Le récit de soi – Simone de Beauvoir, Judith Butler et Audre Lorde le disent et le répètent –, c’est le premier pas vers l’émancipation. Même (surtout) s’il joue à cache-cache avec la fiction. Alors, voici trois merveilles d’autofictions, de romans auto-inspirés – appelons-les comme on veut – qui nous galvanisent et nous propulsent vers l’action.
"Pour qui je me prends", de Lori Saint-Martin
Dans Pour qui je me prends, Lori Saint-Martin (L’Olivier), écrivaine et traductrice canadienne, morte juste après avoir écrit ce texte en octobre 2022, raconte la façon dont elle a donné naissance à son “nouveau moi”. Née dans une famille ouvrière pauvre du sud de l’Ontario, au Canada, la petite Lori Farnham ne parle pas un mot de français. À l’âge de 10 ans, elle entend à l’école la phrase qui va littéralement changer sa vie : “Today you’re going to start French.” La maîtresse soulève alors un carton illustré et présente aux écolier·ères une famille française fictive : Monsieur et Madame Leduc, leurs quatre enfants et leur chien Pitou. “En moi, un monde s’ouvrait”, écrit l’autrice, qui y voit immédiatement la porte salutaire de l’évasion. Quelques années plus tard, devenue doctorante, âgée de 24 ans, toujours escortée par les Leduc dans sa vie imaginaire, Lori part s’installer au Québec et décide de changer de nom, afin de se “découper de [sa] photo de famille pour y laisser un trou”. Elle ouvre un[…]