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Cyan © Editions çà et là

Sous le sapin : 6 idées de BD à offrir à Noël

Des bulles pour Noël, quoi de plus adap­té ? Causette vous pro­pose six idées de bandes des­si­nées à glis­ser sous le sapin. 

Céleste

Chloé Cruchaudet vient de clore cet automne son sub­til por­trait en deux tomes de Céleste Albaret, la ser­vante de Marcel Proust, et le voi­ci déjà édi­té en un élé­gant cof­fret. Que l’on fasse ou non par­tie des fans de l’auteur d’À la recherche du temps per­du, cette BD est un indis­pen­sable. Chloé Cruchaudet a certes construit son récit à par­tir de nom­breuses sources très pré­cises, mais elle évite le pen­sum fas­ti­dieux grâce à un style oni­rique qui éblouit à chaque page. De son expé­rience dans l’animation, elle a gar­dé une maî­trise bluf­fante du mou­ve­ment, fai­sant tour­billon­ner son héroïne certes dévouée, mais jamais effa­cée, qui va nouer une grande com­pli­ci­té avec l’écrivain. A tra­vers le regard de sa domes­tique, ce der­nier appa­raît comme un grand enfant gâté, aus­si aga­çant que fas­ci­nant. Certaines visions sont inou­bliables, comme ce moment où Proust est sai­si depuis son lit par les harangues des maraî­chers et le par­fum de la rue qui fusionnent sur la page en une traî­née de pein­ture. La rela­tion tem­pé­tueuse entre Marcel et Céleste est sai­sie par un trait vif, dont les expres­sions rap­pellent par­fois celles du cari­ca­tu­riste amé­ri­cain Al Hirschfeld. Un éclai­rage vivi­fiant sur la créa­tion lit­té­raire par une vir­tuose du 9e art !

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Céleste : Bien sûr, Monsieur Proust (cof­fret tomes 1 et 2), de Chloé Cruchaudet. Soleil, 256 pages, 38,94 euros.

True Love

C’est sans doute la plus grande bédéaste anglaise vivante et elle est enfin recon­nue à sa juste valeur avec une expo­si­tion dédiée à la Bibliothèque publique d’information (Bpi) du Centre Pompidou, à Paris, jusqu’en avril 2024. True Love est à l’image de son œuvre, tota­le­ment hybride : l’allure d’un cata­logue d’exposition, le conte­nu d’un recueil d’histoires et, au final, un grand chau­dron bouillon­nant de bande des­si­née imper­ti­nente et so bri­tish ! Ici, un entretien-​fleuve dans lequel l’autrice prend un recul pas­sion­nant sur son œuvre. Là, des inédits, dont ce True Love, pre­mier roman gra­phique et satire grin­çante des BD sen­ti­men­tales. Et puis des pages de rétros­pec­tive, bien sûr, qui donnent envie de (re)plonger dans les clas­siques Gemma Bovery, Tamara Drewe ou Cassandra Darke.

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True Love : une romance gra­phique, de Posy Simmonds. Denoël Graphic, 144 pages, 25 euros.

La pièce manquante

A par­tir de l’authentique his­toire d’une pièce per­due de William Shakespeare – Cardenio – ins­pi­rée d’un per­son­nage du Don Quichotte de Cervantès, Jean Harambat vient mettre un point final à sa « tri­lo­gie anglaise », après Opération Copperhead (2017) et Le Detection Club (2019). L’auteur lan­dais quitte le 20e siècle pour remon­ter au 18e, une époque où les femmes sont auto­ri­sées à mon­ter sur les planches du théâtre bri­tan­nique, mais de pré­fé­rence pour des rôles agui­cheurs. Une actrice témé­raire, épau­lée par un ancien esclave, se lance dans une tré­pi­dante chasse au tré­sor pour mettre la main sur le manus­crit dis­pa­ru et trou­ver enfin le grand rôle fémi­nin dans lequel s’épanouir. Derrière l’aventure rocam­bo­lesque et les dia­logues pétillants, Harambat raconte la condi­tion des actrices avec malice et érudition.

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La pièce man­quante, de Jean Harambat. Dargaud, 160 pages, 21,50 euros.

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Avis aux amateur.rice.s d’expérimentations ! Ce petit pavé de près de 500 pages n’a peut-​être pas le radi­ca­lisme for­mel de La cou­leur des choses, Fauve d’or 2023 à Angoulême, ima­gi­né par Martin Panchaud et publié chez le même édi­teur, mais il offre une expé­rience de lec­ture qui ne lais­se­ra pas indifférent.e. Le célèbre fes­ti­val de BD l’a d’ailleurs déjà sélec­tion­né dans sa sélec­tion polar 2024… L’Italienne Lucia Biagi a créé une socié­té dys­to­pique qui repose sur une idée gra­phique simple mais effi­cace : classes sociales et cou­leur de peau se super­posent autour du trip­tyque jaune, rouge et cyan. Soit une classe domi­nante, une classe moyenne et une classe domi­née – qui donne donc son nom à l’album – assi­gnée à la péri­phé­rie. Une bande d’amis qui trans­cende ces assi­gna­tions se retrouve aspi­rée dans le tour­billon d’une enquête de police qui vient rou­vrir des cica­trices anciennes. Son sens minu­tieux du décou­page ou son style com­po­site font de cette BD un thril­ler unique, que l’on n’oublie pas sitôt refermé.

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Cyan, de Lucia Biagi. Ça et là, 480 pages, 28 euros.

Indiana

Après Adieu Kharkov ou La Princesse de Clèves, le tan­dem Catel /​Claire Bouilhac se reforme une nou­velle fois pour mettre en lumière Indiana (1832), le pre­mier roman de George Sand (pseu­do­nyme mas­cu­lin d’Aurore Dupin), aujourd’hui mécon­nu et qui reçut pour­tant un suc­cès triom­phal à sa sor­tie. Une adap­ta­tion soi­gnée à quatre mains qui sou­ligne com­bien au-​delà de l’intrigue sen­ti­men­tale (un tri­angle amou­reux infer­nal), le texte était por­té par une grande moder­ni­té pour l’époque, tant par son fémi­nisme que son dis­cours poli­tique sur la France des années 1830. Le trait fluide et expres­sif de Claire Bouilhac (qui des­sine l’histoire prin­ci­pale – le plus gros mor­ceau – quand Catel offi­cie sur le pro­logue et l’épilogue) ren­force la dimen­sion péda­go­gique de cet album et son rôle de pas­seur vers l’œuvre de George Sand.

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Indiana, de Claire Bouilhac et Catel Muller. Dargaud, 176 pages, 25,50 euros.

Dulcie

Cela com­mence par un meurtre, exé­cu­té froi­de­ment à l’arme à feu sur le palier d’un immeuble pari­sien, un matin de mars 1988. La femme tom­bée au sol et qui venait de rele­ver son cour­rier s’appelle Dulcie September. Elle était repré­sen­tante en France de l’ANC (Congrès natio­nal afri­cain), le par­ti de Nelson Mandela, alors tou­jours empri­son­né par le régime de l’apartheid. Entre la France et l’Afrique du Sud, le jour­na­liste Benoît Collombat remonte le fil d’un crime res­té impu­ni jusqu’à aujourd’hui, ense­ve­li sous le poids des non-​dits. Une enquête qui le fait navi­guer, une fois de plus, dans les zones d’ombres de la Ve République (après Cher pays de notre enfance, notam­ment) et les méandres de ses conflits d’intérêt. Cette inves­ti­ga­tion appro­fon­die, par­ta­gée au plus grand nombre grâce au trait pré­cis (même si par­fois un peu aride) de Grégory Mardon, esquisse en creux le por­trait d’une ensei­gnante incor­rup­tible et enga­gée, puis­sam­ment inspirante.

COUV DULCIE TEL

Dulcie : Du Cap à Paris, enquête sur l'assassinat d'une mili­tante anti-​apartheid, de Benoît Collombat et Grégory Mardon. Futuropolis, 304 pages, 26 euros.

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