Mesparrow : Le fil harmonique
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Marion Gaume, alias Mesparrow, n’est plus tout à fait la même, mais peut-être pas encore vraiment une autre. Son troisième album la saisit en pleine transformation personnelle profonde. Sans doute faut-il parler d’une libération existentielle. Gracile et diaphane, la voix de Mesparrow tournoie au milieu des pulsations, entre euphorie et mélancolie – cette dernière portant chez la Tourangelle le nom de Saudade ou d’Humeur chocolat. « Je suis trop pas assez/mais toujours différente/et ça gêne les autres/mais je me sens vivante », confesse Mesparrow dans Différente. Dans un tourbillon synthétique et organique enivrant, la chanteuse exprime la nécessité de synchroniser le monde extérieur et son for intérieur. S’appuyant sur ce nouvel élan, Danse fourbit alors des armes pour un lâcher-prise salvateur. L’ancienne étudiante des Beaux-Arts, désormais mère, a pris la gomme et esquisse les contours d’une nouvelle vie où son cœur, sa tête et son corps sont alignés en harmonie. J.B.
Monde sensible, de Mesparrow. Yotanka Records. Sortie le 15 janvier 2021
Sons d’hiver, du swing qui réchauffe
Le jazz accueille toujours avec plaisir l’improvisation, mais on prend les paris que les organisateurs de Sons d’hiver préféreraient que le soliste Covid-19 se désiste et ne perturbe pas la partition de cette trentième édition. Fidèle à sa singularité, le festival du Val-de-Marne favorise à nouveau les télescopages internationaux subtils en programmant vingt-neuf concerts dans douze salles du département, deux lieux parisiens et au cœur du Mac Val, le musée d’art contemporain de Vitry-sur-Seine.
Le public de cette édition anniversaire, exceptionnelle à plus d’un titre, assistera notamment aux retrouvailles du trio mythique formé par le pianiste allemand Joachim Kühn, l’oudiste marocain Majid Bekkas et le batteur espagnol Ramon Lopez, avec en invité le trompettiste italien Enrico Rava. Autres temps forts, une carte blanche au saxophoniste Émile Parisien, figure emblématique du jazz made in France, et une rencontre entre le vétéran Archie Shepp et celui qui pourrait être son petit-fils, Jason Moran. Parmi les seize créations inédites, il ne faudra pas rater l’hommage à Alice Coltrane, rythmé par le percussionniste Hamid Drake. J.B.
Festival Sons d’hiver. Du 22 janvier au 13 février 2021, dans le Val-de-Marne et à Paris.
Programme sur : Sonsdhiver.org.
Théo Charaf : hors du temps
Ex-barman dans les salles de concert lyonnaises ou musicien dans des groupes locaux, Théo Charaf cultive depuis des années sa passion pour le folk blues, les racines du rock. Avec force et personnalité, dans ce premier album, le jeune homme se saisit de l’esprit cabossé par la route de ses illustres aîné·es. Mais il dépasse l’imitation. Entièrement acoustique, interprété par sa voix rugueuse et chaleureuse, chacun des dix titres prend aux tripes. Au cœur du disque, avec l’enchaînement des classiques Devil Got My Woman (Skip James), Oh Sister (Dylan) et Wander Boy – une de ses compositions personnelles –, on se rend compte qu’on est bien au-delà d’un simple hommage aux ancêtres. Ses propres compositions prennent joliment place au sein de l’illustre voisinage. Théo Charaf n’a certes que 27 ans, mais il est né quelque part au début des 50’s, hors du temps. C.K.
Théo Charaf. Wita Records/Dangerhouse Skylab/Baco Distrib. Sortie le 22 janvier 2021
Goat Girl : Good Girls
En anglais, goat signifie « chèvre », c’est aussi l’acronyme de « greatest of all time ». On n’ira sans doute pas jusque-là, mais les quatre Londoniennes de Goat Girl se situent du second côté de la barrière avec un deuxième album très réussi, peut-être l’un des meilleurs de l’année. Derrière leurs pseudos de bonbons acidulés, Lottie Cream, LED, Naima Jelly et Rosy Bones fusionnent les saveurs, à l’instar du single Sad Cowboy qui aspire l’auditeur dans un tourbillon synthétique. Le psyché-rock de Goat Girl s’exprime tout en guitares étranges, claviers essorés et rythmiques décalées. Le chant est juste assez désabusé pour devenir hypnotique. Sous la surface chatoyante fourmillent des messages sur l’anxiété contemporaine de notre société. Si le disque s’intitule On All Fours (à quatre pattes), le quatuor, lui, se tient debout au milieu des ruines. J.B.
On All Fours, de Goat Girl. Rough Trade/Beggars. Sortie le 21 janvier 2021.
Dom La Nena : le bon Tempo
Naître, grandir, aimer, avancer, vieillir, mourir… Les compositions du troisième album de Dom La Nena, chanteuse-compositrice violoncelliste brésilienne basée à Paris, accompagnent le roulis du temps avec une grâce rêveuse et une élégance attendrissante. La jeune musicienne, moitié du duo Birds on a Wire (deux albums en compagnie de Rosemary Standley, voix du groupe Moriarty), transforme son violoncelle en une malle aux trésors dont elle extrait une grande variété de sons. La grande maîtrise de cette instrumentation minimaliste, rehaussée de percussions et de notes de piano, est divinement contrebalancée par une voix à l’innocence enfantine qui valse entre le portugais, l’espagnol et le français. Qu’il est Doux de rêver, confie Dom La Nena. Qu’il est doux de prendre le temps d’écouter ce délicieux Tempo. J.B.
Tempo, de Dom La Nena. Six Degrees Records/InGrooves.
Arlo Parks : comète devenue étoile
Apparue telle une comète avec un premier EP il y a deux ans, Arlo Parks a généré un énorme buzz qui lui a d’ores et déjà permis de compter parmi ses fans Michelle Obama, Billie Eilish ou Florence Welch. La jeune fille d’origine franco-tchadienne et nigériane a grandi à Londres dans un bouillonnant mélange de cultures intergénérationnelles. Adolescente, elle se nourrissait autant de poésie de la beat generation des 60’s que de cinéma d’animation japonais, des derniers sons de rap US, de Fela Kuti, de soul, ou de chanson française, écoutant Piaf ou Aznavour. Les pièces de cet opulent puzzle contemporain se sont assemblées dans son premier album. Sur des mélodies soul, colorée de hip-hop et de folk, elle aborde avec poésie les questionnements et les angoisses de la génération ultra-connectée d’aujourd’hui. Avec Collapsed In Sunbeams, la comète devient étoile. C.K.
Collapsed in Sunbeams, d’Arlo Parks. Trangressive/Pias.
Sortie le 29 janvier 2021.