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EMILIA PÉREZ © Shanna Besson - Why Not Productions - Pathé films- FRANCE 2 CINÉMA - SAINT LAURENT PRODUCTIONS -

Cannes 2024 : Avec sa comé­die musi­cale fémi­niste et queer, Jacques Audiard bluffe la Croisette

Emilia Perez, film inouï signé Jacques Audiard, a totalement bluffé, et même enchanté le festival de Cannes ce samedi 18 mai. Et pour cause : le réalisateur du Prophète nous donne à voir du jamais vu, à savoir une comédie musicale féministe, sise au Mexique sur fond de mafia ! Certain.es parient déjà sur elle pour la Palme d’or…

Il aura donc fallu attendre le 4e jour de la compétition pour que le Festival de Cannes enchante ses festivalier·es, passablement sonné·es jusqu’alors par les couacs consécutifs de deux maestros, à savoir Francis Ford Coppola (avec son Megalopolis foutraque, offrant en outre une représentation des femmes problématique) et Yorgos Lanthimos (avec son Kinds of Kindness fourmillant de stars mais assez vain, tellement décevant). Et qui est l’insolent qui vient chahuter ce triste concert de poids lourds en déroute ? Jacques Audiard, un petit jeunot de 72 ans qui se réinvente comme jamais en nous donnant à voir une comédie musicale féministe se déroulant sur fond de mafia mexicaine !

Mais oui, vous avez bien lu, Emilia Perez, le nouvel opus du réalisateur d’Un prophète nous transporte au Mexique, pays éminemment macho, pour mieux nous raconter la transition M to F d’un chef de cartel en présidente (lesbienne) d’une association d’aide aux victimes des gangs, le tout étant jalonné de chansons (composées par Clément Ducol et écrites en français par la chanteuse Camille avant d’être traduites en espagnol) et de chorés ! Improbable ? Mieux que ça : culotté, un peu dingue même, et formidablement inclusif, pour ne pas dire gentiment militant ("Changer de corps, c’est changer la société", entend-on par exemple).

En clair, ce film est extraordinaire, entendez qu’il crée à lui seul un nouveau… genre, à la fois thriller sec (on ne badine pas avec la violence chez les caïds latino de la drogue) et musical vibrant. Nulle dérive vers le soap sentimental, par trop fabriqué pour autant : Audiard connait ses gammes (de metteur en scène inspiré) tandis que ses interprètes sont au diapason. Karla Sofia Gascon, actrice trans, est ainsi tour à tour inquiétante et déchirante dans le rôle-titre, tandis que Selena Gomez, star (venue de Disney) de la chanson s’en donne à cœur joie, elle, en épouse-nymphette de caïd, la palme revenant toutefois à Zoe Saldaña, remarquable dans le rôle clé de l’avocate hyper qualifiée dudit caïd (d’autant plus épatante qu’elle chante et danse divinement bien).

On n’oubliera pas de sitôt la dernière séquence de ce film-ovni, qui voit les participant·es d’une procession entonner en chœur une version espagnole de la chanson si belle, si mélancolique, de Brassens, Les Passantes. Hymne aux femmes, à toutes les femmes, s’il en est ! Un message qui, pour le coup, n’a pas eu besoin de sous-titres : non seulement les festivalier·es – français·es et étranger·es - ont applaudi avec fougue à l’issue de la projection de presse (et ça, c’est plutôt rare), mais beaucoup en sont sorti·es très ému.es. Et si cette 77e édition du Festival de Cannes, formidablement boostée par Jacques Audiard, parvenait à changer les regards ?

Emilia Perez, de Jacques Audiard. En compétition actuellement au Festival de Cannes. A découvrir en salle le 28 août prochain.

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