Chichinette tounge light
Chichinette, espionne et résistante française juive © Urban films

Trois docus de petites his­toires dans la grande pour vos soi­rées de couvre-feu

La sul­fu­reuse actrice et scien­ti­fique Hedy Lamarr, l’intrépide espionne et résis­tante juive Chichinette et le téné­breux journaliste-​mercenaire Christian Wurtenberg. Nous avons sélec­tion­né pour vous trois docu­men­taires sur des per­son­nages qui ont en com­mun une témé­ri­té à vous prendre aux tripes, à voir sur la pla­te­forme VOD Urban Boutiq. Il s’agit du site d’Urban Distribution International, un dis­tri­bu­teur spé­cia­li­sé dans les films d’art et d’essai inter­na­tio­naux, fai­sant la part belle aux docu­men­taires indés. De quoi rompre l’ennui de ces longues soi­rées de couvre-​feu, pour chan­ger de Netflix !

« Hedy Lamarr, from Extase to Wifi », gla­mour et science dure

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© Robert Coburn

« Qui était Hedy Lamarr ? » La ques­tion est posée dès le début du docu­men­taire, par Mel Brooks, comé­dien et réa­li­sa­teur qui a du mal à y répondre, alors même qu’il a tour­né de nom­breuses fois avec elle. Car der­rière sa beau­té légen­daire, Hedy Lamarr cachait des apti­tudes scien­ti­fiques de génie. Blanche-​Neige, Catwoman… c’est cette actrice, sym­bole de l’absolu fémi­nin de l’époque, qui don­ne­ra son visage aux traits de ces héroïnes animées.

Révélée par Extase et sa scène scan­da­leuse – pour 1933 – d'orgasme sur grand écran, elle ne se défe­ra jamais plus de l’image de sex sym­bol sul­fu­reux qui col­le­ra désor­mais à sa peau. Glamour, pro­vo­cante, sublime mais aus­si inven­trice en tout genre, et cela reste un secret – au même titre que sa judéi­té dans le contexte très anti­sé­mite des États-​Unis de l’époque. 

Une héroïne sous-​estimée, selon une employée de Google qui raconte à la réa­li­sa­trice du docu­men­taire, Alexandra Dean, que les recherches d’Hedy Lamarr, accom­plies dans l’ombre, ont per­mis d’aboutir à des hautes tech­no­lo­gies, telles le Bluetooth, le Wifi, ou encore l’ingénierie mili­taire. Peu de gens ont conscience que der­rière leurs smart­phones et leur connec­ti­vi­té se cachent les recherches inten­sives de cette star d’Hollywood, qui ont mar­qué le début des trans­mis­sions par saut de fréquence. 

Née Hedwig Kiesler à Vienne en 1914, Hedy Lamarr res­te­ra très atta­chée à ses racines jusqu’à sa mort, tout en vivant aux États-​Unis une grande par­tie de sa vie, pour se rap­pro­cher de ses ambi­tions d’actrice. Son fils, qui témoigne tout le long du docu­men­taire, dit de sa mère, inti­me­ment autri­chienne, qu’elle était très dévouée à sa nou­velle patrie, notam­ment pen­dant la guerre, quoi qu’il en coûte pour sa car­rière. « Elle était recon­nais­sante vis-​à-​vis de l’Amérique. L’inverse l’était moins. Mais sur­tout, elle était pro­fon­dé­ment antinazie. » 

Hedy Lamarr était très atta­chée à son appa­rence phy­sique et elle uti­li­sait sa beau­té pour brouiller les pistes et inven­ter « tran­quille­ment dans son gre­nier ». Elle com­men­ce­ra la chi­rur­gie esthé­tique vers 40 ans, non sans tom­ber dans la dérive, mais elle se mon­tre­ra très avant-​gardiste, y com­pris dans ce domaine : elle sug­gère aux plas­ti­ciens qui l’opèrent de nou­velles tech­niques, expé­ri­men­tées sur elle, et qui font encore leurs preuves aujourd’hui. 

Hedy Lamarr vou­lait mar­quer son temps, et elle le fit de mul­tiples manières. Ce n’est que dans les années 1990 que l’on com­men­ça à soup­çon­ner la pro­fu­sion de ses inven­tions. Son des­tin semé d’embûches et d’excès contri­bue au mythe d’une femme aux vies paral­lèles, jusque-​là inéga­lé. À tra­vers des inter­views d’Hedy, dans sa langue natale autant que dans sa langue adop­tive, et les mots de ses proches, ce docu­men­taire réha­bi­lite une face tron­quée de cette admi­rable exis­tence. M.-E. B.

Bande-​annonce :

Hedy Lamarr : from Extase to Wifi, d'Alexandra Dean, 2017, 1h28. 3,90 euros la loca­tion et 7,90 euros l’achat.

« Chichinette : ma vie d’espionne », l’incroyable vie de Marthe Hoffnung Cohn, espionne juive en Allemagne nazie 

Nom de code : « Chichinette, la petite casse-​pieds ». Marthe Hoffnung Cohn, 100 ans, n’a pas seule­ment vécu la Seconde Guerre mon­diale. Elle y a aus­si joué un rôle déter­mi­nant. En 1945, à quelques mois de la capi­tu­la­tion alle­mande, la jeune infir­mière juive par­vient en effet à ber­ner les nazis en infil­trant l’Allemagne pour four­nir de pré­cieux ren­sei­gne­ments aux troupes alliées. Le docu­men­taire alle­mand Chichinnette : ma vie d’espionne, réa­li­sé par Nicola Hens et sor­ti en 2019, raconte le des­tin hors du com­mun de cette femme intré­pide, deve­nue agente secrète presque par accident. 

Les pre­miers faits de résis­tance de Marthe, jeune étu­diante infir­mière née à Metz en 1920, remontent en 1942 lorsqu’elle orga­nise l’évasion de toute sa famille juive vers la zone libre en fai­sant fabri­quer des faux papiers. Mais c’est véri­ta­ble­ment à la mort de son fian­cé résis­tant, fusillé en octobre 1943, qu’elle désire rejoindre l’Armée des ombres. Un sou­hait qui lui sera cepen­dant refu­sé en rai­son de sa « frêle corpulence ». 

Une décep­tion qui n’enraye pas pour autant l’action patrio­tique de Marthe Hoffnung. On lui refuse la Résistance, elle s’engage en tant qu’infirmière dans l’armée fran­çaise à la libé­ra­tion de Paris, en août 1944. Découvrant que la Messine parle cou­ram­ment l’allemand – et ce en rai­son de l’annexion alle­mande de la Lorraine de 1871 à 1919 –, son supé­rieur, le colo­nel Fabien, lui pro­pose d’infiltrer le ter­ri­toire nazi en tant qu’infirmière alle­mande dans la ville de Fribourg. Marthe Hoffnung devient, pour un temps, Fräulein Ulrich. 

Soixante-​quinze ans après ses débuts d’espionne, Chichinnette, déco­rée à de mul­tiples reprises pour ses actes de bra­voure, par­tage, à 100 ans, le récit de son his­toire. Des pal­miers de Los Angeles où elle vit désor­mais avec son mari, à Londres, en pas­sant par Paris, Metz et Fribourg, l’ancienne espionne par­court inlas­sa­ble­ment le monde, « comme une rock star », pour trans­mettre ses mémoires aux jeunes géné­ra­tions. Avec comme ultime mes­sage : « Soyez enga­gés et n’acceptez aucun ordre que votre conscience ne peut approu­ver. » Un docu­men­taire sen­si­ble­ment puis­sant, comme un devoir de mémoire néces­saire, à la mesure de cette grande dame. A. T.

Bande-​annonce :

Chichinette : ma vie d’espionne, de Nicola Hens, 2019, 1h26.  DVD en pré­com­mande pour 18 euros.

« Chris the Swiss », ou la fas­ci­na­tion fatale pour la guerre

chris the swiss
© Urban films

Comment com­prendre le feu mor­bide qui habi­ta Christian Wurtemberg, jour­na­liste suisse de 27 ans, par­ti se frot­ter de trop près à la guerre de Yougoslavie ? Comment accep­ter, quand on est sa cou­sine, qu’il fut tué dans de mys­té­rieuses cir­cons­tances alors qu’il avait tro­qué son Nagra pour une arme à la solde d’une milice étran­gère d’extrême droite se bat­tant aux côtés des Croates ? 

Anja Kofmel avait 10 ans lorsque, en jan­vier 1992, ses parents lui annoncent la mort de cet aven­tu­reux cou­sin, par­ti dans les Balkans en tant que cor­res­pon­dant de guerre pour la radio suisse 24. Devenue des­si­na­trice à l’âge adulte, elle choi­sit, au début des années 2010, de par­tir sur les traces de Chris, dont la mort la hante depuis plus de vingt ans. Le résul­tat, Chris the Swiss, est un sai­sis­sant docu­men­taire sor­ti en 2018 qui mêle inter­views de la famille, images d’archives, mise en scène de la réa­li­sa­trice ren­con­trant celles et ceux que Chris a croi­sés sur sa route you­go­slave et des­sins d’animation venant recons­ti­tuer le pas­sé. En noir et blanc, les images d’Anja alternent entre repré­sen­ta­tion crue de la guerre et évo­ca­tions sombres et mena­çantes de ses cau­che­mars d’enfant.

On découvre un Chris peut-​être « salaud », selon le terme de son frère, assu­ré­ment en quête d’adrénaline et de confron­ta­tion avec le pire d’un conflit armé qui fit 140 000 morts. Anja Kofmel laisse des portes ouvertes : lorsque Chris devient mer­ce­naire, le fait-​il par convic­tion, par envie de faire cou­ler le sang, ou était-​ce une immer­sion jour­na­lis­tique en vue de l’écriture d’un livre ? Chacun·e se fera sa propre opi­nion. L’intérêt de ce poi­gnant docu­men­taire est d’éclairer, avec ce cas par­ti­cu­lier, la régu­lière appé­tence de jeunes Occidentaux·ales vivant dans des pays en paix pour des conflits qui ne les concernent pas. Il y en eut de nom­breux en Yougoslavie dans les années 1990 comme il y en eut, plus récem­ment et au moment même où Anja Kofmel réa­li­sait Chris the Swiss, par­tis à la guerre en Syrie. A. C.

Bande-​annonce :

Chris the Swiss, d’Anja Kofmel, 2018, 1h29. 3,70 euros la loca­tion et 7,90 l’achat.

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