Ciblée par la fachosphère en Avignon cet été, la performeuse afroféministe présente sa Carte noire nommée désir au théâtre de l’Odéon, à Paris, à partir du 28 novembre.
Lors du festival d’Avignon, Rébecca Chaillon a fait sensation dans la programmation “In” (sélection officielle) où elle présentait sa Carte noire nommée désir, un spectacle sur les discriminations subies par les femmes noires. Sur scène, huit artistes afrodescendantes exposaient pendant deux heures quarante tous les stéréotypes racistes dont elles ont été victimes. “J’essaie de raconter le désir pour les femmes noires dans le contexte français en me demandant quels sont les références, les modèles, qui l’ont construit, expliquait-elle sur le site du festival. Et le constat n’est pas brillant. La plupart du temps, le corps des femmes noires a été hypersexualisé, objectivé, animalisé, tandis qu’il est encore difficile, et même impossible, de traiter des corps blancs et des privilèges qui en découlent.”
“Racisme anti-Blancs”
Il n’en fallait pas plus pour titiller l’extrême droite : le site du parti d’Éric Zemmour, Reconquête !, s’est dit choqué par des scènes de “bébés blancs embrochés” – dans un passage sur l’imaginaire des nounous noires – et a dénoncé un supposé “racisme anti-Blancs”. Surtout, la troupe de la pièce a subi des agressions racistes : doigts d’honneur aux comédiennes, slogans “on est chez nous” entendus dans la salle… L’Odéon, qui programme la pièce, a tenu à exprimer “son soutien total à l’équipe artistique et technique. Ces attaques sont inacceptables. L’Odéon est fier d’accueillir ce spectacle à partir du 28 novembre aux Ateliers Berthier et mettra tout en œuvre pour porter la parole de ces artistes engagées tout en veillant à leur sécurité”.
Féminisme décolonial
Noire, queer, grosse : à 38 ans, Rébecca Chaillon est une “figure majeure d’un renouveau théâtral”, selon un portrait élogieux que lui consacre Le Monde. D’origine martiniquaise, élevée en Picardie où elle s’initie au théâtre, elle se forme ensuite au conservatoire d’art dramatique du XXe arrondissement, à Paris. Elle enchaîne alors les collaborations, notamment auprès du maître hispano-argentin Rodrigo Garcia – lui aussi habitué aux polémiques –, ardent défenseur d’un théâtre cru et incarné. Rébecca Chaillon se met d’ailleurs souvent en scène, comme dans la performance Ariette, la grosse sirène, où elle trône sur une montagne de détritus. Elle a fondé en 2006 sa propre compagnie, Dans le ventre, qui évoquait déjà son intérêt pour le corps et la nourriture, comme dans son seule en scène L’Estomac dans la peau, qui interroge le rapport des femmes à l’alimentation. Impliquée dans la recherche décoloniale et féministe, on l’a vue dans les documentaires d’émilie Jouvet (My Body My Rules, 2017), et celui d’Amandine Gay, Ouvrir la voix (2017).
En sus des représentations à l’Odéon, son actualité est riche, avec la tournée de Plutôt vomir que faillir, son premier spectacle pour ados sur les affres de l’adolescence et la publication, cet été, du recueil de textes poétiques Boudin Biguine Best of Banane (éditions L’Arche).