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Louis Hansel / Unsplash

Au Crous de Bretagne, un ser­vice option végé savou­reux et bas carbone

Les res­tau­rants uni­ver­si­taires bre­tons sont depuis quelques mois le théâtre d’une révo­lu­tion tran­quille, celle de la végé­ta­li­sa­tion des assiettes. Chaque jour depuis la ren­trée 2022, les étudiant·es ont le choix entre un plat car­né et deux plats végé. C’est le double des exi­gences de la loi Climat, et c’est un brin éton­nant pour une région qu’on connaît sur­tout pour sa forte concen­tra­tion en éle­vages intensifs.

Au Restaurant uni­ver­si­taire (RU) de la fac de lettres et de sciences humaines de Brest, la moi­tié des repas ser­vis chaque semaine ne contiennent ni pois­son ni viande. Ce ven­dre­di midi, en plus des frites et des hari­cots verts en gar­ni­ture, les 1 300 convives peuvent choi­sir entre des chi­po­la­tas, un bur­ger végé­ta­rien façon tex-​mex (à base de fro­mage et de hari­cots rouges) et un crumble de légumes. L’évolution n’a échap­pé à personne.

“Il y a moins de viande, c’est sur­tout dans ce sens-​là qu’on a remar­qué le chan­ge­ment, glisse Julie, 23 ans, étu­diante en méde­cine. Ce n’est pas un pro­blème, parce que les plats végé donnent envie et sont consis­tants.” Même son de cloche pour son amie Simona, 22 ans. “C’est plus diver­si­fié qu’avant : il y a des steaks au qui­noa, des lasagnes végé­ta­riennes, des crumbles aux légumes… J’en prends quand la pro­po­si­tion de viande ne me plaît pas, et fran­che­ment c’est bien ras­sa­siant. Notamment les bur­ri­tos aux hari­cots, là !”

L’écogeste le plus efficace

“Cette démarche volon­ta­riste fait écho à la demande de nom­breux étu­diants, relayée par leurs repré­sen­tants au Conseil d’administration du Crous, explique Christelle Nihouarn, direc­trice de la com­mu­ni­ca­tion du Crous Bretagne. Elle répond éga­le­ment aux enjeux socié­taux de réduire la consom­ma­tion de viande pour dimi­nuer l’impact écologique.”

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. L’empreinte car­bone d’un repas végé­ta­rien est vrai­ment beau­coup plus faible que celle d’un repas car­né : 0,5 kg d’équivalent CO2, contre 1 à 2 kg pour un repas avec du pois­son, 1,6 kg avec du pou­let… et 7 kg avec du bœuf. Végétaliser son ali­men­ta­tion est (de loin) l’écogeste le plus effi­cace, sans par­ler des béné­fices nutri­tion­nels d’une ali­men­ta­tion lais­sant une plus grande part aux végé­taux, notam­ment aux légu­mi­neuses : len­tilles, soja, hari­cots, pois chiches.

Ribal, 28 ans, est en train de finir ses frites quand il nous par­tage sa propre rai­son de s’en tenir au végé : “Ça fait quinze ans que je suis végé­ta­rien, parce que je n’aime pas l’idée de tuer les ani­maux.” Son amie Léa a aus­si pris le crumble de légumes, bien qu’elle ne soit pas végé­ta­rienne. “Je fais atten­tion au nombre de fois où je consomme de la viande par semaine. On n’est pas cen­sé en consom­mer à chaque repas.”

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En cui­sine, l’équipe de res­tau­ra­tion s’active pour que les options végé soient des plats à part entière, plu­tôt qu’un simple assem­blage de gar­ni­ture. Le chef de cui­sine Daniel Louis, 58 ans – dont qua­rante dans la res­tau­ra­tion col­lec­tive – n’était pour­tant pas d’emblée acquis à la cause. “Le végé­tal, je n’étais pas plus par­ti­san que ça. Je par­tais du prin­cipe qu’un étu­diant a besoin d’un mini­mum de viande. Aujourd’hui, j’ai un nou­veau regard : je m’aperçois qu’avec des recettes végé bien faites, et en redon­nant les bases aux cui­si­niers, on peut faire du bon.”

Des légu­mi­neuses et du gras

Plutôt réfrac­taire aux pro­duits “agro” qui cherchent à repro­duire l’aspect de la viande, le cuis­tot pré­fère éla­bo­rer ses plats avec des ingré­dients de base. “Le gras, c’est ce qui donne le goût : on uti­lise des huiles d’olive et de tour­ne­sol, du lait de coco. On essaye de mar­quer à la cuis­son pour concen­trer les saveurs et on se sert de beau­coup d’ail, de basi­lic aus­si.” Sans oublier l’atout indis­pen­sable de la cui­sine végé­tale : les légu­mi­neuses. Riches en pro­téines végé­tales et en fibres, ce sont des ingré­dients de choix pour rem­pla­cer les plats car­nés. Daniel Louis dit uti­li­ser énor­mé­ment de hari­cots rouges, de pois chiches, de len­tilles. “Ce n’est pas très popu­laire auprès des étu­diants, donc der­rière il faut retra­vailler les produits.”

Élargir son hori­zon culinaire

Entre 2021 et 2023, les équipes de res­tau­ra­tion du Crous Bretagne – plu­sieurs dizaines de per­sonnes – ont été for­mées à la cui­sine végé­tale. Habitué·es, par­fois depuis des décen­nies, à construire les menus autour des pro­téines ani­males, les cuisinier·ères sont reparti·es avec un hori­zon culi­naire plus diver­si­fié. “J’ai décou­vert des recettes super sym­pas, recon­naît Daniel Louis, enthou­siaste. On fait des dhals de len­tilles au cur­ry, des croque-​monsieur aux petits légumes… C’est appé­tis­sant ! L’autre jour on a fait une tarte d’automne, il y avait du poti­mar­ron, du panais, de la graine de courge, des cham­pi­gnons aus­si, ça donne beau­coup de goût. Passée au four et cou­pée en dix, ça te fait un truc extra­or­di­naire.” Le dres­sage de l’assiette joue aus­si. “Si je vous fais un crumble posé n’importe com­ment, c’est sûr que ça ne donne pas envie. Là, on l’a por­tion­né en car­rés, pour que ça ne fasse pas de la bouillie. C’est ça, le métier de technicien.”

En recon­nais­sance de son offre ali­men­taire bas car­bone, le Crous Bretagne a reçu le label Assiettes vertes de l’association Assiettes végé­tales. Pour créer l’émulation autour du végé, l’asso offre des espaces d’échange entre chef·fes sur les réseaux sociaux et par­tage des idées de “nudges envi­ron­ne­men­taux”, qui per­mettent d’augmenter faci­le­ment le taux de prise des plats végé. Une astuce très simple consiste à lui don­ner un nom appé­tis­sant et évo­ca­teur : "bur­ger tex-​mex aux poi­vrons grillés", c’est quand même plus appé­tis­sant que "bur­ger végé­ta­rien". Les chef·fes peuvent éga­le­ment valo­ri­ser leur nou­velle offre avec e la signa­lé­tique rap­pe­lant ses béné­fices envi­ron­ne­men­tau et/​ou nutritionnels.

Le jour végé­ta­rien, ça va trop loin ?

Emballé, le Crous avait même pré­vu deux jour­nées 100 % végé­ta­riennes par semaine avant de rétro­pé­da­ler et de n’en gar­der qu’une seule, face aux réac­tions étu­diantes miti­gées. Ce jour végé heb­do­ma­daire, Daniel Louis s’y tient, mais il se demande si ça ne va pas trop loin. “Je le vois sur la fré­quen­ta­tion : le jour où c’est 100 % végé­tal, j’ai moins d’étudiants. On a quand même une clien­tèle qui vient de la terre ici, des fils de pay­sans, d’éleveurs de porcs… C’est un peu tra­hir leur famille de ne man­ger que végé.” Mais à celles et ceux qui râlent, le chef cuis­tot dit de se pré­sen­ter aux élec­tions en tant qu’étudiants, “pour faire contre-pouvoir”.

Ce qui fâche vrai­ment Daniel Louis, c’est qu’il n’a pas la main sur l’origine géo­gra­phique des pro­duits qu’il cui­sine, en rai­son du prin­cipe de non-​discrimination qui régit le fonc­tion­ne­ment des mar­chés publics. “On se dit Assiettes vertes, mais on est capable d’aller cher­cher des viandes qui viennent de Pologne ! C’est une aber­ra­tion.” Autre source de frus­tra­tion : quand les étudiant·es réduisent la mise en place du végé à une stra­té­gie d’économie bud­gé­taire. “On n’est pas là pour faire de l’argent, mais pour appor­ter le meilleur rap­port qualité-​prix pos­sible aux étu­diants. On a une mis­sion de ser­vice public, c’est trop sou­vent oublié.”

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