Le week-end dernier se déroulait la troisième édition du Brussels Porn Film Festival, le festival du film porno de Bruxelles. Loin des clichés Marc Dorcel, l’événement propose de découvrir des films de “pornographie alternative” sur grand écran et est rapidement devenu un rendez-vous incontournable de la sphère féministe et queer de la capitale belge.
Devant le petit guichet du cinéma Nova, à Bruxelles, une longue queue de curieux·euses patiente ce jeudi 2 mai. L'établissement accueille la soirée d'ouverture du Brussels Porn Film Festival (BxlPFF). L'événement se déroule tout le week-end et propose un riche programme de projections, ateliers, tables rondes et performances sous le signe de la "pornographie alternative". Ce terme "englobe une diversité de productions qui s’attachent à représenter l’explicite d’une manière non normative", explique à Causette Thomas, cofondateur du festival.
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S'il en est déjà à sa troisième édition, le BxlPFF est loin d'être le premier festival du genre. Il en existe en Amérique du Nord et du Sud, mais aussi en Europe, notamment à Berlin, Athènes, ou encore Barcelone, dont le festival du film érotique se targue d'être le premier festival de longs-métrages pour adultes du continent (la première édition a eu lieu en 1992). Actuellement, il n'existe pas d'événement similaire en France, le Festival du film de fesses ne proposant que des œuvres également projetées en salles comme How to Have Sex ou Eyes Wide Shut.
"À travers son propre regard sur son propre corps"
Le BxlPFF s'attache au contraire à mettre en avant des œuvres "post-porn, porno éthique, féministe, écoporn, porno queer, narratif, etc.", détaille Thomas. "Le mouvement post-porn reprend et théorise généralement l’expression 'moderniste post-porn', employée par la performeuse et ancienne star du porno Annie Sprinkle au début des années 1990", poursuit le cofondateur. D'après Sprinkle, cette approche permettait "de renverser le 'male gaze' dans l’industrie pornographique de l’époque et de produire des images sur le plaisir et la sexualité à travers son propre regard sur son propre corps", conclut-il. De cette manière, les protagonistes des films internationaux projetés lors de la soirée d'ouverture représentent une multitude de corps (cis, gros, trans, âgés, etc.) et d'identités qui évoluent dans une recherche commune de plaisir.
Le court-métrage Muse, de Sylvia Borges, présenté jeudi soir, se déroule ainsi dans une salle de cours de dessin en Allemagne et met en scène une élève, une modèle nue et une professeure. Cette dernière est interprétée par Romy Alizée, travailleuse du sexe et photographe française. Les trois femmes ont une relation sexuelle sous les yeux des autres élèves, qui peignent la scène. Le film est un bel exemple de cette pluralité de corps, mais aussi de ce regard propre à une femme lesbienne. Les œuvres porno présentées au BxlPFF revendiquent une véritable réappropriation du genre par et pour les personnes qui en sont généralement exclues. "Les pornographies que le festival entend défendre apportent un autre regard face aux représentations délavées [du porno mainstream, ndlr], elles sont faites par les personnes concernées, elles érigent les corps en construction, dévoilent leur performativité, elles interrogent, questionnent, elles sont politiques, artistiques, poétiques ou militantes", abonde Thomas.
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Sortir le porno de la chambre
Le festival est en effet indissociable de son esprit militant. L'équipe bénévole du BxlPFF entend sortir le porno "d’une consommation solitaire, d'une temporalité et d'une géographie idoines, [qui] empêchent tout débat sociétal sur les représentations offertes, explique Thomas, qui considère que "la pornographie n'est pas perverse, mais le droit et la norme obligent à une utilisation perverse de la pornographie". Le cofondateur du BxlPFF aime par ailleurs à rappeler que les films pornographiques n'ont pas toujours été relégués à la sphère privée et qu'ils étaient déjà par le passé projetés dans des salles de cinéma. "L’arrivée de la VHS a été fatale à ces salles spécialisées, et l’on est passé d’une visualisation semi-publique à la sphère domestique, […] devenant le lieu prédominant de la consommation de pornographie, renforcé par l'avènement d'Internet", raconte-t-il. Aujourd'hui, "l’objectif d’un tel festival est de décloisonner ces espaces, affirme Thomas, avec l’idée que le privé est politique".
![“Post-porn, porno éthique, féministe, queer, écoporn” : une soirée au festival du film porno alternatif de Bruxelles 2](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/05/BxlPFF24_affiches_.jpg)