Une comédie feel good de Bruno Podalydès avec Karine Viard, une autre plus aigre-douce d'Ilan Klipper avec Camille Chamoux et des portraits de femmes venus du cinéma étranger : ce mercredi, vous avez un large choix en salles !
Wahou !
Est-ce parce que l’on sait Bruno Podalydès (Dieu seul me voit, Adieu Berthe, Comme un avion) amateur de jeux de mots et de cousinages malicieux (sous la tutelle d’Hergé et d’Alain Resnais, ses « oncles » de BD et de cinéma) que le métier des deux héros de sa nouvelle comédie – agent·es immobilier·ères – nous met d’emblée la puce à l’oreille… Vendeuse et vendeur de biens, Catherine (Karin Viard, géniale) et Oracio (Bruno Podalydès, indispensable) le sont en effet, et plutôt deux fois qu’une ! D’abord, parce qu’elle et il se sont donné pour mission de provoquer le coup de cœur ultime chez leurs clients, celui qui leur fera dire « Wahou ! » en découvrant leur future propriété. Ensuite, parce que cet aimable tandem sert de fil conducteur à un film rayonnant d’humanité. Un film… qui fait du bien, à tout point de vue.
Nul hasard, dès lors, s’il ordonne son intrigue mutine, voilée çà et là de mélancolie, autour de deux biens, justement : une « grande maison bourgeoise datant du XIXe, terrain piscinable, vue RER » et un trois-pièces « dans un programme neuf, situé en plein Triangle d’or de Bougival » (une petite commune prisée des Yvelines). Repères immobiles d’un récit tout en mouvements et incertitudes, telle la vie qui va puis recule, ces deux lieux accueillent chaque visite comme un nouveau sketch. Une construction en enfilade d’autant plus appropriée qu’elle permet à une troupe d’ex- cellents acteurs (d’Agnès Jaoui à Sabine Azéma ou Isabelle Candelier, et de Roschdy Zem à Eddy Mitchell ou Félix Moati) d’y loger provisoirement leur talent avant d’en repartir, fugaces et pourtant inoubliables. Magique !
Wahou !, de Bruno Podalydès. Sortie le 7 juin.
Règle 34
Voilà un film particulièrement troublant, voire inconfortable, mais toujours captivant. Règle 34 dresse en effet le portrait de Simone, étudiante en droit le jour, très impliquée dans la lutte contre les violences faites aux femmes (nous sommes au Brésil, pays aux statistiques épouvantables en la matière), et camgirl la nuit, explorant toujours plus loin ses fantasmes sadomasochistes derrière son écran. Une pente vertigineuse qu’elle croit pouvoir maîtriser… ou pas. Car Simone est une femme noire, ce qui est loin d’être un détail vu le passé esclavagiste du Brésil et le machisme débridé d’un Bolsonaro. Salué par un Léopard d’or au Festival de Locarno, ce long-métrage foncièrement politique intrigue donc aussi bien sur le fond, interrogeant avec audace la loi, les règles et leurs limites, que sur la forme, puisqu’il parvient à être à la fois cérébral et physique.
Règle 34, de Julia Murat. Sortie le 7 juin.
Le Processus de paix
Ils s’aiment, mais ne se supportent plus, mais ne veulent pas se séparer… parce qu’ils s’aiment malgré tout. Marie et Simon, la quarantaine « bobo », vont donc établir une liste de règles afin de basculer de la guerre à la paix. Tout du moins essayer. Tel est l’argument de départ de cette comédie aigre-douce, un peu barge, qui dissèque de façon contemporaine les affres de la vie à deux (plus enfants). Jalonnée de disputes, d’engueulades et autres prises de bec explosives, elle pourrait lasser (le débit mitraillette de Camille Chamoux, très impliquée dans l’écriture du scénario, est parfois éprouvant)… Sauf qu’elle plaide avec vigueur (et humour) pour le droit des femmes à parler fort et à se mettre en colère, premier bon point. Et qu’elle donne à Jeanne Balibar et Laurent Poitrenaux l’occasion de nous régaler dans des seconds rôles savoureux.
Le Processus de paix, d’Ilan Klipper. Sortie le 7 juin.
Camila sortira ce soir
C’est d’abord l’histoire d’une adolescente dont l’horizon, brusquement, se restreint. On découvre Camila, jeune fille rebelle, juste avant qu’elle ne rejoigne Buenos Aires et sa grand-mère malade avec sa sœur et sa mère. Dès l’instant où elle intègre le lycée privé, bourgeois et réactionnaire de son nouveau quartier, la lumière change, l’atmosphère aussi. De plus en plus oppressante et inconfortable. Pas une seconde, pourtant, notre intérêt ne décline. Parce que Camila sortira ce soir raconte aussi l’histoire d’une révolte en marche. Finement dosée, cette chronique d’une émancipation féministe (sur fond de lutte des classes, très marquée en Argentine) se révèle hyper cohérente. Grâce, notamment, à l’utilisation judicieuse, très fluide, des espaces clos (le lycée et l’appartement de la grand-mère)… jusqu’à la scène finale, libératoire !
Camila sortira ce soir, d’Ines Maria Barrionuevo. Sortie le 7 juin.
My Love Affair with Marriage
En sourires et chansons, ce film d’animation letton raconte l’histoire fougueuse de Zelma, petite fille indocile qui grandit au bout du bout de la Russie, à l’heure où elle était encore soviétique, avant de déménager en Lettonie. Là même où l’on prit soin de la dompter, à grand renfort d’injonctions sociales et de contes de fées, pour lui apprendre à devenir une bonne épouse communiste… Sauf que le corps vaillant de Zelma et son cerveau tout aussi affûté auront bien du mal à se conformer à cet « idéal » de douceur et de soumission. Entre déconstruction et reconstruction, My Love Affair with Marriage convoque un bestiaire joliment imaginaire et de savants cours de neurobiologie, mais oui, pour pimenter ce parcours de résilience plein d’humour et de lucidité. Et c’est ainsi que Zelma, double probable de la réalisatrice, se maria deux fois et n’eut pas d’enfants.
My Love Affair with Marriage, de Signe Baumane. Sortie le 7 juin.