Dans Une poupée en chocolat, la réalisatrice et militante afroféministe Amandine Gay démontre que, pour protéger les droits des personnes adoptées, des mères biologiques et, même, de toutes et tous les enfants, il existe une solution : déboulonner la vision tradi de la famille et instaurer une justice reproductive.

Causette : En quoi l’expérience des personnes adoptées est-elle politique ?
Amandine Gay : Lorsqu’il y a un mineur isolé, il y a forcément une histoire avant. Cette histoire peut être lue sous le prisme de la justice reproductive, c’est-à-dire l’intégration des rapports de classes, de la suprématie blanche, du genre et du validisme dans les questions de contraception, d’accès à l’avortement et de faire famille. Pour que des familles soient créées par l’adoption, il faut par exemple que d’autres aient été séparées, détruites. Que ce soit par des problèmes de précarité, de violence, qui empêchent les femmes d’élever un enfant dans de bonnes conditions. Ou, dans le cadre de l’adoption internationale, à cause des famines, d’épidémies, de guerres. Quelque part, on gère l’infertilité dans les pays du Nord à partir des inégalités systémiques dans les pays du Sud ou de l’Est. En cela, l’adoption internationale est une institution biopolitique. Mais le monde occidental le masque, à travers un discours humanitaire de « sauvetage des enfants pauvres ». Ce qui met d’ailleurs les personnes adoptées face à l’injonction de formuler une gratitude parce qu’elles auraient « de la chance ».
« On gère l'infertilité[…]