera pas la dernière ! Vous, les imbéciles pleurnichards, vous pouvez vous étouffer avec ça !!”
À l’initiative de l’actrice Susan Wokoma (Enola Holmes) et de la dramaturge de Somalia Nonyé Seaton (Crowning Glory), plus de huit cents acteur·rices femmes et non binaires noir·es ont signé une lettre ouverte, adressée aux artistes noir·es, confronté·es “à des abus racistes et misogynes”. La tribune dénonce : “Ce qui a suivi a été une horreur trop familière que beaucoup d’entre nous, artistes noirs visibles à la peau foncée, avons vécue.”
Et de poursuivre : “Les abus racistes et misogynes dirigés contre une âme si douce ont été trop lourds à supporter. Qu’une annonce de casting pour une pièce déclenche des abus aussi tordus et laids, c’est vraiment embarrassant pour ceux qui sont si vides et stériles dans leur propre vie qu’ils en deviennent injurieux et haineux.”
Alors que les artistes noires sont très souvent victimes de racisme lorsqu’elles interprètent des rôles que les racistes estiment devoir être réservés aux Blanches (on se souvient du “scandale” d’Halle Bailey jouant La Petite Sirène en 2023 ou, plus proche de nous, des remarques racistes à peine voilées concernant Aya Nakamura et sa potentielle interprétation de Piaf aux JO), les signataires déplorent que la dénonciation de ce racisme “repose trop souvent sur les épaules des victimes, qui sont également censées promouvoir leur spectacle.”
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Une remarque qui fait mouche, alors que le partenaire de scène de Francesca Amewudah-Rivers, Tom Holland, n’a pas encore dénoncé publiquement cette vague de harcèlement. Pourtant, celui qui a interprété Spiderman a du poids : par exemple, le média étasunien Deadline qualifie la comédienne, dans son titre, comme “celle qui partage l’affiche de Tom Holland”…
Toutefois, la compagnie de Jamie Lloyd, a publié, vendredi dernier, un communiqué au contenu similaire à la lettre ouverte. Les artistes martèlent : “Cela doit cesser. Nous travaillons avec un groupe d’artistes remarquables. Nous insistons sur le fait qu’ils sont libres de créer du travail sans être confrontés au harcèlement en ligne.” Pendant les répétitions du spectacle, la salle de théâtre est “pleine de joie, de compassion et de gentillesse”, a également déclaré la compagnie.