Sandra Vizzavona : "Avorter, c'est s'affranchir du rôle de mère qui nous est encore assigné"

Dans Interruption, l’avortement par celles qui l’ont vécu, Sandra Vizzavona, avo­cate, fait entendre la voix de femmes ayant eu recours à l’IVG. Pour mettre son expé­rience en pers­pec­tive, mais aus­si pour don­ner la parole aux concer­nées, qu’on entend si rare­ment. Et réta­blir cer­taines vérités.

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©DR

Causette : Comment est né le désir d’écrire ce recueil de témoi­gnages de femmes ayant eu recours à l’avortement ?
Sandra Vizzavona : Je savais depuis un moment que j’avais envie d’écrire sur mon pre­mier avor­te­ment, vécu dans l’adolescence. Je pres­sen­tais que la « répa­ra­tion » pas­se­rait par-​là. Parallèlement, j’étais très heur­tée par le dis­cours popu­laire que l’on entend trop sou­vent, selon lequel l’avortement serait néces­sai­re­ment une grande dou­leur pour les femmes, car je savais, pour l’avoir expé­ri­men­té moi-​même lors de ma seconde IVG, que cela n’est pas vrai. J’ai eu envie de le démon­trer et de mêler la voix d’autres femmes à la mienne.

Le droit à l’avortement est ins­crit dans la loi depuis quarante-​cinq ans, pour­tant il est tou­jours tabou. On nous auto­rise à le faire, mais cer­tai­ne­ment pas à en par­ler. Comment l’expliquez-vous ?
S. V. : Il existe tou­jours, à mon sens, un vrai tabou autour de l’IVG et plus géné­ra­le­ment autour de tout ce qui touche au corps et à la sexua­li­té des femmes. Avorter est un acte de liber­té et d’affranchissement du rôle de mère qui nous est encore assi­gné ; cela déplaît tou­jours à certains.

De toutes ces paroles, que retenez-​vous ?
S. V. : J’en retiens avant tout que toutes ces femmes m’ont par­lé avec une grande sin­cé­ri­té et qu’elles étaient toutes très au clair avec ce qu’elles avaient vécu. Qu’il ait été une souf­france ou tota­le­ment ano­din, leur avor­te­ment est un acte qui a sou­le­vé des ques­tions qu’elles n’ont pas fuies. Chacune a une his­toire qui lui est propre et la façon de vivre une IVG dépend éga­le­ment du moment auquel elle se pré­sente : que l’on soit en couple ou non, amou­reuse ou non, finan­ciè­re­ment indé­pen­dante, prête à deve­nir mère, que le conjoint le désire ou non…

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Interruption, l’avortement
par celles qui l’ont vécu
,
de Sandra Vizzavona.
Éd. Stock,112 pages, 17 euros. 

À la fin de votre livre, vous remet­tez un peu en cause (tout en lui ren­dant hom­mage) la célèbre phrase de Simone Veil : « Aucune femme ne recourt de gaie­té de cœur à l’avortement. Il suf­fit d’écouter les femmes. C’est tou­jours un drame, cela res­te­ra tou­jours un drame. » Que lui reprochez-​vous ? 
S. V. : Je lui reproche d’affirmer que l’avortement est tou­jours un drame et qu’il res­te­ra tou­jours un drame, car cela est faux. Mais je pense qu’elle n’avait pas le choix. Il lui fal­lait offrir notre souf­france au légis­la­teur pour qu’il vote sa loi. Déjà, à l’époque, plu­sieurs femmes avaient affir­mé que l’avortement ne leur avait pro­vo­qué aucun choc, par exemple Delphine Seyrig, qui a beau­coup mili­té pour le droit des femmes et qui avait pro­vo­qué de vives réac­tions en disant, lors d’une émis­sion de télé­vi­sion, qu’il est bien plus trau­ma­ti­sant d’élever des enfants que d’avorter. Cette phrase est mal­heu­reu­se­ment pro­ba­ble­ment vraie pour nombre de femmes, autre sujet tabou. 

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