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© Christin Hume

En panne d'idées livres ? Voici notre sélec­tion de mai

Vous trou­ve­rez for­cé­ment un ouvrage à votre goût par­mi ces pépites.

Un loser magnifique

Il tient de Bertrand Blier ou d’Albert Dupontel pour son humour amo­ral, il tient de feu Elmore Leonard (l’auteur de Jackie Brown) pour la saveur de ses romans d’action, il y rajoute une émo­tion tou­jours scot­chante : c’est Benoît Philippon. Nous avions ado­ré Cabossé (2016), Mamie Luger (2018) et Joueuse (2020). Comme eux, Petiote est une comé­die réa­liste et cette fois, l’auteur aborde le lien père-​fille. Logé dans un hôtel assez piteux, au RSA, Gus vient de perdre la garde de sa fille, Émilie, 14 ans. Au début, il achète un AK-​47. Bientôt, il prend les clients de l’hôtel en otage. L’affaire et sa cause font de lui un héros. Le lieu attire les médias. Sauf que voi­là : ça n’arrange pas tout le monde dans le coin… Mais tout ce que veut Gus, c’est l’estime et l’amour de sa fille. Petiote, c’est géant. H. A. 

Petiote, de Benoît Philippon. Éd. Les Arènes, 384 pages, 19,90 euros.

Le com­bat continue

Écrire et mili­ter vont de pair pour Djaïli Amadou Amal, ambas­sa­drice de l’Unicef et fon­da­trice, dans son Cameroun natal où elle vit tou­jours, de l’association Femmes du Sahel, qui œuvre pour l’éducation des filles. En France, le suc­cès de son troi­sième roman, prix Goncourt des lycéens 2020, l’a révé­lée. Les Impatientes abor­dait les mariages for­cés et le viol conju­gal à tra­vers le des­tin de trois Camerounaises peules. Cœur du Sahel est aus­si un por­trait de femmes, mais c’est un tableau plus social. 

On y entre avec Faydé, qui décide d’arrêter une sco­la­ri­té pro­met­teuse pour mon­ter à Maroua, l’une des plus grandes villes du pays, et deve­nir la domes­tique d’une riche famille. Le but : sub­ve­nir aux besoins des sien·nes, après que le père a été tué dans une attaque de Boko Haram. C’est sa nou­velle vie que nous sui­vrons. La sienne et celle d’autres ­domes­tiques qui, comme elle, se voient rabais­sées à leur condi­tion sociale. Comme les pré­cé­dents, le qua­trième livre de l’écrivaine aborde la condi­tion fémi­nine dans un patriar­cat conser­va­teur. Sur fond d’attaques et de pillages du groupe ter­ro­riste, il offre pour­tant à ses héroïnes l’horizon d’une soro­ri­té et même, pour cer­taines, du véri­table amour. La langue est simple, libé­rant émo­tion et verve poli­tique. H.A.

Cœur du Sahel, de Djaïli Amadou Amal. Éd. Emmanuelle Collas, 364 pages, 17 euros.

Le roman de la revanche

Quelque part entre l’uchronie et le roman vrai, voi­ci l’histoire d’une vie au-​delà de la mort. Dans la réa­li­té, l’Américaine Sylvia Plath s’est sui­ci­dée en 1963, à Londres, en met­tant sa tête dans le four de sa gazi­nière. La biblio­gra­phie de la poé­tesse est aus­si courte que son influence est res­tée grande, pour les écrivain·es comme pour les chan­teuses (Lana Del Rey par exemple). Coline Pierré ima­gine ici que Plath a raté son affaire et qu’elle reprend sa vie tant bien que mal, avec ses deux enfants et son mari, le poète Ted Hugues. Situé dans le Londres des swin­ging six­ties et de la révo­lu­tion pop qui arri­vait alors, ce pre­mier roman raconte une poé­tesse qui s’arrache au joug de son mari et des hommes en géné­ral, se plai­sant dans son rôle de mère comme dans une aura de vedette. Politique et ludique. H.A.

Pourquoi pas la vie, de Coline Pierré. Éd. L’Iconoclaste, 398 pages, 20 euros.

Programmes lit­té­raires

Quand vous lirez cette chro­nique, nous serons entre deux élec­tions. Cet essai n’en aura que plus d’importance, et plus de sens. Le cher­cheur et essayiste Alexandre Gefen a inter­ro­gé vingt-​six auteurs et autrices français·es d’envergure et les a soumis·es aux mêmes ques­tions, por­tant sur les liens chez eux·elles – et selon eux·elles – entre poli­tique et lit­té­ra­ture : d’Annie Ernaux à Chloé Delaume, en pas­sant par Leïla Slimani, Alice Zeniter, Nicolas Mathieu, Marie Darrieussecq et vingt autres. Tout est posé et, entre autres, la langue (de gauche ou de droite ?), la vio­lence sociale, le sexisme et sa dénon­cia­tion, les inéga­li­tés, l’auto­fiction poli­tique, la ques­tion ani­male aujourd’hui. Voilà un livre qui tord le cou à l’idée, aus­si fausse qu’encore trop répan­due, que la lit­té­ra­ture fran­çaise est res­tée auto­fic­tion­nelle et eth­no­cen­trée. H. A.

La lit­té­ra­ture est une affaire poli­tique, d’Alexandre Gefen. Éditions de L’Observatoire, 368 pages, 22 euros.

L’inavouable légè­re­té de l’être

Elles sont guin­dées, che­veux épin­glés, habi­tuées à se taire sauf pour prier. Elles sont éle­vées « dans le droit che­min », mais avides de s’en détour­ner. Dans La Vie secrète des bigotes, l’Américaine Deesha Philyaw nous fait entendre les voix hila­rantes et inat­ten­dues de quatre géné­ra­tions de femmes noires tiraillées entre leur vie de « bonnes chré­tiennes » et leurs fan­tasmes secrets. Eula se demande com­ment res­ter « propre » tout en cédant au désir fou pour sa meilleure amie ; Olivia, 8 ans, s’entraîne à pré­pa­rer la meilleure tourte qui soit pour séduire « Dieu », un Père Noël noir en robe pas­to­rale qui couche avec sa mère tous les lun­dis… Au fil de ces nou­velles, que l’on dégrafe l’une après l’autre comme un vête­ment d’église trop ser­ré, la roman­cière offre à ces femmes, qui se cha­maillent autant qu’elles s’aiment, un cri de sou­la­ge­ment, une audace… la liber­té qu’elles méritent ! L. M.

La Vie secrète des bigotes, de Deesha Philyaw, tra­duit de l’anglais (États-​Unis) par Florence Lévy-​Paoloni. Éd. Philippe Rey, 159 pages, 17 euros.

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