Cinq belles sorties cette semaine : Les Intranquilles, de Joachim Lafosse, Le Ciel est à vous, de Jean Grémillon, I Am Greta, de Nathan Grossman, La Traversée, de Florence Miailhe et After Love, d’Aleem Khan.
Les Intranquilles, à rude épreuve
Attention, fragile(s) ! Lui, Damien, est artiste peintre de grand talent. Elle, Leïla, est restauratrice de meubles. Elle est aussi sa compagne, la mère de son fils, et assume seule la gestion du quotidien. Car Damien est bipolaire, passant sans crier gare de l’hyperactivité à la dépression dès qu’il ne prend pas ses médicaments. Chaque jour, la maladie met leur amour à rude épreuve. Partir, rester ? Leïla s’interroge. Impuissante. Épuisée. Le récit tout en tension de Joachim Lafosse se concentre peu à peu sur elle. Le cinéaste belge, adepte des sujets inconfortables, veut surtout traiter des effets du trouble bipolaire sur toute une famille. Galvanisé par la prestation magistrale de Damien Bonnard, de Leïla Bekhti et du jeune Gabriel Merz Chammah, il observe ses personnages avec une rare empathie. Tout en nuances, Les Intranquilles est son meilleur film.
Les Intranquilles, de Joachim Lafosse. Sortie le 29 septembre.
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Le Ciel est à vous, plus haut, plus libre
Jean Grémillon, auteur de quelques chefs‑d’œuvre (Gueule d’amour en 1937, Remorques en 1941, Lumière d’été en 1942) est un cinéaste subtil, féministe avant l’heure… et injustement oublié. La sortie en version restaurée de son plus grand succès, Le Ciel est à vous, permet justement de le vérifier. Datant de 1944, ce film s’inspire de l’exploit d’Andrée Dupeyron, épouse d’un garagiste de Mont-de-Marsan, qui, en 1938, battit un record aéronautique. Contexte oblige, cet envol raconte autant les prémisses de l’émancipation féminine que le désir des Français·es de se libérer du joug allemand. Toutefois, ce que l’on retient en 2021 de ce récit réaliste et sensible (en noir et blanc), c’est d’abord sa vision étonnamment moderne du couple. Charles Vanel, en homme doux et solidaire, et Madeleine Renaud, toute en autorité bienveillante, y font merveille.
Le Ciel est à vous, de Jean Grémillon. Sortie le 29 septembre.
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I Am Greta, portrait de la jeune fille en feu
Voilà un film qui se présente comme le portrait d’une jeune fille passionnée. Un portrait inhabituel cela étant, puisque ce documentaire saisit Greta Thunberg depuis ses premières grèves scolaires, à l’âge de 15 ans, jusqu’à son discours à l’ONU (et son apostrophe célèbre : « Comment osez-vous ? »). Tournage en immersion de sa traversée de l’Atlantique en voilier à la clé ! Une proximité qui, de toute évidence, réveillera la suspicion de ses détracteur·rices et leur fera considérer I Am Greta comme un outil de communication. Dommage ! Car il permet aussi, surtout, de découvrir une adolescente timide et fragile derrière l’icône mondiale de la lutte contre l’inaction climatique. En clair, le long-métrage de Nathan Grossman fait corps avec Greta, avec tout ce que cela implique de gênant et de captivant.
I Am Greta, de Nathan Grossman. Sortie le 29 septembre.
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La Traversée, hors des sentiers battus
La Traversée n’est pas seulement un voyage, c’est une épopée à nulle autre pareille. D’abord, il y a son histoire, à la croisée du reportage d’actualité et du conte atemporel. Elle nous projette aux côtés de Kyona et Adriel, une grande sœur et un petit frère perdu·es sur les routes de l’exil en Europe (ni le pays ni l’époque ne sont nommés). Et puis il y a sa forme, et là… c’est une merveille de bout en bout !
Entièrement réalisé en « peinture animée », une technique hyper minutieuse de peinture à l’huile sur verre, ce film de quatre-vingts minutes, premier du genre, est le fruit d’une douzaine d’années de travail. Rêvé, conçu, réalisé et peint par Florence Miailhe, figure du cinéma d’animation (elle a obtenu un César et une mention spéciale au Festival de Cannes pour deux de ses courts métrages), il a été coécrit avec Marie Desplechin, autre pointure (notamment de la littérature jeunesse).
Bien sûr, on retrouve plusieurs ingrédients classiques du voyage initiatique dans ce récit jalonné d’épreuves, réelles ou fantastiques. Ainsi, Kyona et Adriel passent comme il se doit de l’enfance à l’adolescence au terme de leur (éprouvante) traversée. Reste qu’une force singulière transcende ce premier long-métrage. Inspiré des reportages contemporains sur les migrant·es venu·es d’Afrique, mais aussi de l’histoire de l’arrière-grand-mère de Florence Miailhe qui, en 1905, a quitté Odessa pour fuir les pogroms, il jette un pont troublant entre le passé et le présent.
La Traversée, de Florence Miailhe. Sortie le 29 septembre.
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After Love, une femme blessée
Sélectionné à la Semaine de la critique à Cannes, ce premier film raconte subtilement, par strates, la rencontre de deux femmes qui n’auraient jamais dû se croiser. Mary, la première, est anglaise. Mariée depuis plus de trente ans à un Anglo-Pakistanais, capitaine de ferry entre Douvres et Calais, elle s’est convertie à l’islam. Mûrissante, dévouée, elle a tout sacrifié pour lui. Geneviève, la seconde, est la maîtresse française de ce beau capitaine, qui a donc une double vie. Elle est aussi, « détail » capital, la mère de son fils unique. Mary apprend leur existence lorsque son époux décède… Loin, très loin d’un quelconque vaudeville, After Love dresse le portrait d’une femme entre deux âges et deux mondes. Une femme bafouée, blessée, qui veut comprendre. C’est donc l’histoire d’un éveil, que l’on suit d’autant mieux que la photo est splendide et les actrices magnifiques.
After Love, d’Aleem Khan. Sortie le 29 septembre.