Comme chaque année, Causette vous propose ses morceaux choisis de belles lettres à savourer pendant les fêtes.
Pour la tatie artiste
Une malle aux trésors. C’est ce que nous offre Mona Chollet en ouvrant la porte de son atelier secret. Un monde numérisé où son œil, créature clepto et affamée, se gorge D’images et d’eau fraîche. Dans cet essai richement illustré, l’autrice de Sorcières et de Réinventer l’amour (La Découverte) nous révèle la passion à laquelle elle s’adonne depuis dix ans, la collecte d’images sur le réseau social Pinterest. Rizières d’Hiroshige, dessins de Paul Klee, enluminures germaniques… En collectionneuse, ancienne fidèle des albums Panini et des photos collées sur l’agenda (on adhère), Mona Chollet partage ces images comme autant de « voilà qui je suis » en « quête éperdue d’un témoin à tout cela ». Mais aussi comme une façon de se surprendre elle- même dans ses retranchements. Quel pouvoir espère- t‑elle tirer de ces images ? Ne serait-elle pas en train de succomber à la fièvre de l’accumulation, une « ruse du capital pour nous détourner de la révolution » ? On retrouve une Mona Chollet engagée, capable d’offrir – tout en traquant ses contradictions
– une invitation au plaisir « ici et maintenant ».
D’images et d’eau fraîche, de Mona Chollet. Flammarion, 192 pages, 19,90 euros.
Pour la cousine baroudeuse
Un « truc de bonnes femmes », un « pisse-mémé » ? Pour Lucie Azema, le thé nous emmène bien loin de tout cela. Avec L’Usage du thé. Une histoire sensible du bout du monde, cette voyageuse intrépide (Les femmes aussi sont du voyage, Flammarion, 2021), érudite et sensible, nous offre un périple vers des terres lointaines, jalonné de chasses aux trésors, d’asservissement colonial et de révoltes féministes inattendues. Nous voilà en Chine, plus de 2 000 ans avant notre ère, au moment de la découverte de cette plante dont l’histoire s’entrelace avec celle de l’humanité. Avec un talent de conteuse stupéfiant, Lucie Azema parcourt les routes de la soie, croise les caravaniers, les botanistes, les esclaves, les espions qui cherchent à voler le secret du breuvage le plus consommé au monde
(après l’eau) et – surprise – les suffragettes, qui élèvent le thé au rang de symbole de leur lutte pour l’égalité. Illustré de photos personnelles de l’autrice et émaillé de confidences, ce livre répond lui aussi à quelques recommandations d’usage :
on commence par le sentir, le feuilleter. Puis, on le boit à grandes gorgées, envoûté·es par une douce ivresse « théinée ».
L’Usage du thé. Une histoire sensible du bout du monde, de Lucie Azema. Flammarion, 238 pages, 25 euros.
Pour la daronne « alter »
Une « immensité ensevelie », c’est ce qu’exhument aujourd’hui Isabelle Louviot et Georges Peignard en suivant à la trace la vie et l’œuvre du visionnaire Élisée Reclus. Dans ce beau-livre biographique, sous-titré Penser l’humain et la terre, l’autrice et le peintre-sculpteur nous font entendre la voix de ce grand géographe français (1830−1905). Auteur d’une œuvre colossale, pionnier de l’écologie, végétarien, Élisée Reclus est aussi un théoricien anarchiste et précurseur de ce qu’on appelle aujourd’hui « l’écologie politique ». Emprisonné sous la Commune, puis exilé,
il a été banni de l’Histoire pour ses idées et oublié pendant près d’un siècle. Illustré par les dessins vibrants de Georges Peignard, ce livre fait résonner au présent l’ardeur et l’espoir de ce révolté en avance sur son temps.
Élisée Reclus. Penser l’humain et la terre, d’Isabelle Louviot et Georges Peignard. Le Tripode, 176 pages, 23 euros.
Pour la belle-mère made in USA
Le monde la connaît depuis le 20 janvier 2021 : à la tribune lors de l’investiture du président Joe Biden, elle avait lu son fulgurant poème, La colline que nous gravissons. Dans Donnez-nous le nom de ce que nous portons, on le retrouve, accompagné de poèmes en prose, de textes et de calligrammes. Fortement marqué par la pandémie de 2020–2021, ses morts et ses confinements, ce recueil explore aussi bien l’histoire post-raciale de l’Amérique, le rapport à la nature ou au monde, l’identité et l’harmonie. Par une écriture souvent sombre mais toujours irradiante et percutante, par des « mots qui n’ont pas besoin d’être rouges pour que notre sang circule à travers eux », la jeune poétesse écrit parce que « Notre avenir a besoin de nous » et que « Nous émergerons, harassés mais radieux ».
Donnez-nous le nom de ce que nous portons, d’Amanda Gorman. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Santiago Artozqui. Fayard, 240 pages, 18 euros.
Pour tous les bambins
Et de trois ! Après Une Maman, c’est comme une maison et Bébé ventre (éd. Les Fourmis rouges), Aurore Petit poursuit sa série intimiste avec La Petite Sœur est un diplodocus. Un album doux et coloré, qui raconte à hauteur d’enfant la naissance d’une fratrie. Enthousiaste à l’idée de partager ses jeux avec cette nouvelle venue, le grand frère déchante vite face à ce minuscule bébé qui ne peut rien faire et qui, par-dessus le marché, prend autant de place qu’un diplodocus. Déçu et en colère, il se transforme alors en tyrannosaure, jusqu’au moment où il finit par rencontrer vraiment sa petite sœur…
Également destiné aux jeunes lecteurs et lectrices (à partir de 3 ans), Le Petit Monde de Nour nous emmène quant à lui à la rencontre d’une petite fille qui adore danser, sauter dans les flaques et rit parfois pour rien. Oui mais voilà, à l’école, les autres disent qu’elle est un peu bizarre, Nour. Et à force de l’entendre, elle sent poindre une boule de tristesse qui, peu à peu, l’engloutit totalement. Jusqu’à ce qu’elle rencontre ce petit garçon qui, lui aussi, aime sauter dans les flaques. Un récit poétique sur l’importance de rester soi-même et de se sentir accepté·e, où l’on retrouve notamment la patte d’Isabelle Carrier (autrice de l’album à succès La Petite Casserole d’Anatole, Bilboquet-Valbert).
Dès 4 ans, on sera aussi touché·e par Dans le cœur gros d’Anouk, premier album jeunesse de la dessinatrice Mathou. Où l’on s’attache à cette petite fille qui a un gros chien, des grosses billes, un gros cœur… et qui en a aussi très gros sur la patate depuis que Jules, l’un de ses camarades, lui a balancé qu’elle était grosse et que c’était moche. « Pourquoi le même mot, “gros”, peut-il être aussi gentil quand on parle de cœur, de billes ou de chien, et aussi méchant quand on parle des enfants ? » demande-t-elle alors à ses parents. Un livre qui parle du rapport au corps, à la différence, et qui invite à célébrer la singularité de chacun·e.
Comme le fait à sa manière Le Petit Illustré de l’intimité, imaginé par Tiphaine Dieumegard et Mathilde Baudy, et dont le troisième tome se propose de parler aux 6–12 ans de la conception et de la famille sous toutes ses formes. Un opus qui, comme les précédents, réussit le pari d’être à la fois informatif, beau et inclusif.
Et pour celles et ceux qui affectionnent les histoires de fées et de prince·esses (mais moins les stéréotypes sexistes qui vont souvent avec), on ne pourra que recommander Brune-Feuille, le prince se marie et autres contes inclusifs dans lequel dix-sept auteur·rices hongrois·es revisitent des contes du monde entier. Publié par l’association féministe et lesbienne Labrisz en 2020, depuis traduit dans une douzaine de langues (dont le français cette année), ce recueil a suscité la polémique lors de sa sortie en Hongrie. Des princes qui épousent d’autres princes, des héros racisés, des princesses rebelles et des filles courageuses… Imaginez donc !
La Petite Sœur est un diplodocus, d’Aurore Petit. Les Fourmis rouges, 48 pages, 15,50 euros.
Le Petit Monde de Nour, de Jérôme Ruillier et Isabelle Carrier. Saltimbanque, 56 pages, 13,50 euros.
Dans le cœur gros d’Anouk, de Mathou. Robert Laffont, 40 pages, 14,90 euros.
Le Petit Illustré de l’intimité, de Tiphaine Dieumegard et Mathilde Baudy. Atelier de la Belle Étoile, tome 3, 56 pages, 15 euros.
Brune-Feuille, le prince se marie et autres contes inclusifs, collectif, Lilla Bölecz (illustrations), traduit du hongrois par Chantal Philippe, Joëlle Dufeuilly, Cécile A. Holdban. Talents hauts, 192 pages, 22 euros.
Pour le beau-frère anti-#MeToo
Fêter les cinq ans de #MeToo sous le sapin ? Eh bien, pourquoi pas ! Le livre collectif Moi aussi n’est pas une simple célébration du mouvement, mais une mise en perspective vaste et détaillée des avancées et manquements de ce dernier. Neuf récits personnels portés par neuf voix féminines très différentes : la chanteuse Angèle, les journalistes Rokhaya Diallo, Christelle Murhula et Elvire Duvelle-Charles, la philosophe Camille Froidevaux-Metterie, la militante trans Lexie-Victoire Agresti, l’étudiante Louz, la haute fonctionnaire Reine Prat et l’autrice et militante féministe Rose Lamy, qui coordonne le livre.
Pour Camille Froidevaux-Metterie, le mouvement est le paroxysme d’une révolution du corps et de l’intime, initié au début des années 2010. Rokhaya Diallo et Christelle Murhula rappellent quant à elles l’injuste invisibilisation de l’Afro-Américaine Tarana Burke, révélatrice de la place peu importante laissée aux femmes les moins privilégiées au sein de #MeToo. Lexie-Victoire Agresti analyse la manière dont, à mesure que les idées féministes se sont développées dans la société, une parole transphobe décomplexée s’est de plus en plus fait entendre. Tandis qu’Angèle se livre sur son cheminement féministe, révélant ne pas avoir eu « l’occasion de réfléchir sérieusement à [son] positionnement quant aux inégalités de genre dans la société » au début de l’émergence de #MeToo. Rose Lamy, enfin, propose une analyse très intéressante du récent procès en diffamation contre Amber Heard qui a coïncidé, selon elle, avec une libération d’une crise de la masculinité « dormante ». L’ouvrage qu’elle coordonne dresse ainsi le bilan d’un combat imparfait, mais qui continue.
Moi aussi, collectif, sous la direction de Rose Lamy. J.-C. Lattès, 19 euros, 216 pages.
Pour le petit frère déconstruit
Il suffit de se connecter sur n’importe quel réseau social pour voir à quel point les moindres faits et gestes de Timothée Chalamet, comédien star de 26 ans, sont aujourd’hui scrutés et commentés. La frénésie autour de sa personne porte même un nom : la « Chalamania ». La journaliste Aline Laurent-Mayard n’a pas échappé au phénomène. Dans un essai passionnant et documenté intitulé Libérés de la masculinité, elle analyse avec beaucoup d’humour sa fascination pour le comédien, qui incarne aujourd’hui une autre forme de masculinité, moins violente et moins virile. En s’appuyant également sur les trajectoires de deux autres artistes, cette fois britanniques, le chanteur Harry Styles et l’acteur Tom Holland, l’autrice interroge les répercussions sur la société du succès de ce trio de jeunes garçons hétéros gentils, sensibles et respectueux, qui n’hésitent pas à piocher dans le vestiaire féminin pour s’habiller. Par leur comportement, leurs prises de position et leur style, Chalamet, Styles et Holland peuvent-ils réussir à faire bouger les lignes de la masculinité ? Voire mettre fin au patriarcat ? La réalité est, évidemment, beaucoup plus complexe que cela…!
Libérés de la masculinité, d’Aline Laurent-Mayard. J.-C. Lattès, 19 euros, 256 pages.
Pour la sista branchée sur spotify
Quand la musique est bonne, elle épouse les égalités, les équités et alors seulement, elle se pare de beauté. Mais ici comme ailleurs, les femmes ont longtemps été invisibilisées. Avec son titre qui lorgne vers celui d’un tube de France Gall, Toutes pour la musique raconte justement comment, dans ce domaine artistique, elles sont passées de l’effacement subi à l’empowerment d’aujourd’hui. Un ouvrage richement illustré mais surtout subtilement chapitré : notre consœur Chloé Thibaud étudie son sujet non pas chronologiquement, mais thématiquement. Les chapitres sont consacrés à la musique classique, au blues, au rock, aux Riot Grrrls, aux sixties sexistes, au rap et autres genres musicaux. Manière d’étudier chacun de ces secteurs, mais aussi les intersectionnalités. Savez-vous que la pionnière du féminisme musical est née en… 1098 ? Vous lirez son histoire, et c’est une surprise. Vous pensez qu’Elvis a inventé le rock’n’roll ? Non, c’est une femme, et c’était en 1944. À la fin de chaque partie, un entretien réalisé pour ce livre avec une quinzaine d’artistes et chercheuses des plus diverses – de Lio à Élodie Frégé en passant par Marie-Paule Belle, Sheila, Françoise Hardy, Leys, Yelle… Le conte est ici réglé, et la musique est bonne.
Toutes pour la musique, de Chloé Thibaud. Hugo/Image, 192 pages, 29,95 euros.
Pour le tonton farceur
On connaît les deux albums de 50 nuances de Grecs en BD, devenus série animée sur Arte (troisième saison annoncée pour décembre). Pour cette nouvelle nuance, Jul reprend son principe dans un livre sans images : revisiter les mythes de l’Antiquité en les frottant aux turpitudes modernes. On retrouve les dieux, les déesses, leurs traversées et leurs problèmes d’identité sexuelle et tout en collant à la véracité des récits d’Homère, Jul en fait des épisodes où Zeus, Pénélope, Athéna, Apollon et les autres s’expriment avec les mots et les instruments du XXIe siècle. Le cheval de Troie nécessite un tuto, une traversée des mers un GPS (galère à paramétrer en grec ancien), #Myth-Too vient bousculer le patriarcat mythologique, Éros anticipe la vogue des applis… Offrant la part belle aux dialogues (tordants), cette variation est différente et fait du bien. Le cadeau idéal !!
50 nuances de Grecs, de Jul. Le Seuil, 272 pages, 19,50 euros.
Pour la nièce badass
Douze ans sans nouvelles d’Aya (mais aussi de Bintou, Adjoua et les insupportables Sissoko) ! Douze ans loin de Yopougon, ce quartier populaire d’Abidjan (Côte d’Ivoire) portraituré à travers les péripéties vécues par ces personnages à la fin des années 1970. Le plaisir que l’on a à retrouver Aya montre à quel point la jeune Ivoirienne imaginée par Marguerite Abouet s’est imposée comme une figure familière de la BD, qui a même commencé à se transmettre d’une génération à l’autre. Dans ce nouvel opus, situé en 1981, elle prend la défense des étudiant·es face aux logements insalubres, tandis qu’Albert et Inno doivent chacun surmonter des obstacles liés à leur homosexualité. Une fois encore, c’est un vrai récit choral et cette diversité de personnages fait autant la richesse que l’accessibilité de la série : nul besoin d’avoir lu les six précédents pour prendre du plaisir à la lecture de celui-ci,
toujours rythmé par les punchlines en nouchi (l’argot ivoirien). Dur de ne pas « s’enjailler » avec Aya !
Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie. Gallimard BD, tome 7, 128 pages, 18 euros.
Pour les bédéphiles de la famille
Après 1984, Xavier Coste récidive chez Sarbacane avec un nouveau carré magique dont les 200 pages retracent la vie d’un freak, un « homme à la tête de lion ». Autour de cette métaphore de la différence, l’auteur raconte l’histoire d’un personnage dévoré par le temps, qui dépeint aussi le crépuscule d’un certain monde forain. Son goût pour l’affiche et pour le graphisme s’y déploie naturellement en pleine page.
Carré, Kiss the Sky l’est également, cette fois en clin d’œil aux vinyles de Jimi Hendrix, dont il retrace dans ce premier volume l’apprentissage fait de galères comme de rencontres décisives. La plupart des cases ont un sens de la composition si minutieux qu’elles feraient d’ailleurs de superbes pochettes. S’y exprime toute la subtilité de la ligne noire du dessinateur Mezzo, dont la densité du trait relie entre eux les corps, la ville et les instruments. Le scénario de Jean-Michel Dupont souligne l’importance, pour l’artiste, de la culture cherokee transmise par sa grand-mère.
Des mélanges culturels aussi à l’œuvre dans l’ouvrage collectif Duo, joli pari artistique à visée caritative, qui fait dialoguer, sur 57 doubles pages, 110 dessinateur·rices du monde entier, associant d’illustres signatures de la BD (dont le Coréen Kim Jung-gi, mort récemment) avec d’autres moins connues, souvent petites mains dans l’ombre des grands studios d’animation, qui libèrent ici toute leur créativité.
L’Homme à la tête de lion, de Xavier Coste. Sarbacane, 208 pages, 29 euros.
Kiss the Sky : Jimi Hendrix 1942–1970, de Jean-Michel Dupont et Mezzo. Glénat, 88 pages, 24,50 euros.
Duo, collectif. Glénat, 160 pages, 40 euros.
Pour la belle-soeur Punk
On le pressentait dans la première partie, c’est confirmé dans la deuxième : avec cette réinterprétation de Vernon Subutex (Grasset), Virginie Despentes et Luz ont signé une très grande BD. Dès l’ouverture, en rebondissant d’un quidam à l’autre, se dessine un portrait kaléidoscopique de Paname pour arriver à Vernon, l’ex-disquaire devenu clochard céleste, sur son banc de la butte Bergeyre. Tout au long de l’album, Luz joue de cette omniscience pour enchaîner les trouvailles visuelles. On se noie dans une pupille, on découvre un flash-back dans le reflet d’une paire de lunettes, les pochettes d’album se matérialisent en plein Paris quand ce ne sont pas les artistes qui s’échappent directement des enceintes (Amy Winehouse, David Bowie ou Dolly Parton). À côté de ces envolées graphiques, quatre pages bouleversantes racontent avec une fausse simplicité le trauma d’un viol. Tout du long, Despentes réinvente son écriture et en convertit la nervosité en bulles. On sort de l’album à travers une fumée de cigarette dont les volutes n’ont pas fini de nous donner le vertige.
Vernon Subutex, seconde partie, de Luz et Virginie Despentes. Albin Michel, 368 pages, 34,90 euros.
Pour tata et tatie
On peut « difficilement être plus au cœur de la République française » que Dorothée, réalisatrice officielle de l’Élysée sous François Hollande, chargée de suivre et de filmer le président lors de ses mille et un déplacements. « Et pourtant, écrit-elle, dans cette République que je sers quotidiennement, il n’y a pas de place pour mon projet de famille. » Un projet de bébé avec sa compagne Claire, avant l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. L’histoire, racontée à la première personne, est vraie. Et folle. On y voit les deux amoureuses courir le marathon que connaissent tous les futurs parents confrontés à la question : foncer en Belgique (une des rares options accessibles pour les femmes lesbiennes à l’époque) à la veille d’un déplacement de Dorothée en Guyane ou au retour de Saint-Pierre- et-Miquelon ; multiplier les examens chez la gynéco, tout en documentant les réactions du chef de l’État aux attentats de 2015 de l’aube à la nuit tombée ; vivre plusieurs arrêts involontaires de grossesse, impossibles à « déclarer » dans ces coulisses de l’Élysée… Un concentré d’intensité intérieure et professionnelle, sous forme d’ode à la
persévérance et à l’amour, qui parlera à celles et ceux qui aiment imaginer les coulisses du pouvoir et surtout, qui se sont un jour battu·es pour leur famille.
De l’intérieur. Deux femmes, un quinquennat, un bébé, de Dorothée Adam et Francis Buchet (illustrations). Delcourt, 232 pages, 27,95 euros.