À Hossegor, l’asso Skate’Her met les femmes sur les planches

La pra­tique du ska­te­board est encore très mas­cu­line et l'association Skate'Her entend bien contri­buer à la fémi­ni­ser. Reportage à Hossegor (Landes), à l'occasion de l'événement Make Some Waves #GIRLSFORCHANGE.

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Lucie Curutchet en pleine ini­tia­tion au JO&JOE 
© Bastien Labelle

C'est l'été indien à Hossegor ce matin-​là. Un vent doux souffle dans les pins et le soleil perce, enfin. Gäetan Ducellier, Lucie Curutchet, son amie Lee-​Ann Curren et leur chien Bowie arrivent à l'auberge de jeu­nesse JO&JOE pour ins­tal­ler les modules (élé­ments uti­li­sés pour créer des aires adap­tées à la pra­tique du ska­te­board, ndlr) qui les aide­ront à accom­plir une mis­sion bien pré­cise : rendre la pra­tique du ska­te­board acces­sible aux femmes en France et au-​delà. Car si cette dis­ci­pline est ouverte à tous·tes en théo­rie – du moins, en France -, encore trop peu de filles pra­tiquent aujourd'hui. C'est pour cette rai­son que Gäetan et Lucie ont déci­dé d'allier leurs forces en jan­vier 2021. Le pro­fes­seur de skate Gaëtan raconte : « Au départ, l'idée de déve­lop­per le skate fémi­nin vient d'une demande de mon ancien bou­lot. Le truc, c'est que mes inter­lo­cu­teurs avaient pas mal d'a prio­ri, comme le fait de vou­loir faire ska­ter les filles sur des long­boards [le long­board est une planche d'une lon­gueur supé­rieure à celle d'un ska­te­board clas­sique, per­met­tant une meilleure sta­bi­li­té, ndlr], pour que ce soit "plus simple pour elles". J'ai lais­sé ces cli­chés de côté, pro­po­sé de "vrais" ska­te­boards aux filles et repro­duit la dyna­mique de crew qui m'avait tant moti­vé étant petit, en orga­ni­sant des ini­tia­tions et des cours heb­do­ma­daires gra­tuits. Surtout, je me suis allié à la plus grande ska­teuse de Biarritz : Lucie. Gérer ce pro­jet sans une femme n'avait pas de sens ! » Quand Gaëtan lui sou­met le pro­jet, Lucie accepte tout de suite d'en être. L'aventure Skate'Her peut commencer. 

Grande blonde en jean loose, t‑shirt à l'effigie de Skate'Her et Vans aux pieds, Lucie s'approche en tenant un skate : « C'est ma pre­mière planche ! » Celle-​ci est gir­ly, car paille­tée, et aus­si un peu des­troy : « Ma pote avait écrit "SUPER CUCU" à la base pour faire échos à mon nom de famille… Malheureusement, avec le temps, ça s'est effa­cé ! » L'atelier cos­tum va débu­ter. Le volume de la musique monte, quand une dizaine d'enfants – filles et gar­çons confondu·es – se ruent vers l'un des modules. Gaëtan explique : « Le skate, ça n'est pas uni­que­ment du skate. C'est un tout, qui passe aus­si bien par la pho­to que par le des­sin, etc… » Guidées par la team Skate'Her, toutes ces petites têtes blondes activent des bombes de pein­ture sur des pochoirs. Grâce à leurs œuvres, l'initiation qui sui­vra la cus­to­mi­sa­tion des modules se fera en couleurs. 

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Lucie Curutchet et Gaëtan Ducellier © Bastien Labelle

Les minutes s'écoulent au son des roues et des excla­ma­tions. Si l'évènement a lieu ce jour-​là, c'est grâce à l'association The Paddle Paddle Surf Project, qui se bat notam­ment pour ouvrir des écoles de skate et de surf au Ghana et au Nigéria, en col­la­bo­ra­tion avec l'association Surf Ghana fon­dée par Sandy Alibo. Il faut récol­ter des fonds, notam­ment à tra­vers la vente d'objets en résine de surf ou encore la mise à dis­po­si­tion de cours de yoga. Mathieu, fon­da­teur de Paddle Paddle, explique, les pieds dans le sable : « Le but est vrai­ment d'émanciper la jeu­nesse, dont les filles ! Cette jour­née est dédiée à la pra­tique fémi­nine : on a ren­con­tré pas mal de femmes et on porte leur mes­sage, car si en France, leur place est loin d'être assu­rée, c'est encore plus fla­grant dans le reste du monde. »

Cela fait déjà plu­sieurs heures que l'événement bat son plein, réunis­sant une dizaine de filles et de femmes, bien déci­dées à en découdre. Alors que Bowie, exci­té par la bonne humeur ambiante, gobe des pommes de pins, une petite brune de 31 ans s'apprête à prendre part à l'initiation. Si elle a déjà ten­té l'expérience avec son copain, Lucie, les mains dans la malle à pro­tec­tions (genouillères, cou­dières et protège-​poignets, ndlr), ne se défi­nit pas comme une « grande ska­teuse » : « C'est plu­tôt mon copain qui sait bien faire. » La rai­son ? Elle est simple : le skate est encore trop consi­dé­ré comme « un sport de mecs » et le cli­ché est dif­fi­cile à décons­truire. « Quand je vois une nana sur un skate, reprend Lucie, je me dis qu'elle est for­cé­ment un peu gar­çonne alors que c'est juste une fille qui fait du skate ! [rires] » Alors, elle compte sur Skate'Her : « Il y a si peu d'événements autour du skate fémi­nin… quand il y en a, il faut fon­cer ! » Elle appré­cie par­ti­cu­liè­re­ment l'approche pro­gres­sive du col­lec­tif : d'abord, aider les filles à envi­sa­ger la pra­tique du skate autant que les gar­çons, ensuite se réunir pour se sen­tir assez fortes pour vaincre la peur du ridi­cule et enfin… se lan­cer, tout en étant bien encadrées.

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Il n'y a pas de limite d'âge pour être ini­tiée :
de 5 à 99 ans, on peut ska­ter !
© Bastien Labelle
Tutos Youtube

Laure, 24 ans, skate depuis quelques mois seule­ment. Avant de connaître Skate'Her, elle s'est entraî­née toute seule, « grâce à YouTube » : « Je n'ai même pas cher­ché de cours ! J'aurais flip­pé d'y aller et de ne pas être au niveau des autres, en sachant que la plu­part "des autres" auraient été des gar­çons, sou­vent plus à l'aise. » Finalement, Laure lance en juin 2021 Crewsing Paris, un col­lec­tif pour réunir d'autres skateur·se·s en herbe, à Paris : « l'objectif numé­ro un, c'est de réunir les filles. Mais si des mecs veulent nous rejoindre, ils sont les bien­ve­nus ! » Après avoir tes­té l'initiation de Skate'Her, elle a envie de conti­nuer à trans­mettre son amour pour la planche et réa­lise que l'important est avant tout de lais­ser tout juge­ment de côté. 

Le « no judg­ment » est clai­re­ment la poli­tique de Skate'Her. Gaëtan l'affirme haut et fort, sur un fond musi­cal signé The Eagles : « Pour y arri­ver, il faut lais­ser tom­ber toute honte de mal faire. Et ça, c'est un vrai chal­lenge, car chez les filles il y a énor­mé­ment de "je ne vais pas y arri­ver"… Résultat, elles sont nom­breuses à ne pas oser, aban­don­ner ou alors aller ska­ter le soir, quand il n'y a plus per­sonne au ska­te­park. Notre job, c'est de leur don­ner confiance. D'abord entre filles, puis dans des espaces mixtes. On est en 2021 : il faut que tout le monde ait sa place ! » Alors que la tem­pé­ra­ture se fait plus douce, le docu­men­taire Chicks on Boards va être dif­fu­sé. Les par­ti­ci­pantes repartent pleines d'espoir, avec une furieuse envie de conti­nuer à skater.

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