Au programme de ce 11 janvier, une comédie solaire et touchante avec Les Cyclades, et un film paradoxal, complexe et percutant avec La Ligne.
Les Cyclades
De Laurel et Hardy à La Grande Vadrouille en passant par… Starsky et Hutch, on est toutes et tous capables de citer au moins un exemple de « buddy movie » sans réfléchir. Mais si, vous savez bien, ce « film de potes » boosté par deux héros inséparables quoique aux antipodes l’un de l’autre – comédie oblige ! Un genre très masculin que Marc Fitoussi a souhaité décliner au féminin, pour notre plus grand plaisir.
Le réalisateur du sémillant Copacabana, mais encore de la réjouissante série Dix pour cent, nous entraîne donc dans le quotidien (très) mouvementé de Magalie, une journaliste aussi joyeuse que bordélique, et de Blandine, une banlieusarde nettement plus coincée, sinon larguée depuis son divorce. Contre toute attente, ces deux quadras ont été les meilleures amies du monde à l’adolescence. Alors que leurs chemins se croisent de nouveau, elles décident – les inconscientes ! – de faire ensemble le voyage dont elles ont toujours rêvé. Direction la Grèce, son soleil, ses îles et… ses galères !
Quand bien même tout concourt au burlesque, donc à une promenade sympathique dans les codes du genre, on se laisse prendre par ces retrouvailles dissonantes. D’abord parce qu’elles ne sont pas que drôles : Marc Fitoussi y distille une dose bienvenue de gravité, voire de cruauté. La bonne surprise vient aussi du casting : certes, on a déjà vu Laure Calamy (alias Magalie) s’épanouir dans le registre tornade, mais elle y est une fois de plus épatante, tandis qu’Olivia Côte (alias Blandine) lui tient formidablement tête, même dans ses silences. Quant à Kristin Scott Thomas (dans le rôle secondaire quoique exubérant de Bijou), elle est assurément « the cherry on the cake » !
Les Cyclades, de Marc Fitoussi
La Ligne
Il est des films plus frappants que d’autres, et celui-là en fait indubitablement partie… D’abord parce que Margaret, son héroïne, est une femme qui se bat, physiquement, constamment, telle une boxeuse à fleur de peau dont chaque coup (donné ou reçu) raconte un besoin d’amour poignant. Un personnage hors norme, qui met KO bien des stéréotypes. Ensuite en raison de son décor saisissant, un mélange curieux de lotissements bordés de montagnes, de canaux et de terrains vagues qui relève à la fois du western et de l’espace mental.
Précisément, La Ligne s’ouvre sur l’expulsion de Margaret de la maison de sa mère, qu’elle vient d’agresser violemment. Une mise à l’écart bientôt suivie d’une mesure d’éloignement : cette sombre trentenaire, aussi frêle que rageuse (Stéphanie Blanchoud, totalement magnétique), n’a plus le droit de s’en approcher à moins de cent mètres en attendant son jugement. Margaret est bannie, reléguée derrière une ligne frontière qui l’obsède et contre laquelle elle vient chaque jour se cogner. Laissant peu à peu entrevoir ses véritables blessures et le lien névrotique qu’elle entretient avec sa mère défaillante (interprétée par Valeria Bruni Tedeschi).
Nul jugement hâtif pour autant ! Une poignée de personnages attachants complètent ce « duel » à l’ombre frileuse du lac Léman, tandis que la musique
– qui fait le lien entre Margaret, compositrice et chanteuse, et sa mère pianiste – révèle, comble ou réchauffe leurs manques. Doucement. C’est dire si le film d’Ursula Meier est paradoxal, justement complexe et décidément percutant.
La Ligne, d’Ursula Meier