Du R’n’B langoureux, traversé par des sonorités latines traditionnelles et de la pop française éthérée et mélancolique… Voici trois albums à écouter en ce mois de février gris et froid, pour se réchauffer ou rêvasser en douceur.
Orquídeas, de Kali Uchis
La Cattleya trianae est une espèce d’orchidées reconnue comme la fleur nationale de la Colombie. En appelant son quatrième album Orquídeas, la chanteuse américaine Kali Uchis entend ainsi rendre hommage à ses racines colombiennes. Car si la patrie de ses parents a toujours infusé dans sa musique, elle s’immisce encore plus dans les morceaux de ce très sensuel nouvel opus, où l’espagnol et l’anglais fricotent dans un mélange parfait des sonorités. Parmi les titres R’n’B langoureux dont elle a le secret, comme les excellents Me pongo loca, Igual que un angel ou Diosa – où elle dépeint l’image d’une femme confiante qui sait ce qu’elle veut en amour et en sexe – Kali Uchis glisse deux chansons puisant dans la musique latine traditionnelle : Te mata et Dame beso //Muévete. Sur celles-ci, la toute juste trentenaire réussit brillamment à faire le pont entre le passé et le présent, entre la nostalgie et la modernité, à l’image de la chanteuse espagnole Rosalía. Si elle continue dans cette direction, elle devrait connaître le même succès que sa consœur.
Orquídeas, de Kali Uchis. One Records.
Monstrueuse, de Solann
Solann a une peau diaphane, de longs cheveux bruns en broussaille et deux petits points noirs qu’elle dessine sous ses yeux au eyeliner. Des attributs qui font d’elle une “sorcière”, comme elle se qualifie sur son compte Instagram, mais une sorcière “réconfortante”. C’est vrai qu’il n’y a rien de maléfique sur Monstrueuse, le premier EP de cette jeune chanteuse prometteuse. Mais plutôt une douceur ensorcelante, portée par sa voix si pure, très souvent posée sur un ukulélé envoûtant. Solann nous emporte avec une collection de morceaux personnels et cathartiques, extrêmement bien écrits, évoquant ses difficultés à s’aimer (Petit Corps), une relation toxique (Crash), ou les attaques, autant de la part d’hommes que de femmes, qu’elle a pu recevoir lorsqu’elle était mannequin (Rome). Sa pop éthérée et libératrice, pleine de failles, dans les pas de celle de l’Américaine Billie Eilish ou du Belge Tamino, lui offre une place de choix au sein de la nouvelle scène musicale française, décidément bien éclectique.
Monstrueuse, de Solann. Cinq7.
Better Place, de Poppy Fusée
En 2022, Poppy Fusée, fraîchement séparée de son groupe Part-Time Friend, se lançait en solo avec un joli EP, La Lune, sur lequel elle faisait preuve, comme on le chroniquait alors, d’une “mélancolie joyeuse”. En 2024, cette mélancolie irrigue toujours le travail de la chanteuse française, qui publie son premier album, Better Place, mais elle se pare de teintes beaucoup plus sombres, notamment au niveau des thèmes abordés. Le disque parle d’une rupture amoureuse après une relation toxique (le morceau d’ouverture It’s Over), de dépression (Empty), d’insomnie (Insomnia Party)… Des textes parfois durs, mais rehaussés d’une pop rêveuse, qui permet de les transmettre plus en douceur. Le disque n’est cependant pas tout noir. Il est traversé ici et là de titres lumineux, à l’image de For Better and For Worse, une très belle chanson d’amour, moderne, où les deux personnes s’aiment malgré leurs failles et sans chercher à se posséder. Poppy Fusée livre un très beau premier album, où elle croque avec justesse les peurs et errements des jeunes adultes, pour mieux les exorciser.
Better Place de Poppy Fusée. Un plan simple.