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Extrait d'« Outrage », d'Ida Lupino. © Théâtre du temple distribution

Rétrospective : trois rai­sons de (re)découvrir Ida Lupino

Septembre met à l’honneur Ida Lupino, grande cinéaste anglo-américaine injustement oubliée. Cinq de ses films ressortent en salle, dont Outrage, son chef-d’œuvre, qui ouvre le bal à partir du 9. Voici trois raisons de plonger dare-dare dans l’univers de cette réalisatrice féministe des années 1950.

Parce qu’elle est une cinéaste pionnière
Elle aurait pu être la énième brune fatale d’Hollywood, traversant l’âge d’or (années 1930, 40 et 50) sous la houlette de mâles réalisateurs confirmés tels Jean Negulesco ou Raoul Walsh. Sauf qu’Ida Lupino valait bien mieux que ça. Et qu’elle le savait. Indépendante, déterminée, elle est donc devenue la deuxième femme de l’histoire, après Dorothy Arzner, à intégrer le syndicat des réalisateurs américains. Une sorte d’ovni dans un milieu exclusivement dirigé, alors, par des hommes.

Certes, cette Anglaise, née en 1918 et issue d’une dynastie de comédiens, s’est d’abord fait connaître comme actrice. Happée par Hollywood dès 1933, elle explose en 1940 dans Une femme dangereuse, de Raoul Walsh. Avant de confirmer son talent – et sa cote auprès des cinéphiles – dans La Grande Évasion (1941), puis dans La Femme aux cigarettes (1948). Reste que la dame a du caractère et de l’ambition. Très vite, elle souhaite s’activer loin des studios et des codes de censure. Dès 1947, elle crée donc avec Collier Young, son deuxième mari, une maison de production dénommée The Filmmakers. Leur idée ? Produire des films à petits budgets abordant des sujets soigneusement remisés par la belle machine conformiste hollywoodienne.

Aussitôt dit, aussitôt fait : dès 1949, elle coécrit le scénario de Not Wanted (Avant de t’aimer, en VF), un film réaliste qui aborde le sujet délicat des « filles mères » dans l’Amérique des années 1950… et qu’elle réalise elle-même, remplaçant au pied levé son cinéaste affaibli par une crise cardiaque. Du jamais vu pour une actrice de sa génération. Dès lors, sa deuxième carrière est lancée : elle sera aussi brève qu’intense. Six films en quatre ans, et quels films !

Parce qu’elle est une cinéaste engagée
Une jeune mère célibataire, obligée d’abandonner son enfant à la naissance, qui kidnappe un bébé dans un landau (Not Wanted/Avant de t’aimer) ; une jeune femme violée qui décide de fuir ses proches (et l’opprobre) pour tenter de réinventer sa vie ailleurs (Outrage) ; un homme marié qui tombe amoureux d’une autre femme, l’épouse quand elle tombe enceinte et se révèle incapable de choisir entre ses deux vies (The Bigamist/Bigamie) : on le voit, Ida Lupino ne badine pas avec ses sujets !

Ce qui l’intéresse avant tout ? Raconter le destin modeste des gens ordinaires issus de la classe moyenne. Contraints et désemparés, sinon frappés par le sort. Battant en brèche nombre de tabous et de stéréotypes, elle donne donc à voir un cinéma ancré dans le réel, profondément engagé, quoique subtil, qui s’intéresse aussi bien à la fragilité des hommes qu’à la détresse des femmes… Même si la cinéaste reste essentiellement connue, aujourd’hui, comme ayant été la première à livrer de (beaux) portraits de femmes blessées, assignées, violentées, mais combatives. De fait, elle les a toutes placées à des années-lumière des vamps « made in Hollywood » des années 1950… ce qui n’est évidemment pas un hasard.

Parce qu’elle est une cinéaste accomplie
 Le cinéma d’Ida Lupino n’est pas seulement transgressif, empathique ou fulgurant (sa société de production fait faillite en 1954, elle poursuivra donc sa carrière à la télévision et décédera en 1995, à l’âge de 77 ans). Il est aussi remarquable de clarté et de maîtrise. Un récit dépouillé, qui s’appuie sur ses personnages et ses acteurs ; un sens du cadre et de la mise en scène inouï : voilà, en gros, ce qui le caractérise et le situe au-delà des modes. « Les films d’Ida Lupino sont essentiels », a d’ailleurs déclaré à son sujet le « maestro » Martin Scorsese, qui parle encore « d’un véritable accomplissement dans le cinéma américain ». En clair, il n’est que temps de (re)découvrir l’œuvre majeure de cette grande cinéaste. À commencer par Outrage, son chef-d’œuvre, en salle dès le 9 septembre…

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© Théâtre du temple Distribution

Outrage (1950) est à (re)voir en salle, en version restaurée, à partir du 9 septembre. Not Wanted/Avant de t’aimer (1949), Never Fear/Faire face (1949), The Hitch-Hiker/Le Voyage de la peur (1953) et The Bigamist/Bigamie (1953), à partir du 30 septembre.

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