Utilisé dans les bananeraies jusqu’en 1993 aux Antilles, le chlordécone fera l’objet d’une nouvelle étude de Santé publique France pour mesurer “l’évolution de l’imprégnation” de la population.
“Améliorer les connaissances” et “renforcer les mesures de prévention” vis-à-vis du “chlordécone et autres polluants aux Antilles” : c’est ce que la nouvelle étude de Santé publique France (SpF) en Guadeloupe et en Martinique va permettre. Celle-ci va mesurer “l’évolution de l’imprégnation” de la population au chlordécone et à d’autres pesticides comme le glyphosate, ainsi qu’à des métaux lourds comme le plomb, selon une annonce SpF.
La précédente étude, menée en 2013–2014, a montré que plus de neuf Antillais·es sur dix avaient du chlordécone détectable dans le sang et que 14 % des adultes en Guadeloupe et 25 % en Martinique dépassaient le seuil au-delà duquel des effets sont possibles sur la santé.
L’objectif est notamment de “mesurer l’évolution des niveaux d’imprégnation de la population au chlordécone, dix ans après la première étude”, et “d’évaluer l’imprégnation à une sélection d’autres molécules [pesticides et métaux lourds, ndlr], dont certains pour la première fois comme le glyphosate, les métabolites des pyréthrinoïdes [insecticides] et plusieurs métaux lourds [plomb, arsenic, mercure]”, a détaillé SpF.
3 000 participations, dont 700 enfants
Cette étude portera sur plus de 3 000 personnes tirées au sort et acceptant d’y participer, dont 700 enfants d’au moins 6 ans, et se déploiera de janvier à juillet en Guadeloupe continentale et en Martinique. “La participation du plus grand nombre est indispensable pour la réussite de cette étude”, a insisté la directrice générale de SpF, la docteure Caroline Semaille, soulignant son intérêt pour la population antillaise.
L’étude vise aussi à identifier les facteurs associés au niveau d’imprégnation élevé dans la population ou à étudier l’imprégnation des plus sensibles (enfants et femmes en âge de procréer) et plus exposés (travailleurs agricoles, pêcheurs, résidents en zone contaminée).
“Nous avons suréchantillonné certaines populations, soit plus à risque d’être exposées, soit plus fragiles”, a précisé Jacques Rosine, responsable de la cellule régionale Antilles de SpF. Cette demande avait largement été relayée par des associations féministes et des pêcheurs, mobilisés au sein du collectif Lyannaj pou dépolyé Matinik. Et “nous travaillons pour la première fois sur l’imprégnation des enfants”, a‑t-il relevé.
Un non-lieu pour un "scandale sanitaire"
Selon l’agence sanitaire, cette nouvelle étude permettra aussi de mieux cibler la prévention à la contamination, en précisant notamment les pratiques alimentaires. Les résultats seront communiqués “fin 2025 ou début 2026”, selon le responsable de la cellule régionale Antilles.
Le chlordécone, pesticide répandu dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, a été interdit aux États-Unis dès 1975, mais autorisé en France de 1972 à 1990, et même jusqu'en 1993 aux Antilles, où il a bénéficié d'une dérogation.
S’ils ont reconnu un “scandale sanitaire”, des juges d’instruction du pôle santé du tribunal judiciaire de Paris ont prononcé, début 2023, un non-lieu dans l’enquête sur l’empoisonnement des Antilles au chlordécone, mettant fin à une information judiciaire ouverte en 2008. Indignées, les parties civiles ont fait appel.
Lire aussi I Chlordécone aux Antilles : pas de mise en cause, vers un non-lieu ?