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© Nick Fewings

Les gourdes font leur révolution

Elles sont deve­nues les com­pagnes indis­pen­sables de nos longues jour­nées de tra­vail ou de nos séances de sport : les gourdes réuti­li­sables s’imposent de plus en plus pour rem­pla­cer les bou­teilles en plas­tique. Une bonne nou­velle pour la pla­nète ? Oui, à condi­tion de ne pas faire de bourde !

Il y en a pour tous les goûts. Motif colo­ré, à fleurs, jungle, géo­mé­trique, en Inox, en plas­tique, en verre, petite ou grande conte­nance, connec­tée… Les gourdes réuti­li­sables ont enva­hi les éta­gères des com­merces, les bureaux et les sacs de sport. Présentée comme une alter­na­tive à la bou­teille en plas­tique, la gourde est deve­nue, comme avant elle le tote bag, l’accessoire éco­lo indis­pen­sable. C’est glo­ba­le­ment une bonne chose. Mais avant de lui accor­der ce label les yeux fer­més, elle mérite qu’on se penche un peu plus sur son cas, notam­ment sur son pro­ces­sus de fabrication.

Bilan car­bone

À ce titre, tous les maté­riaux ne sont pas égaux. L’Inox, par exemple, est un des plus uti­li­sés pour pro­duire des gourdes. Il est sou­vent pré­sen­té comme étant éco­lo : très solide, sans trans­fert de matière vers l’eau, contrai­re­ment au plas­tique, et entiè­re­ment recy­clable. Pas mal, sur le papier. Sauf que l’immense majo­ri­té des gourdes en Inox sont pro­duites en Chine, à par­tir de mine­rai extrait en Afrique du Sud. « L’Inox est un acier pro­duit notam­ment à par­tir de chrome et de nickel, qui lui per­mettent de ne pas rouiller, c’est ce qui en fait sa qua­li­té prin­ci­pale pour l’usage ali­men­taire, explique Didier Julienne, spé­cia­liste des matières pre­mières. La Chine est le numé­ro un dans la pro­duc­tion d’acier dans le monde, elle en fabrique un kilo sur deux, à par­tir de chrome qu’elle trouve dans ses sols ou qu’elle fait venir d’Afrique du Sud, pre­mier expor­ta­teur au monde. » 

Entre l’extraction du mine­rai, le trans­port d’Afrique du Sud vers la Chine, puis vers l’Europe… le bilan car­bone de notre gourde com­mence à s’alourdir. S’ajoute à la fac­ture le pro­ces­sus de fabri­ca­tion de l’Inox, coû­teux en res­sources et en éner­gie : il s’agit de métal­lur­gie lourde, qui implique de faire chauf­fer l’acier à très haute tem­pé­ra­ture. Enfin, il y a le poids de l’éthique : com­ment savoir dans quelles condi­tions et pour quel salaire usinent les ouvrier·ères chi­noises pour fabri­quer nos gourdes écolos ?

Si on balaie l’Inox, il reste le verre ou le plas­tique. Avec les défauts qu’on leur connaît. Le verre appa­raît comme la solu­tion la plus verte : son pro­ces­sus de fabri­ca­tion peut être local, il est moins coû­teux sur le plan envi­ron­ne­men­tal que l’Inox et il se recycle très bien. Mais il est moins pra­tique : il est plus lourd et se casse plus faci­le­ment. Le plas­tique, quant à lui, n’est pas idéal pour la san­té, puisqu’il peut y avoir des trans­ferts de matière vers l’eau. Surtout, il est très pro­blé­ma­tique à l’état de déchet, car il est peu recy­clable. « Le plas­tique est un maté­riau très résis­tant, l’utiliser pour des pro­duits à usage unique est une aber­ra­tion », s’exaspère Julie Sauvêtre, char­gée de pro­jet chez Zero Waste France. Selon l’association, en 2017, les Français·es consom­maient 96 bou­teilles en plas­tique par per­sonne et par an. 

« Malheureusement, à ce jour, il n’y a pas de gourde idéale », sou­pire Julie Sauvêtre. Un peu dépri­mant. Mais, rassurez-​vous quand même : pour Zero Waste France, une gourde uti­li­sée régu­liè­re­ment et sur le long terme vau­dra tou­jours mieux que les bou­teilles jetables. « L’intérêt des gourdes, c’est qu’elles sont réuti­li­sables un grand nombre de fois. À par­tir d’un cer­tain nombre d’utilisations, on com­pense le coût envi­ron­ne­men­tal de leur pro­duc­tion », ras­sure Julie Sauvêtre. Acheter une seule gourde et y res­ter fidèle, voi­là le credo.

Le fabri­cant fran­çais Gobi estime qu’il faut uti­li­ser sa gourde deux à cinq mois si elle est en plas­tique ou en verre pour com­pen­ser son effet sur l’environnement, trente mois si elle est en Inox. « Dans la mesure où aucun maté­riau n’est neutre sur le plan envi­ron­ne­men­tal, il faut choi­sir la gourde qui cor­res­pond le plus à nos usages, car c’est celle qu’on gar­de­ra le plus long­temps », explique Anthony Boule, cofon­da­teur de la coopé­ra­tive Mu, spé­cia­li­sée en éco­con­cep­tion. « Pour les enfants ou les spor­tifs, mieux vaut choi­sir un maté­riau robuste, comme l’Inox ou le plas­tique. Pour un usage séden­taire, on peut se tour­ner vers le verre. » Il faut aus­si prendre en compte nos pré­fé­rences per­son­nelles : cer­taines per­sonnes pré­fèrent avoir une gourde trans­pa­rente ou n’aiment pas le contact de l’Inox pour boire de l’eau. 

Arguments trom­peurs

Surtout, mieux vaut évi­ter de se lais­ser ten­ter par le mar­ke­ting. « On voit de plus en plus d’entreprises pro­po­ser des gourdes en goo­dies à leurs clients, comme pour les tote bags, observe Julie Sauvêtre. Elles espèrent pro­fi­ter de la popu­la­ri­té de ce pro­duit pour se don­ner une image éco­lo. Mais ces objets, qui sont dis­tri­bués gra­tui­te­ment et ne cor­res­pondent pas à un besoin, finissent par dor­mir dans les pla­cards. Là, l’intérêt éco­lo­gique est nul. » Autre argu­ment mar­ke­ting trom­peur : les gourdes en maté­riaux bio­dé­gra­dables, en canne à sucre par exemple. Tentant, mais abso­lu­ment pas adap­té. « L’objectif pre­mier d’une gourde est de durer long­temps, c’est l’inverse du bio­dé­gra­dable, ana­lyse Anthony Boule. Vous pas­sez une gourde bio­dé­gra­dable une fois au lave-​vaisselle, elle est foutue. » 

Enfin, il fau­dra résis­ter aux argu­ments des fabricant·es qui pro­posent chaque année, comme dans l’industrie de la mode, de nou­veaux motifs et cou­leurs. Celles et ceux qui sont prêt·es à un enga­ge­ment pour la vie pré­fé­re­ront donc les modèles sobres et unis. Ils pour­ront alors se tour­ner vers des fabricant·es engagé·es dans une démarche res­pon­sable, comme Gobi, qui pro­pose deux formes uniques : une en plas­tique, une en verre, 100 % fabri­quées en France. Ou bien la start-​up Zeste, qui vend, depuis 2019, un modèle de gourde unique, en Inox, fabri­quée en Europe. L’entreprise se four­nit auprès d’une fon­de­rie espa­gnole à qui elle achète un acier com­po­sé à 80 % d’Inox recy­clé. Les gourdes sont ensuite fabri­quées en Bretagne et en Normandie. Un seul hic : elles sont non iso­thermes et plus chères que leurs concur­rentes chi­noises. Votre eau sera plus tiède, mais la pla­nète, un peu moins chaude.

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