3 questions à Fabrice Nicolino, journaliste, auteur d’une enquête sur les pesticides SDHI, Le crime est presque parfait (2019, Les liens qui libèrent).
Causette : En quoi les SDHI présentent-ils un risque de « catastrophe sanitaire » ?
Fabrice Nicolino : Les SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase) sont des pesticides contre les champignons. Dès 2017, Pierre Rustin, médecin et directeur de recherche au CNRS, a démontré qu’ils s’attaquaient aussi aux cellules humaines et pouvaient provoquer de graves maladies incurables, comme des cancers. Or, depuis 2013, les SDHI sont massivement utilisés en France. On en trouve partout. Sur 80 % des surfaces de blé et 75 % des surfaces d’orge, par exemple.
Quel est le rôle de l’État ?
F. N. : Quand Pierre Rustin a averti l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ndlr], en 2017, elle a commencé par faire la morte. Une tribune a rendu le sujet public [en 2018]. Là, l’Anses a mandaté un groupe d’experts. Mais selon eux, pas d’alerte. Ma démonstration consiste à dire que l’État a fini par être lié à l’industrie agroalimentaire. Il a commencé à promouvoir les pesticides en 1945 avec bonne foi, car nous ne connaissions pas les risques. Aujourd’hui, il n’arrive plus à sortir de ce système. Et nous ne sommes plus protégés.
Que peut-on espérer de la concertation sur les pesticides lancée par le gouvernement ?
F. N. : Rien. Débattre de la distance des zones d’épandage, comme il en est question, est inutile, car les pesticides sont de grands voyageurs. Ils nous empoisonnent jusque dans les villes. Il n’y a qu’une solution : l’interdiction complète. Rappelons-nous qu’il y a soixante ans, on n’utilisait pas tous ces pesticides. On sait donc faire sans ! C’est par le combat citoyen, en demandant des comptes à nos élu·es, nos maires et tous les agents liés aux pesticides, qu’on y arrivera.