Parue le 10 novembre aux États-Unis et le 12 dans le reste du monde, c’est l’autobiographie de celle qui, par sa carrière (encore en cours) et par son militantisme féministe, est devenue la plus grande star mondiale d’une discipline sportive qui, jusqu’à elle, était peu connue dans son propre pays : le football féminin.
![Cinq choses qu’on apprend en lisant « One Life », l’autobiographie de la star du football, Megan Rapinoe 1 9782234091139 1](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/11/9782234091139-1-667x1024.jpg)
écrit avec Emma Brockes,
trad. M. Capelle et H. Cohen,
Éd Stock, 288 p, 20.50 euros
- Elle a voté George W. Bush en 2004 ! Cet aveu, d’une femme qui s’est engagée avec Joe Biden dès le printemps 2020, en bouche un coin. On apprend dans le livre que Megan Rapinoe, née le 5 juillet 1985 à Redding (Californie), est issue d’une famille plutôt républicaine. Son vote d’alors, à 19 ans, elle l’explique ainsi : « Parce que tous les gens que je connaissais votaient ainsi, et en toute sincérité je trouvais que voter à cet âge méritait en soi des louanges ». Ses parents sont des Républicains, « des gens conventionnels, mais ils n’ont jamais été étroits d’esprit ». Sa mère et sa sœur jumelle sont chrétiennes pratiquantes, et le père a voté Trump en 2016 (vous lirez à ce sujet un passage savoureux).
- Issue d’une famille nombreuse (un frère, deux sœurs, dont une jumelle) et « profondément attachée à la morale », la joueuse eut bien des difficultés à faire admettre son homosexualité à sa mère. Pourtant, sa grande sœur Jenny est bisexuelle, et ramenait déjà des petites amies à la maison. C’est lors de la première année d’études, à Portland en 2004, que Megan se surprit à avoir le béguin pour une coéquipière de son équipe de fac. « Deux choses me sont venues à l’esprit. Premièrement : Sans blague, évidemment que je suis gay, putain, pourquoi personne ne m’a rien dit ? Et deuxièmement : C’est génial », écrit-elle.
- Elle a une histoire avec la France. Une dent contre, aussi : « Je crois que les Français n’ont jamais vraiment su quoi faire de moi », « Pour moi, la France c’était le socialisme ou, du moins, la social-démocratie, une manière de gouverner plus à gauche qu’aux États-Unis. […] Cette première attente a volé en éclats dès mon arrivée ». Championne olympique (en 2012) mais pas encore double championne du monde, Rapinoe était une des meilleures joueuses américaines quand elle effectue une pige à l’Olympique Lyonnais, en 2013. Le club commence à devenir ce qu’il est aujourd’hui : le meilleur club du monde de foot féminin. Bad experience : des coéquipières « tristes », « réservées », « peu sociables », une période « solitaire et démoralisante ». La seconde expérience hexagonale, en 2019, sera nettement meilleure : alors que la France accueille la Coupe du monde, Rapinoe, co-capitaine de l’équipe des USA, gagne son deuxième titre mondial (après 2015). La France témoigne alors toute son admiration à la championne, devenue une militante engagée, reconnue, appréciée, et meneuse.
- Ironie du sort : elle quitte Lyon au moment où la France adopte la loi sur le mariage pour tous. Or, Megan Rapinoe en fut très tôt une revendicatrice, aux USA. Elle a été la première grande joueuse à faire son coming-out : c’était dans une interview au magazine américain Out. Elle raconte la réflexion qui l’a menée à cette décision : une « rage politique ». Et la volonté que les personnalités publiques s’engagent plus. D’autant que, pour la première fois, un président (Obama, fraîchement réélu) y était favorable. Avec son engagement aux côtés du mouvement Black Lives Matter, celui pour le mariage entre personnes de même sexe est un thème majeur de One Life.
- Si l’ouvrage insiste beaucoup sur la notion de choix à effectuer, il montre aussi que dans la sphère du sport professionnel, les tabous sont encore des plafonds de verre. Celui, notamment, qui demeure la constante de son engagement : l’égalité salariale. Si le livre traite de la carrière sportive et de l’évolution politique de la joueuse, le fil conducteur, lui, est l’égalité salariale hommes-femmes, dont elle est la ferrailleuse incessante. Bien aidée par de nombreuses joueuses de l’équipe nationale américaine, qui compte désormais quelques engagées dans les luttes intersectionnelles. Fin 2015, fortes de leurs titres mondiaux et olympiques, constatant que leurs demandes n’aboutissaient toujours pas, et que la sélection américaine féminine rapportait 16 millions de dollars de plus que prévu quand la sélection masculine était largement déficitaire, elles ont déposé une plainte contre leur Fédération. Si l’action en justice a encore été rejetée en mai 2020, Megan Rapinoe ne perd pas espoir. Ce livre est aussi ce combat.