Trois belles sorties ce mercredi avec Si demain, de Fabienne Godet, Lingui, les liens sacrés, de Mahamat-Saleh Haroun et Une femme du monde, de Cécile Ducrocq.
Voyage voyage
Tout commence par une disparition. Une chambre dans la pénombre, une femme qui se réveille seule : son compagnon est parti, sans un bruit, et il ne reviendra plus. Esther, trentenaire émaciée, comme essorée, va alors se perdre dans les gouffres de l’alcool et de la dépression. Jusqu’au jour où elle reçoit anonymement un carnet, un journal intime écrit vingt ans plus tôt par une jeune fille dont l’histoire fait écho avec la sienne. Heureux coup de pouce du destin ? Poussée par Elena, sa meilleure amie, Esther décide d’en retrouver l’autrice, afin de connaître la fin de l’histoire, mais aussi, peut-être, d’entamer son retour à la vie.
On voyage beaucoup dans le nouveau film de Fabienne Godet, et ça n’est pas la moindre des qualités de ce road-movie féminin, aussi rare qu’attachant. Bien sûr, le périple d’Esther est géographique, toujours plus au sud, vers la lumière, entre Angers et le Portugal. Mais tandis qu’elle tâtonne, s’égare puis se déploie dans des paysages essentiellement solitaires, sa quête prend évidemment une dimension intime.
Peu importe que l’on devine l’ultime rebondissement du scénario : ce qui compte, ici, c’est la lente renaissance de cette femme blessée (sobrement incarnée par Julie Moulier). Et ce qui se dit sur l’amitié, véritable force motrice de ce beau récit d’émancipation (Lucie Debay est remarquable dans le rôle difficile d’Elena…). À la fois romanesque et modeste, Si demain confirme le talent singulier de Fabienne Godet, qui n’aime rien tant que raconter des histoires de résilience.
Si demain, de Fabienne Godet.
Voir la bande annonce du film :
Son corps est à elle
L’histoire est racontée simplement, elle n’en demeure pas moins brutale. Le nouveau film de Mahamat-Saleh Haroun (dûment sélectionné à Cannes cette année) suit au plus près le combat courageux d’une mère et de sa fille adolescente, enceinte et qui veut avorter… Un combat mené envers et contre tous dans les faubourgs de Ndjamena, capitale d’un Tchad très pieux. De fait, l’avortement y est interdit et puni. Autant dire que Lingui est une œuvre engagée. Joliment filmée, quoiqu’un peu raide parfois, elle nous parle de solidarité féminine et dénonce de façon explicite ce système patriarcal qui veut à tout prix contrôler le corps des femmes. La démarche mérite qu’on lui prête attention… surtout au vu du nombre minuscule de films africains sur nos écrans.
Lingui, les liens sacrés, de Mahamat-Saleh Haroun.
Voir la bande annonce du film :
La tête haute
On ne voit qu’elle. Et pas seulement parce qu’elle porte un imperméable doré tout au long de ce film aux couleurs de l’hiver. En effet, Laure Calamy est sidérante de présence et d’énergie dans le rôle de Marie, travailleuse du sexe grande gueule, farouchement indépendante, qui se bat pour payer une école et un avenir à son fils de 17 ans. Concrète, déterminée, elle donne une épaisseur rare à son personnage, loin des clichés misérabilistes – ou glamourisants – qui collent (souvent) à la peau des « belles de nuit » au cinéma. Certes, le scénario de Cécile Ducrocq n’épargne pas Marie, entre la crise d’ado carabinée de son fils et les aléas d’un métier évidemment difficile. Mais Laure Calamy insuffle une liberté nouvelle à ces situations parfois un peu convenues. La tête haute, quoi qu’il arrive.
Une femme du monde, de Cécile Ducrocq.