Photo Julien Bayou par Chloé Guilhem
Julien Bayou © Chloé Guilhem

Julien Bayou : « Même numé­ro 2, Barbara Pompili n’a pas les moyens de faire flé­chir la poli­tique du gouvernement »

Lundi 6 juillet, la dépu­tée LREM et pré­si­dente de la Commission déve­lop­pe­ment durable à l’Assemblée natio­nale, Barbara Pompili, a été nom­mée ministre de la Transition éco­lo­gique par le nou­veau pre­mier ministre Jean Castex à l’occasion de la com­po­si­tion de son gou­ver­ne­ment. « Numéro deux » du gou­ver­ne­ment, l’ex-membre d’Europe Écologie-​Les Verts (EELV), qui a rejoint LREM en 2017, a annon­cé que l’une de ses prio­ri­tés serait de mener à bien la trans­for­ma­tion des pro­po­si­tions de la Convention citoyenne pour le cli­mat en lois. Le signe d’une nou­velle inflexion éco­lo­gique pour le pré­sident Macron, après le suc­cès d’EELV aux muni­ci­pales du 28 juin ? Pas le moins du monde pour Julien Bayou, secré­taire natio­nal du par­ti. Entretien.

Causette : Quel regard portez-​vous sur la nomi­na­tion de Barbara Pompili au poste de ministre de la Transition éco­lo­gique ?
Julien Bayou :
Nous avons acté que ce n’est pas ce gou­ver­ne­ment qui répon­dra à l’urgence cli­ma­tique. Je n’attends donc pas grand-​chose de cette nomi­na­tion, même si je lui recon­nais un cer­tain cran d’avoir aler­té, dans un récent rap­port par­le­men­taire, sur les fra­gi­li­tés du nucléaire et les risques que nous font encou­rir nos cen­trales. 
Je sou­haite à Barbara Pompili, que j’ai connue chez EELV avant son départ en 2015, bon cou­rage, car c’est peut-​être la seule membre du gou­ver­ne­ment à se pré­oc­cu­per d’écologie. Mais sans être dans une pos­ture, je ne crois pas qu’elle puisse faire flé­chir la poli­tique du gou­ver­ne­ment, ni même qu’elle obtienne un quel­conque arbi­trage, à peu près comme quand elle était secré­taire d’État à la Biodiversité auprès de Ségolène Royal, sous Hollande. 

Barbara Pompili a été élue dépu­tée de la Somme en 2012 sous la ban­nière EELV avant de rejoindre LREM lors de son second man­dat. Interprétez-​vous sa nomi­na­tion comme une réponse au suc­cès élec­to­ral d’EELV au deuxième tour des muni­ci­pales, le 28 juin, qui vous a vus empor­ter notam­ment Lyon, Bordeaux, Strasbourg et Poitiers ?
J. B. : Non, même pas. Après avoir ten­té d’esquiver les muni­ci­pales, Macron et LREM ont mon­tré que lorsque LREM doit choi­sir, il choi­sit de s’allier sur sa droite. C’est la leçon que je tire de ce scru­tin, ren­for­cée par la com­po­si­tion de ce nou­veau gou­ver­ne­ment : un Premier ministre fran­che­ment de droite rem­place un Premier ministre de droite. Heureusement, cette alliance des conser­va­tismes que je nom­me­rais coa­li­tions anti-​climat n’ont pas empê­ché Jeanne Barseghian de gagner à Strasbourg, Grégory Doucet à Lyon, ou Pierre Hurmic à Bordeaux.

Le fait que le minis­tère de la Transition éco­lo­gique soit pla­cé numé­ro deux dans la hié­rar­chie gou­ver­ne­men­tale n’est-il pas un signe de bonne volon­té ?
J. B. : Rappelons-​nous qu’au début du man­dat d’Emmanuel Macron, Nicolas Hulot a eu le sta­tut de ministre d’État et qu’il s’est fait mar­cher des­sus, sur les grands comme sur les plus petits arbi­trages.
L’intitulé de son minis­tère était alors Transition éco­lo­gique ET soli­daire : cette men­tion a dis­pa­ru. À l’époque, il avait d’ailleurs expli­qué que les recettes de la taxe car­bone devaient être allouées aux plus vul­né­rables dans une logique de tran­si­tion éco­lo­gique, donc soli­daire. Emmanuel Macron a pré­fé­ré uti­li­ser ces recettes pour com­bler le trou de la dette, lié pour moi à la sup­pres­sion de l’ISF. 

Barbara Pompili a annon­cé que l’une de ses prio­ri­tés serait de tra­duire en lois les 148 pro­po­si­tions de la Convention citoyenne pour le cli­mat. Satisfaisant ?
J. B. :
J’ai trou­vé l’exercice de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive de la Convention citoyenne inté­res­sant : on a réuni ces Français tirés au sort, on les a fait dis­cu­ter avec des experts scien­ti­fiques et un éco­lo­gisme de bon sens s’est déga­gé des débats alors que même l’ensemble de ces 150 citoyens n’étaient pas for­cé­ment sen­sibles à la cause éco­lo­gique. Cela montre que lorsqu’on prend le temps d’expliquer l’urgence cli­ma­tique, les men­ta­li­tés pro­gressent. 
Les pro­po­si­tions por­tées par la Convention sont pareilles à celles que nous pous­sons depuis des années. Cela veut dire que la socié­té est désor­mais prête, ou alors que nous avons, nous, éco­lo­gistes, été mau­vais dans nos plai­doyers. Tout cela relève du bon sens, donc : favo­ri­ser le train plu­tôt que l’avion, pro­po­ser une alter­na­tive végé­ta­rienne dans les can­tines pour édu­quer les enfants et leur mon­trer qu’un repas sans viande n’est pas une héré­sie, mettre enfin de l’argent dans la réno­va­tion ther­mique, pour éga­le­ment sou­la­ger le porte-​monnaie des par­ti­cu­liers… 
Mais nous ne sommes pas dupes, l’organisation de cette Convention était aus­si un moyen pour Emmanuel Macron de gagner du temps. Par exemple, ses pro­messes de can­di­dat conte­naient déjà la men­tion des efforts à mener sur la réno­va­tion éner­gé­tique. Par ailleurs, il a fait fi des mul­tiples contri­bu­tions citoyennes du Grand Débat au sujet de la tran­si­tion éco­lo­gique. Je crains que, main­te­nant, on nous dise que le pro­jet de loi se fera en août puis que les choses se jouent au niveau du bud­get, donc rendez-​vous en novembre-​décembre lors de la loi bud­gé­taire annuelle, et enfin qu’en décembre on nous dise « mais atten­dez, c’est impor­tant qu’il y ait une immense concer­ta­tion avec les ter­ri­toires ». Puis on ren­tre­ra en période élec­to­rale, le man­dat sera fini. 
J’aimerais évi­dem­ment me trom­per et s’il y a des arbi­trages qui sont arra­chés, nous nous en réjoui­rons, mais cette pré­si­dence est un immense gâchis. C’est pour­quoi, en atten­dant, nous espé­rons bien rem­pla­cer le gou­ver­ne­ment, et notam­ment dans les villes où nous avons été élus.

Quel rôle pouvez-​vous jouer à l’échelon des muni­ci­pa­li­tés que vous diri­gez ?
J. B. : La pre­mière mesure des nou­veaux maires de Strasbourg et Bordeaux, par exemple, c’est de décré­ter l’état d’urgence cli­ma­tique. Il nous fau­dra ensuite construire notre vic­toire pour les élec­tions régio­nales, car c’est un éche­lon fon­da­men­tal pour l’écologie, puisque les régions décident des poli­tiques des trans­ports en com­mun, par exemple.

En quoi décré­ter l’état d’urgence cli­ma­tique peut-​il avoir des réper­cus­sions concrètes ?
J. B. : Cela veut dire que toutes les mesures sui­vantes doivent prendre en compte la néces­si­té d’agir contre le dérè­gle­ment cli­ma­tique. Chaque pro­jet ou inves­tis­se­ment de la ville doit donc répondre à des cri­tères d’exigence cli­ma­tique, le Plan local d’urbanisme (PLU) doit être revu sous ce prisme et on peut donc, par exemple, empê­cher l’artificialisation des sols avec un tel décret. C’est très structurant.

Au-​delà de la nomi­na­tion de Barbara Pompili, quel regard géné­ral portez-​vous sur l’ensemble du rema­nie­ment ?
J. B. : C’est quand même dif­fi­cile d’évoquer l’écologie sans dire que le nou­veau ministre de la Justice, Éric Dupond-​Moretti, est pro­cor­ri­da et pro­chasse. Et l’analyse ne serait pas com­plète sans men­tion­ner le fait que le nou­veau ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, pour­sui­vi pour viol et qui a assu­mé, à ma connais­sance, le fait de per­mettre d’accéder à des loge­ments contre des rap­ports sexuels, est une immense claque. Le garde des Sceaux, lui encore, a tenu des pro­pos extrê­me­ment durs vis-​à-​vis des fémi­nistes. Quand on sait qu’il y a un gros pro­blème d’accueil des vic­times dans les com­mis­sa­riats et même dans les trai­te­ments des plaintes au niveau de la jus­tice, on ne peut plus dire, cette fois, que le gou­ver­ne­ment n’a pas défi­ni­ti­ve­ment enter­ré la « grande cause du quin­quen­nat » : l’égalité femmes-hommes. 

Partager
Articles liés
IMG 4462 1

Design : un éco-​score pour le mobilier

S'il devient de plus en plus courant de faire attention à notre empreinte environnementale quand on achète de l'alimentaire ou des vêtements, difficile de bien faire quand il s'agit de meubler ou décorer son habitation. Le distributeur en ligne Très...

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.