La Coupe du Monde vient de débuter jeudi 20 juillet en Australie et Nouvelle-Zélande mais les Français·es ne semblent pas être à la fête : pas de fan zones ni de festivités organisées… Est-ce justifié ? Nos compatriotes se désintéressent-iels vraiment de la compétition et du football féminin ? Pour Béatrice Barbusse, sociologue de sport, la question concerne plutôt les médias et les sponsors.
Causette : La France donne l'impression qu'il n'y a pas de Coupe du monde qui se déroule cet été : pas de fan zones, aucune manifestation d'enthousiasme autour du tournoi. Alors que pour la précédente édition en 2019 (organisée en France) il y avait une certaine frénésie. Est-ce que les Français·es ne s’intéressent plus à la CDM de football féminine ?
Béatrice Barbusse : Quand on interroge un certain nombre de Français·es, comme l’a fait l’ARCOM avec son étude, on peut dire qu’a priori il semble y avoir un intérêt pour la Coupe du monde de football et le football féminin en général. La Coupe du Monde féminine 2019 organisée en France a été un vrai succès : les fans zones installées et les bars étaient remplis de supporters. Elle a été suivie par plus d’un milliard de téléspectateurs [nombre total de téléspectateurs dans le monde entier, ndlr]. Est-ce que l'intérêt est le même pour les médias ? C’est une autre question…
Les droits de diffusion de la CDM en France ont été l'objet de discussions sans fin. On a l'impression que les médias français ne veulent pas mettre les moyens pour le football féminin, ni le mettre en avant, idem pour les sponsors. Comment l’expliquez-vous ?
La problématique n'est pas seulement liée au football féminin.Par exemple en France, aucune autre ligue sportive n’a eu autant d’argent que la D1 Arkema (championnat français de football féminin)1. Mais les sponsors sont également frileux quand il s'agit d'investir dans les autres disciplines. Si ce problème concernerait seulement le football, il n’y aurait pas ces clubs de handball ou de basketball qui disparaissent, faute de moyens.
On vit dans un pays sexiste et patriarcal. Pour l'instant, l'argent va majoritairement vers les sports masculins et il ne reste rien pour les femmes. Les gens ont tellement intégré ce sexisme qu’ils pensent « le sport féminin ne vaut rien ». Les médias ne se précipitent pas non plus, car pour eux ces sports n'ont « aucun intérêt économique ». Ce n'est pas près de changer ! Sauf quand on nomme des ministres comme Amélie Oudéa-Castéra, qui a su faire bouger les lignes pour que France Tv et M6 diffusent le Mondial de football féminin.
Pourtant les Français·es sont friand·es de sport féminin en général : selon une étude de l'Arcom 62% consomment du sport féminin et la discipline la plus suivie est le foot féminin (53%). Vous diriez que celui-ci s'installe vraiment dans le paysage médiatique ?
Ça progresse petit à petit, notamment avec l'opération « Sport féminin Toujours » [campagne audiovisuelle de l’Arcom mettant en avant le sport féminin, ndlr]. Je n’ai jamais vu autant de sport féminin à la télévision que durant cette campagne. C’est maintenant la cinquième édition mais pour l’instant ça n’a pas changé grand chose sur le long terme. D’après un rapport de l’Arcom, le volume horaire du sport féminin c'est moins de 5% du total des diffusions sportives à la télévision. Alors oui, ce sont des opérations qui comptent, mais ce n’est pas suffisant.
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- Selon l'Équipe, depuis son arrivée en 2019 en tant qu’investisseur, Arkema a investi près de 8 millions d’euros .[↩]