Dans ce département hôte des Jeux Olympiques 2024, un enfant sur deux ne sait pas nager. Pour pallier le manque de moyens et d’infrastructures et les effets de la crise sanitaire, l’organisation des jeux a impulsé un dispositif pour apprendre à 2000 enfants les bases de la natation. Reportage à Clichy-sous-Bois.
« Ah, c’est trop froid ! » Ce 6 juillet, une dizaine d’enfants vient d’entrer dans l’eau en criant. « Mais non, elle est plus chaude qu’hier », les encourage la maître-nageuse au bord du bassin découvert. Milhat, elle, cherche son fils avec un regard inquiet. « Moi, je ne voulais pas qu’il y aille aujourd’hui avec ce vent et ce froid, mais il a insisté. » Amir, 8 ans, finit par sortir de l’eau, s’enroule dans une serviette puis affirme qu’il aime beaucoup la natation, mais qu’il préfère le foot.
Combler le retard et combattre les inégalités
C’est sur le parking du complexe sportif Henri Barbusse, à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, que le bassin mobile a été installé pour l’été. A côté, une grande tente blanche sert de modestes vestiaires pour que les enfants puissent se changer. Ces installations ad hoc font partie du dispositif « Savoir-nager en Seine-Saint-Denis » inauguré ce mardi. Paris 2024 a lancé cette opération en partenariat avec la fédération française de natation, le conseil départemental, l’agence nationale du sport, et plusieurs villes du département. A cause d’un manque de moyens, couplé à de longs mois de fermeture des piscines due à la crise sanitaire, la Seine-Saint-Denis a pris du retard dans l’apprentissage de la natation. Moins d’un enfant sur deux sait nager à son entrée en sixième alors qu’ils ne sont qu’un sur six au niveau national. « On ne peut pas accueillir les plus grands sportifs du monde et détenir cette statistique », affirme Stéphane Troussel, président du Département.
![Paris 2024 : des cours de natation pour les enfants de Seine-Saint-Denis 2 IMG 8822](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/07/IMG_8822-1024x683.jpg)
Avec 36 bassins pour 1,6 millions d’habitant-es, il s’agit du département le moins bien équipé du pays, tout en étant le territoire le plus jeune. Conséquence, trouver des cours de natation relève parfois du défi et les écoles renoncent bien souvent à en dispenser. Cela faisait 2 ans que Meriame, 7 ans, et Leila, sa sœur cadette, n’avaient pas pu aller à la piscine. A l’annonce de l’opération « Savoir-nager », les parents ont sauté sur l’occasion. Ainsi, 200 enfants clichois et 2000 sur l’ensemble du département participeront à des sessions de natation durant l’été grâce à quatre piscines temporaires installées pour l’occasion.
« Ils ne deviendront pas des grands nageurs à la fin de l’été mais ils sauront se déplacer dans l’eau », explique Anthony, maître-nageur fraîchement diplômé qui encadrera les cours tout au long du mois de juillet. Pour beaucoup d’enfants, c’est la première fois qu’ils nagent. Pour cette initiation, l’exercice du jour consiste, le long du bassin, à faire le « crabe » en s’accrochant aux bords et à apprendre à mettre la tête sous l’eau. Ils auront au total 10 séances de 45 minutes sur deux semaines. « Il ne faut pas attendre une catastrophe pour prendre des cours de natation », souligne Malia Mettia, ex-nageuse vice-championne olympique présente pour l’occasion. Une enquête de Santé publique France montre que les noyades accidentelles ont augmenté de 77% entre 2015 et 2018 chez les moins de 13 ans, ce qui en fait la première cause de mortalité par accident de la vie courante. Pour enrayer ce phénomène, le Ministère des Sports s’est ainsi engagé à former 450 000 enfants à l’aisance aquatique d’ici 2024.
![Paris 2024 : des cours de natation pour les enfants de Seine-Saint-Denis 3 IMG 8843](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/07/IMG_8843-1024x683.jpg)
Les JO comme levier transformateur durable
« On réfléchit à garder le bassin et à ne pas vous le rendre à la fin de l’été », plaisante, à côté du bassin, Olivier Klein, le maire de Clichy-Sous-Bois, à l’adresse de Tony Estanguet, président du Comité d’Organisation de Paris 2024. Toutefois, cette boutade pose une véritable question : comment s’assurer de la pérennité du dispositif et aller au-delà de 2024 ? L’objectif est d’éviter ce qu’il s’est passé dans le Nord-Est de Londres en 2012, où beaucoup d’infrastructures ont été créées mais n’ont pas entraîné de dynamique sur le long terme. Pour Tony Estanguet, les Jeux Olympiques ne sont qu’un « coup d’accélérateur ». « Paris 2024 n’est qu’un acteur parmi cinq autres, et lorsqu’on se retirera, ils auront appris à travailler ensemble. L’héritage pourra perdurer. » Ainsi, en plus du Centre Aquatique Olympique, en cours de construction à Saint-Denis pour accueillir les épreuves de JO, cinq piscines seront construites ou rénovées dans le département. Avec leur taille moyenne, elles sont conçues pour ne pas coûter trop cher en entretien et donc perdurer après le passage des Jeux, contrairement à ces « éléphants blancs », des infrastructures de grandes envergures qui s’avèrent trop coûteuses pour être utilisées et qui deviennent des fardeaux financiers.
A la fin de la séance, deux enfants restent dans le bassin : « Elle commence à être chaude ! » Les autres sont sortis, grelottant mais le sourire aux lèvres pour la plupart, malgré quelques pleurs pour d’autres. Ils seront de retour demain, en espérant que le temps sera plus clément. En tout cas, Lilia, 6 ans, a hâte de savoir nager pour « un jour, aller à la plage en vacances ».