book lot on table
© Tom Hermans

La sélec­tion lit­té­raire de mai 2021

L’énigme du Sphinx
9782330147150 couv 300 a
Le Livre des deux che­mins, de Jodi Picoult,
tra­duit de l’anglais (États-​Unis) par Marie Chabin.
Éd. Actes Sud, 512 pages,
23 euros. 

Le nou­veau roman de Jodi Picoult com­mence fort, façon Netflix. Dawn, mère de famille dont le métier, « dou­la de fin de vie », consiste à accom­pa­gner les mou­rants dans leurs der­niers ins­tants, vient de sur­vivre mira­cu­leu­se­ment à un acci­dent d’avion. Contre toute attente, elle ne rentre pas chez elle auprès de ses proches. Direction Le Caire, où elle retrouve son pre­mier amour – et rival – qu’elle a connu quinze ans aupa­ra­vant, à l’époque où elle se des­ti­nait, comme lui, à une car­rière d’égyptologue. Entre les val­lées d’Al-Minya, de Deir el-​Bersha, les vil­lages anciens de la Moyenne Égypte, elle s’interroge. Comment en est-​elle arri­vée là ? Qu’a‑t-elle lou­pé ? Bien sûr, il y a la crise de la qua­ran­taine, l’effroi d’avoir frô­lé la mort. Mais il y a bien plus. Entre explo­ra­tions phi­lo­so­phiques sur la fin de la vie, le corps, les mondes paral­lèles, les jeux de séduc­tion entre anciens amants, Jodi Picoult, fou­droyante de style et d’intelligence, nous offre un ver­tige lit­té­raire et l’envie de croire qu’en culti­vant le « jar­din des peut-​être », une deuxième chance est possible.

Le prix d’être femme
djavann c a
Et ces êtres sans pénis !,
de Chahdortt Djavann.
Éd. Grasset, 234 pages,
19,50 euros.

Tout·e écrivain·e n’a qu’un pays : celui de sa langue. On connaît l’adage. Depuis Je viens d’ailleurs (2002), Chahdortt Djavann le crie et l’écrit. Née à Téhéran, vivant en France depuis 1993, elle est deve­nue une voix intel­lec­tuelle des plus puis­santes. Ce nou­veau livre alterne deux récits per­son­nels et quatre micro­fic­tions tirées de faits réels sur­ve­nus dans l’Iran actuel. Nous lirons une his­toire d’amour fatal entre deux jeunes femmes. Nous lirons l’histoire d’un fémi­ni­cide au som­met du pou­voir [sur­ve­nu en 2019, ndlr]. Nous en lirons deux autres, aus­si sub­ju­guantes et tra­giques. Si Djavann les raconte, c’est parce qu’elle se reven­dique écri­vaine poli­tique. Mais aus­si parce que née juste après un frère mort-​né, elle se vit incul­quer très tôt la culpa­bi­li­té d’« être née sans pénis ». Elle est toutes ces femmes contre les mol­lahs. Grâce à elle, nous pou­vons l’être aus­si. H. A.

Noblesse du e‑love
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La Nouvelle Éducation sen­ti­men­tale,
de Guillaume Devaux.
Éd. Albin Michel, 240 pages,
17,90 euros.

Comment res­ter roman­tique quand il faut opti­mi­ser le moindre date ? À quels dis­cours, à quels canons doit-​on se confor­mer lorsqu’on veut per­sé­vé­rer dans l’amour cour­tois ? À 28 ans, Arthur est per­du dans ses his­toires et dans ses applis. Le jeune Lillois mul­ti­plie les rendez-​vous et les plans via Tinder, Bumble ou Happn. Autour de lui, tout le monde swipe, like, couche, puis ghoste. Il n’en veut plus. Pour lui, au contraire, les matchs par appli sont la drague « noble » comme la boxe est « l’art noble » : un face-​à-​face éga­li­taire, fait de feintes et d’intelligence du pla­ce­ment. C’est pour­quoi il y cherche celle qui sera « la plus sty­lée de la Terre ». Avec panache et brio, La Nouvelle Éducation senti­mentale – pre­mier roman – raconte cette quête. Avant et après la pan­dé­mie actuelle, qui a tel­le­ment modi­fié notre rap­port au temps et aux applis de plans. H. A.

Cocktail déjan­té
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Un der­nier bal­lon pour
la route,
de Benjamin Dierstein.
Éd. Les Arènes/​Coll. EquinoX,
416 pages, 20 euros.

Vous avez envie de rire quatre cents fois en autant de pages ? De rire jaune, de rire noir, de rire fort ? Prenez et lisez Un der­nier bal­lon pour la route. C’est un polar comme on aime : dur, mais tendre. Viré de l’armée puis de la police, Freddie manie les armes aus­si bien que la bou­teille. Idem pour son aco­lyte et ami Didier, lui aus­si ancien mili­taire. Improvisés détec­tives pri­vés, les deux viennent de déli­vrer une fillette qui avait été enle­vée. Et sur le che­min pour la rame­ner chez ses parents, ils sauvent une autre gamine, prise à d’autres ravis­seurs. Nous entrons alors dans une course-​poursuite, à tra­vers une France péri­phé­rique, celle des ronds-​points et des centres com­mer­ciaux XXL. On y croise des chas­seurs, des toxi­cos, des lob­byistes, des clo­dos célestes, des char­la­tans et une étrange affaire de vaches mortes. Avec nos deux héros, on y vide des dizaines de bal­lons de rouge aux comp­toirs (quand ce n’est pas des « Piconard », Picon et Ricard). Après deux polars de politique-​fiction (repris en poche chez Points), Dierstein revient avec un roman noir, social et din­go, quelque part entre Coluche, Dupontel et Houellebecq. H. A.

Libertée sur­veillée
chalumeau c a
Vice, de Laurent Chalumeau.
Éd. Grasset, 240 pages, 17,50 euros.
En librai­rie le 12 mai.

Trente ans exac­te­ment après Fuck, son pre­mier livre,ce Vice est plus qu’un écho. Quatorzième roman de Laurent Chalumeau, ancien de Rock & Folk qui cama­rade avec Antoine de Caunes depuis les années Canal, c’est le troi­sième seule­ment avec pour cadre ce pays qui le fas­cine : les États-​Unis. Comme dans Fuck, il dépeint un cer­tain revers de feu le rêve amé­ri­cain. Voici Esperanza Running-​Wolf, qua­dra­gé­naire de la côte ouest. Divorcée depuis peu, elle couche si elle veut quand elle veut, tout en essayant de contrô­ler ses pul­sions (sexuelles, affec­tives, intimes). Elle s’acoquine, mais sans s’engager, avec deux mecs qui, eux, s’en amou­rachent. Bercé par une BO très coun­try, jouant avec les fils de son intrigue, por­té par un style élec­trique et dif­fé­rent de sa gouaille habi­tuelle, Chalumeau alterne ici entre comé­die roman­tique et polar fémi­niste. H. A.

2010, l’odyssée des féminismes
9782234090507 001 t a
Féminismes & pop culture,
de Jennifer Padjemi.
Éd. Stock, 342 pages, 20,50 euros.

Elles se croi­se­raient bien un jour dans un livre, l’histoire de la pop culture (née il y a près d’un siècle, si on la date à par­tir des pulps et des comics des années 1930) et celle de la décen­nie écou­lée, « qui ont ins­crit un tour­nant inédit dans notre approche des fémi­nismes, des ques­tions raciales, dans notre rap­port au corps et à la sexua­li­té notam­ment ». C’est chose faite dans cet essai par­ti­cu­liè­re­ment revi­go­rant de la jour­na­liste et pod­cas­teuse Jennifer Padjemi, qui y retrace la décen­nie 2010 de tout·es ceux et celles qui ont incar­né et fait muter les élé­ments du fémi­nisme inter­sec­tion­nel. De Beyoncé à la sho­wrun­ner Shonda Rhimes, en pas­sant par Kim Kardashian ou les séries télé les plus récentes (dont la sublime I May Destroy You), elle montre com­ment les théo­ries les plus poin­tues sont arri­vées dans les médias à grande dif­fu­sion, pour le meilleur ou pour le pire. H. A.

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