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“Le roi méduse”, “New York, New York”… : nos 4 recos BD du week-end

Un conte autour du com­plo­tisme, des vacances mélan­co­liques à New York, un voyage en alter­mon­dia­lisme, une expé­rience seul dans le Grand Nord. Voici nos recos BD de la semaine. 

Le Roi Méduse

Un père com­plo­tiste, son jeune fils, une mai­son pro­gres­si­ve­ment cou­pée du monde. Le cadre est simple. C’est oublier que Brecht Evens, star de la BD indé, est aux com­mandes. L’auteur belge néer­lan­do­phone tisse une ambiance fan­tas­ma­go­rique qui enve­loppe le récit de la radi­ca­li­sa­tion du père pour la racon­ter à hau­teur d’enfant. Le monde appa­raît alors sous le prisme défor­mant de l’éducation reçue par le petit gar­çon et de son ima­gi­na­tion débri­dée. Les scènes les plus simples (comme une fuite de gaz) prennent tout de suite des allures magiques et nous emmènent dans une autre dimen­sion. Avec ce grand écart per­ma­nent entre l’impression de vivre un récit d’aventure XXL tout en lisant une fable ter­ri­ble­ment réa­liste sur les méca­nismes d’emprise. Devant ce four­mille­ment de détails, où le sens de chaque image semble se recom­po­ser à l’infini, on décèle dans le choix de telle ou telle tech­nique (aqua­relle, gouache, mar­queur…) toute la minu­tie avec laquelle le bédéaste donne vie à chaque idée. Vivement la deuxième par­tie à l’automne ! Si Brecht Evens avait reçu en 2019 le Prix spé­cial du jury à Angoulême pour Les Rigoles, on ne serait pas sur­pris que ce Roi Méduse le mène au Fauve d’or…

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Le Roi Méduse (pre­mière par­tie), de Brech Evens. Actes Sud, 288 pages, 32 euros.

New York, New York

Trois amies partent à New York pour pas­ser des vacances ensemble. Mais ne vous atten­dez pas à une BD feel good avec la Grosse Pomme en majes­té. Si l’immersion dans Manhattan est bien réelle et la déam­bu­la­tion de Central Park à Soho au pro­gramme, le voyage de ces jeunes étu­diantes est comme voi­lé par une mélan­co­lie au goût un peu amer, quand Fiona com­mence à prendre beau­coup de place et met une dis­tance entre Zoe et Dani. Les cou­sines Tamaki (Mariko au scé­na­rio et Jillian au des­sin), bédéastes cana­diennes, relatent avec sub­ti­li­té la dés­illu­sion du voyage et cette lan­gueur à la fois angois­sée et insou­ciante qui carac­té­rise par­fois la tran­si­tion entre l’adolescence et l’âge adulte. L’immensité de la ville, pas­sée au filtre d’une légère bichro­mie rose et vio­lette, vient reflé­ter le mélange de liber­té et d’incompréhension res­sen­tie par ces jeunes femmes qui apprennent à s’affirmer et à construire leurs opi­nions, loin de leurs repères familiers.

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New York New York, de Mariko et Jillian Tamaki. Rue de Sèvres, 448 pages, 25 euros.

Terres rebelles

En 2021, une délé­ga­tion zapa­tiste mexi­caine com­po­sée de quatre femmes, deux hommes et une per­sonne trans, a pris la mer à bord du voi­lier La Montaña pour rejoindre l’Europe et lan­cer un appel contre le capi­ta­lisme. Un éton­nant “voyage pour la vie” qui a ame­né les représentant·es de ce mou­ve­ment emblé­ma­tique de l’altermondialisme à ren­con­trer sur tout le conti­nent celles et ceux qui ima­ginent et expé­ri­mentent des formes de socié­té alter­na­tives. Raconté dans un film docu­men­taire (Pour la vie, de Sandra Blondel et Pascal Hennequin, 2022), ce voyage a aus­si été sui­vi par l’illustratrice Lisa Lugrin, qui a com­men­cé par publier dans la presse (Libé ou Reporterre entre autres) les planches de cette BD, aujourd’hui sous sa forme défi­ni­tive. L’album rap­pelle la genèse du mou­ve­ment insur­rec­tion­nel et confronte la parole de ses membres à celle des com­mu­nau­tés visi­tées sur le che­min, ZAD ou mou­ve­ments auto­gé­rés comme ce McDo mar­seillais trans­for­mé en res­tau­rant asso­cia­tif. Des uto­pies citoyennes que Lisa Lugrin illustre avec poé­sie et une liber­té de trait qui convient par­fai­te­ment au sujet.

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Terres rebelles, de Lisa Lugrin, Jérôme Baschet et Métie Navajo. Futuropolis, 208 pages, 25 euros.

Épinette noire

Il y a quelque chose d’apaisant qui se dégage du des­sin d’Aurélie Wilmet, autrice belge vivant au Danemark. Une sorte de plé­ni­tude trans­mise par ses aplats de cou­leurs réa­li­sés avec feutres et crayons. Épinette noire raconte pour­tant la sur­vie d’une pilote de l’aéropostale dans le Grand Nord cana­dien après le crash de son avion en décembre 1947. On a connu plus relaxant… Entre les aurores boréales et les tem­pêtes de neige, son ima­gi­na­tion tra­vaille et sa réa­li­té vacille dou­ce­ment, tan­dis que les secours se lancent à sa recherche. On se laisse dou­ce­ment déri­ver avec elle et s’interroger sur la pré­sence réelle ou non de cet ours blanc au visage tâché. C’est doux, ins­pi­rant (mal­gré une éco­no­mie de mots) et car­ré­ment dépay­sant. Le voyage se pro­longe à la gale­rie Arts Factory, à Paris, du 23 jan­vier au 24 février pour celles et ceux qui vou­draient décou­vrir les planches originales.

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Épinette noire, d’Aurélie Wilmet. Super Loto Éditions, 208 pages, 29 euros.

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