Dans les salles ce mercredi : une histoire d'amour entre la veuve d’un policier et un migrant iranien dans la jungle de Calais et la relation tumultueuse d'une mère et sa fille qui essaie depuis des mois d’avoir un enfant avec sa compagne dans le Brésil de Bolsonaro.
Ils sont vivants, de Jérémie Elkaïm.
Le coup de foudre improbable, dans l’enfer de la « jungle de Calais », entre Béatrice, veuve d’un policier sympathisant FN, et Mokhtar, enseignant iranien arrivé clandestinement en Europe… Le sujet était potentiellement casse-gueule. Mais Ils sont vivants, le premier film de Jérémie Elkaïm − bien qu’il ait coscénarisé pas mal de ceux de Valérie Donzelli −, happe rapidement. Inspirée d’une histoire vraie, celle de Béatrice Huret qu’elle a racontée dans un livre, Calais mon amour, cette vibrante fiction, qui adopte une forme ardente pour conter un élan impérieux, relate un double parcours de libération. Un peu celui de Mokhtar et beaucoup celui de Béatrice, au départ prisonnière de ses préjugés et de son milieu, sinon des lois françaises.
Le filmage immersif d’Elkaïm saisit au mieux la surprise de Béatrice face à la brutalité de la « jungle » (alors qu’elle vit juste à côté), tout comme le jaillissement inopiné de son désir pour Mokhtar, dont la beauté et le parcours la bouleversent. De fait, ce côté rugueux, urgent, sans fard, empêche le récit de sombrer dans la romance neuneu. Par ailleurs, l’intensité des scènes de sexe, singulièrement la première où Béatrice redécouvre le plaisir physique, est d’une rare justesse. Bien sûr, l’interprétation de Marina Foïs, superbe d’abandon, participe pour beaucoup de la puissance politique de l’ensemble. Reste qu’un film qui soutient que l’amour est plus fort que la haine ne peut être que salutaire. Singulièrement aujourd’hui.
Voir la bande annonce du film :
À nos enfants, de Maria de Medeiros
C’est un film engagé, qui fait dialoguer ses thématiques − la maternité, l’homosexualité, la démocratie – avec intelligence. C’est aussi un film bienvenu, puisqu’il a été tourné au Brésil en 2018, entre les deux tours de l’élection présidentielle qui a permis à Jair Bolsonaro d’accéder au pouvoir…
Adapté d’une pièce de théâtre, À nos enfants raconte la relation conflictuelle entre Véra, qui a combattu la dictature dans les années 1970 et coordonne à présent un orphelinat pour enfants séropositifs à Rio, et sa fille Tania, qui se prépare à devenir juge et, surtout, essaie depuis des mois d’avoir un enfant avec sa compagne. C’est peu de dire qu’un fossé s’est creusé entre elles : Véra, pourtant ardente défenseuse des libertés, a du mal à accepter l’homosexualité de sa fille (et plus encore qu’elle ait recours à la PMA)…
En dépit d’un filmage un peu lisse, le nouvel ouvrage de Maria de Medeiros, actrice-réalisatrice portugaise aux multiples registres, retient très vite l’attention. Par l’acuité de ses questions, d’abord. Par la force de conviction de ses comédiennes, ensuite (Laura Castro, qui est l’autrice de la pièce originelle, interprète Tania ; Marieta Severo qui est une icône au Brésil, interprète Véra). Et par le message qu’il délivre, enfin : en dépit de leurs différences, les protagonistes choisissent de croire aux vertus du dialogue. Est-ce un hasard si ce message est transmis par deux femmes… dans un pays qui subit plus que jamais, aujourd’hui, la double peine du machisme et du sexisme ?