Dans une décision rendue mercredi, la cour d'appel de Paris confirme le droit de Yuka à diffuser une pétition demandant l'interdiction de ces conservateurs reconnus cancérigènes par la littérature scientifique.
C'est une pétition qui n'avait pas ravi le lobby de l'industrie de la barbaque. En 2021, l'association foodwatch, la Ligue contre le cancer et l'entreprise Yuka – qui propose une application permettant de s'informer sur la composition des produits alimentaires – avaient lancé Stop aux nitrites ajoutés dans notre alimentation. Relayant les messages scientifiques sur la corrélation entre ces additifs et les cancers colorectaux, la pétition avait recueilli plus de 489 000 signatures.
Piquée au vif (et à la broche), la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs avait porté plainte contre Yuka – qui invitait ses utilisateur·rices à signer la pétition – estimant que l'initiative relevait d'un appel au boycott. Le lobby avait gagné en première instance : le tribunal de commerce de Paris avait condamné l'appli à une amende pour « pratique commerciale déloyale et trompeuse » et « dénigrement au préjudice » de la fédération des charcutier·ères. Yuka, qui dénonçait là une « "procédure-bâillon" dont l’objectif est de [nous] épuiser moralement et financièrement, et de nous décourager à poursuivre nos alertes sur ce sujet majeur de santé publique », avait annoncé faire appel de la décision de justice.
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Appel gagné ce mercredi 7 juin, rapporte France Inter, les juges estimant que cette pétition « ne vise à boycotter aucun produit mais tend à demander l'interdiction des nitrites ajoutés dans l'alimentation ». La cour d'appel a également affirmé que la pétition « doit être protégée au titre du droit à la liberté d'expression dont il n'est caractérisé aucun abus » et que « les actes de dénigrement ne sont pas caractérisés ». Un revers pour la fédération des charcutier·ères, qui a été condamnée à verser 60.000 euros pour éponger les frais de justice de Yuka. « Aujourd'hui, la Cour d'appel reconnaît que la finalité de Yuka est d'informer le consommateur afin de lui permettre de choisir les meilleurs produits pour sa santé, et que cette dernière est protégée par la liberté d'expression », s'est félicitée cette dernière dans un communiqué.
Malgré la mobilisation des consommateur·rices et des scientifiques pour faire interdire les nitrites, qui servent à mieux conserver la charcuterie et lui donner un aspect rosé, le nitrite fait de la résistance dans nos assiettes. En mars dernier, le gouvernement a présenté une « trajectoire ambitieuse de réduction des additifs nitrés dans les produits alimentaires » : – 20 % de ces substances dans le jambon cuit et les lardons dans un premier temps, et – 25 % dans les saucisses, saucissons cuits, pâtés, rillettes, andouilles et andouillettes, d’ici six à douze mois. Et ce alors même qu'en juillet 2022, c'est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui a confirmé les risques cancérigènes des nitrites.
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