S’affirmer en tant que femme magicienne, dans un milieu où les mecs monopolisent la baguette, n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Magicienne, comédienne et metteuse en scène, Claire Chastel l’a fait.

Si vous rencontrez Claire Chastel de façon impromptue, ne lui réclamez pas un tour de magie. Elle déteste ça. Pourtant, elle trimballe des cartes partout où elle va. « Je ne me présente jamais comme magicienne, ça interpelle trop. Je dis que je suis comédienne et metteuse en scène, que je travaille dans le spectacle. » Fidèle à ses habitudes, elle est venue à notre rendez-vous avec un jeu dans son sac, qu’elle ne sortira pas. « Beaucoup de magiciens triturent sans arrêt des cartes en parlant. J’ai envie de leur dire de ranger leur zizi ! » Sur scène, à la télévision ou dans les clubs, le milieu de la magie reste chargé en testostérone. D’après la Fédération française des artistes prestidigitateurs, les femmes représentent 20 % des pratiquant·es. « La Fédération fait tout pour que la magie se féminise, assure son président, Serge Odin, mais le mouvement est lent. »
Combien de fois Claire Chastel a‑t-elle entendu des jeunes spectateur·rices s’exclamer « Ah, mais le magicien, c’est une fille ! » ? Claire détonne dans le paysage. Parce que femme de 35 ans d’abord, et aussi parce qu’elle défend la magie nouvelle, celle qui, par son dialogue avec le théâtre, réveille les consciences et interroge le réel. Dans ses spectacles, comme Les Clairvoyantes, qu’elle joue en mars à Paris, elle est tantôt conteuse et comédienne, tantôt magicienne et mentaliste. Elle manipule les cartes et le public, mais toujours en douceur. « La magie, c’est dire quelque chose à quelqu’un, tout en faisant autre chose. C’est pas seulement faire deux choses à la fois, c’est arnaquerles gens. Il faut assumer l’autorité et la malhonnêteté que ça nécessite. »
La magie est apparue très tôt dans la vie de Claire Chastel. Enfant, elle est fascinée par les tours[…]