Biosphoto.2009887
© S. Garcia Fernandez/Biosphoto

Au grand bleu, les petits remèdes

Être subversif·ve, c’est aus­si trou­ver le beau là où ça suinte, des pro­messes là où ça schlingue. Alors Causette, équi­pée d’un masque et d’un tuba, est par­tie à la pêche aux belles idées et a trou­vé cinq sources d’espoir pour ten­ter de sau­ver le plus vaste dépo­toir de la pla­nète : l’océan. 

Y a bien besoin d’un p’tit remon­tant, cette année, en contem­plant les vague­lettes de la pointe du Raz ou les cra­billons de la Côte d’Azur. Le WWF annonce plus d’une tonne de plas­tique déver­sée en Méditerranée chaque seconde, 100 % des tor­tues marines conta­mi­nées aux micro­par­ti­cules, selon une étude codi­ri­gée par Greenpeace, pfiouuu… Mais plu­tôt que de noyer ça dans le Spritz à l’apéro, pre­nez un shot d’espoir. Car certain·es se sont rap­pe­lé que l’eau salée com­po­sait 70 % de la sur­face de la pla­nète et ont remon­té leurs manches. Projets fous ou inven­tions simples, leurs meilleures idées, lis­tées ici en cinq sources d’espoir, pour­raient nous aider à pré­ser­ver le Grand Bleu. 

1. Aspis des mers

Ce sont les plus fous des pro­jets pour dépol­luer l’océan. Ils englou­tissent les sale­tés à la sur­face de l’eau, tels des aspi­ra­teurs marins. Le plus ambi­tieux de tous, The Ocean Cleanup, est sor­ti de l’esprit d’un ado néer­lan­dais de 16 ans (rien que ça, ça redonne la foi !). Il prend la forme d’un immense arc fil­trant qui, grâce aux forces des vagues et à des bras aqua­tiques, cap­ture les déchets flot­tants, qu’un bateau ache­mine sur terre pour les trai­ter. Le pro­jet pré­voit de « net­toyer 50 % de la “grande déchet­te­rie du Pacifique” », cet immense mag­ma de plas­tique de la taille de trois fois la France, entre San Francisco et Hawaï. Côté fran­çais, on a le pro­jet Manta. Un qua­dri­ma­ran aus­si large qu’un ter­rain de foot, dont le défi est de col­lec­ter 30 000 m3 de déchets par an aux embou­chures des fleuves les plus pol­luants du monde. Version mini, ça peut aus­si don­ner des petits pièges à déchets dans les ports, comme on en trouve à Rotterdam ou à Bruxelles avec les Recycled Islands. Bon, tout ça ne suf­fi­ra pas à net­toyer l’océan, mais il est tou­jours plai­sant de se rap­pe­ler que l’on peut comp­ter sur des Dexter des mers capables, dans leurs labos, de pondre de belles innovations.

2. Plastique organique

On serait bien peinard·es si on pou­vait déve­lop­per un équi­valent du plas­tique comme on pro­duit la soie : qu’un petit ani­mal comme le ver le crée natu­rel­le­ment, sans sub­stance chi­mique et avec peu d’énergie. Good news ! Il existe le bio­plas­tique. Produite par de petites bac­té­ries, cette fibre mime par­fai­te­ment « la légè­re­té, la flexi­bi­li­té et la robus­tesse » du mau­dit plas­toc, s’émerveille le dra­ma­turge David Wahl. Ce réa­li­sa­teur, spé­cia­liste de l’environnement, a décou­vert le pro­cé­dé en tom­bant sur une entre­prise qui en pro­duit à Brest. Le résul­tat l’a tel­le­ment éba­hi qu’il en a fait l’accroche d’Histoires de fouilles, sa pièce pour enfants, pré­sen­tée au der­nier Festival des déchets, à Brest, en juin. Cultivez ça en labo et peuvent en sor­tir « pro­thèses, embal­lages ou film plas­tique abso­lu­ment iden­tiques à ceux sur le mar­ché ». Existe aus­si la ver­sion algues brunes, pro­duite à Saint-Malo. 

3. Jardinage aquatique

De même que la pla­nète compte sur la forêt ama­zo­nienne pour aspi­rer le CO2, l’océan a ses propres oasis régé­né­rantes. Au pal­ma­rès de ces jar­dins du bon­heur : les man­groves et les récifs de corail. « Ils filtrent la pol­lu­tion, explique l’économiste de l’environnement Isabelle Delannoy, et on estime que les deux tiers de la bio­di­ver­si­té marine reposent ­indi­rec­te­ment sur ces éco­sys­tèmes. » Solution pour amé­lio­rer l’état des mers : les bi-​cho-​nner ! En replan­tant des pépi­nières de man­grove sur le lit­to­ral, par exemple, comme l’a fait l’association de pro­tec­tion et de conser­va­tion des res­sources natu­relles, l’Océanium de Dakar, au Sénégal. « Ça crée des cocons où peuvent se repro­duire les pois­sons, détaille la scien­ti­fique, soli­di­fie les sols, limite l’érosion et la mon­tée des eaux. » Par consé­quent, c’est encou­ra­geant de voir que 90 % des États membres de l’ONU sont asso­ciés à la conven­tion de Ramsar, qui pro­tège jus­te­ment ces zones humides. On peut aus­si miser sur les « her­biers de Posidonie », ajoute Jean-​Pierre Gatuso, océa­no­graphe et direc­teur de recherche au CNRS. Des champs de plantes sous-​marines, qui, en plus des mêmes sym­pa­thiques effets, « pro­duisent de l’oxygène et stockent le car­bone dans le sol »

4. Gardiens de la baie

Bosser avec ceux qui vivent de l’océan et le connaissent par cœur serait un bon début pour apprendre à le soi­gner. Certaines ins­tances locales ont donc eu la même idée : coopé­rer avec les pêcheurs. Les écou­ter, déjà, pour mieux com­prendre leur quo­ti­dien et trou­ver ensemble des moyens d’éviter la sur­pêche, ce que fait le WWF. Les asso­cier au tri des déchets, aus­si, comme s’y sont enga­gés l’Italie et douze ports de la mer de Nord. L’idée : vu que les marins pêchent mal­gré eux des tonnes de plas­tique, fournissons-​les en matos de récup pour qu’ils les rap­portent aux auto­ri­tés locales, sur terre, qui les trie­ront. Tout ça avec l’espoir que leurs tristes trou­vailles ins­pirent aus­si poli­tiques et citoyens, qui, comme les marins, devront sûre­ment adap­ter leurs jobs à la crise environnementale. 

5. Nécessité fait loi

Les beaux dis­cours et les négo­cia­tions sans fin de nos poli­tiques ont beau nous dépi­ter, sans eux, on n’aurait pas eu la créa­tion d’aires marines pro­té­gées ; la bana­li­sa­tion des sta­tions d’épuration dans le sud (qui ont stop­pé la fuite des eaux usées dans les calanques ! Merci…) ; ou encore la fin des plas­tiques à usage unique comme l’ont voté l’Europe ou le Canada. Et si le cœur lui en dit, l’État en a encore sous le pied ! Un pro­jet contre les micro­par­ti­cules a été sou­mis par l’instance euro­péenne de régu­la­tion des plas­tiques, début 2019, pour ban­nir d’ici à un an paillettes de cos­mé­tiques, par­ti­cules de den­ti­frices ou micro­plas­tiques pré­sents dans les pro­duits ména­gers… L’ONU est, quant à elle, en pleines négo­cia­tions pour régu­ler le droit de la haute mer. L’enjeu : empê­cher les grandes entre­prises de forer n’importe où dans l’océan et déré­gler ain­si la faune et la flore. Comme quoi, peu de solu­tions res­tent aus­si dras­tiques et pro­met­teuses que la loi.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.