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Le conseil lec­ture de Franck Thilliez : « L'Oiseau Canadèche », de Jim Dodge

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Franck Thilliez. © F. Riou

Jim Dodge fait par­tie de ces auteurs qua­si incon­nus en France, dont le nom sur­git des lèvres des libraires lorsque sont évo­qués les romans oubliés, igno­rés ou épui­sés et qu’il est indis­pen­sable d’avoir lus. L’Oiseau Canadèche, on le décou­vri­ra au fond d’un rayon dont il est bien dif­fi­cile de dire si c’est celui de la poé­sie, de la lit­té­ra­ture blanche ou du polar. 
Ce petit livre mai­gre­let, à l’étrange cou­ver­ture sur laquelle un canard déli­rant tient la vedette, il faut aller le débus­quer telle une pépite. Cette tranche de vie de l’Ouest amé­ri­cain est d’une den­si­té, d’une ori­gi­na­li­té, d’une gouaille qui lais­se­ront une trace dans nos vies de lec­teurs. 
Pépé Jake, un octo­gé­naire mar­gi­nal, pos­sède un secret : dans son der­nier souffle, un Indien lui a confié la recette d’un whis­ky qui rend immor­tel. C’est donc tout natu­rel­le­ment que depuis des années, Jake, seul dans son ranch, ingur­gite des quan­ti­tés thé­ra­peu­tiques de ce doux breu­vage qu’il a sur­nom­mé « Le vieux râle d’agonie ». L’arrivée sou­daine de son petit-​fils Titou, dont les parents sont décé­dés, puis celle de Canadèche, un canard col­vert arra­ché à une mort cer­taine, vont trans­for­mer sa vie. 
Court roman à l’intrigue hila­rante ? Long poème tendre et tru­cu­lent ? Conte phi­lo­so­phique qui démontre avec une incroyable dou­ceur que les évé­ne­ments impro­bables ne sont jamais impos­sibles ? Jim Dodge casse les codes de la fic­tion, anéan­tit les cli­chés, tord le temps à la manière d’un Einstein des mots. En deux phrases, il est capable de faire s’écouler des décen­nies, mais il ne lui faut pas moins de trois ou quatre pages pour dis­sé­quer les cinq minutes néces­saires à plan­ter le piquet d’une clô­ture. C’est une magni­fique allé­go­rie de nos exis­tences embra­sées, de ces années qui passent sans qu’on y prête garde, des moments pré­cieux qu’on néglige parce qu’il faut abso­lu­ment attra­per un train. Prendre son temps, s’écouter res­pi­rer, se regar­der vivre… Profiter, tout sim­ple­ment.
Si le livre compte à peine plus de cent pages, c’est parce qu’il n’a pas besoin de davan­tage. La plume de Dodge raconte beau­coup avec peu de mots, elle sug­gère plus qu’elle ne décrit et laisse donc le lec­teur s’inventer sa propre his­toire. L’Oiseau Canadèche repré­sente, pour moi, le pen­chant étin­ce­lant et joyeux de Des sou­ris et des hommes, de Steinbeck. En ces temps par­fois sombres et dif­fi­ciles, où la glace fond et où les églises brûlent, il est bon de prendre la lumière de ce récit. Profitons de sa petite taille pour l’emporter par­tout avec soi, le lire et le relire chaque fois qu’on se dira que le monde va mal…

L'Oiseau Canadèche, de Jim Dodge, tra­duit de l'anglais (États-​Unis) par Jean-​Pierre Carasso. Éd. 10–18, 2013, 120 pages, 4,90 euros.


En librai­rie · Luca

Luca est le onzième volet de la série « Sharko-​Henebelle » et le dix-​huitième roman de Franck Thilliez. Après les avoir lais­sés de côté dans Le Manuscrit inache­vé (2018), le fameux auteur de polars remet ici en selle son duo d’enquêteurs du « 36 », Franck Sharko et Lucie Henebelle donc, ain­si que leur escouade : Nicolas Bellanger et une petite nou­velle, Audra Spick. Tous désor­mais ins­tal­lés au Bastion, le nou­vel antre de la PJ pari­sienne dans le nord-​ouest de la capi­tale. Luca com­mence avec un cadavre (dans une fosse au fond d’un bois, Sharko découvre un corps ron­gé à l’acide) et un décès (à peine a‑t-​il trans­mis une lettre à Bellanger qu’un homme meurt dans les bras du poli­cier). Les deux intrigues sont liées, bien sûr, menant vers des filles séques­trées dans un lieu éloi­gné et vers un couple en mal d’enfants. Mais Thilliez ­par­vient à les uti­li­ser pour doser avec équi­libre la quan­ti­té d’enjeux et de thèmes d’un roman très dense : mani­pu­la­tions géné­tiques, tra­fics d’adoptions, GPA, trans­hu­ma­nisme, dark Web et lan­ceurs d’alerte sont de la par­tie. Hubert Artus

Luca, de Franck Thilliez. Éd. Fleuve Noir, 552 pages, 22,90 euros.

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