Dans Sensibilités, Tania de Montaigne s'attaque à la question des "sensitive readers" et de l'inclusivité dans le milieu de l'édition.
Un titre, c’est à la fois un résumé (du livre) et un symbole (du propos). Après Noire en 2015, fiction inspirée de la vie de Claudette Colvin, après L’Assignation en 2018, essai qu’elle a elle-même adapté et interprété au théâtre, Tania de Montaigne revient au roman avec Sensibilités. Un terme, et un titre, qui incarnent toutes les problématiques du livre : dans une époque où tous les débats sur l’inclusivité sont ultra polarisés, que dire ou ne pas dire ?
Dans son septième roman, l’ancienne chroniqueuse de Canal et de France Inter use d’humour et de rage pour s’attaquer à ces phénomènes. Une fiction décalée, autour d’une maison d’édition dont le nom dit tout le programme : Feel Good, qui ne publie que des livres qui font du bien, et qui entre en bourse quand débute le récit. Sa nouvelle cheffe concocte une charte interne. Parmi les « commandements » : « Nous devons tenir en laisse les phrases, ça ne doit pas mordre, un livre, ça doit être sage, domestiqué », « Éviter tout sujet en lien avec une religion », « Éviter les mots et idées problématiques ». Bientôt, il faudra éviter jusqu’à l’humour. Avant ça, il y aura toutes les étapes, les assignations, que vous suivrez, jusqu’à la dictature des « sensitive readers » et des « sensibilités ». Évoquant sans les nommer des figures connues, cette comédie pamphlétaire est bigrement plus efficace que bien des débats d’éditocrates. Car elle est mise en perspective et incarnée.
![Pourquoi lire… "Sensibilités" de Tania de Montaigne ? 2 DE MONTAIGNE C](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2023/11/DE-MONTAIGNE-C.jpeg)
Sensibilités de Tania de Montaigne, Grasset, 180 p, 17 €