À l’occasion de la sortie de son hors-série Sport : les femmes gagnent du terrain, Causette a visité l’épatante exposition virtuelle The Great Attraction, consacrée au combat des femmes pour l'égalité sportive dans l'entre-deux-guerres. Un périple savoureux, chaotique et plein de surprises.
« Il appartient aux institutrices de choisir les jeux et les mouvements les mieux adaptés au sexe féminin, ceux qui donnent de l’agilité et de la grâce plutôt que ceux qui donnent de la force. » Dixit Léon Bérard, ministre de l'Instruction Publique, en juin 1923. Et aux yeux de la majorité de la population de l’époque, il a raison, Léon.
Marquée par la débâcle de la guerre Franco-Russe de 1871, l'éducation physique en France, à la fin du XIX ème et au début du XX ème siècle était destinée à former des citoyens en pleine forme qui donneraient de bons soldats. De la chair à canon, mais avec du muscle. Une définition qui devait laisser son empreinte sur la pratique du sport pendant des lustres. On comprend mieux, grâce à cette analyse, que l’essor du sport féminin n’a pas été pas seulement entravé par un patriarcat triomphant. Il se tient là de multiples enjeux, qui s’affrontent dans une lutte passionnante pour qui s’intéresse aux soubresauts de la société et aux conquêtes du féminisme.
C’est avec un esprit d’analyse particulièrement fin et une grande capacité à mettre l’Histoire en perspective que la promotion Grace Hopper1 du Master Humanités Numériques de l’Université de Rennes 2, a créé une exposition virtuelle, dédiée à l’évolution des femmes dans le sport, dans l'entre-deux-guerres. Avec humour, les étudiantes l’ont intitulée The Great Attraction, s’inspirant d’un article du Figaro de 1906 qui titrait : « La nageuse, c’est la great attraction des épreuves nautiques. »
Un travail concocté savamment à partir de textes, photos, cartes postales, publicités, documents divers, issus des Archives municipales de Rennes et des collections numériques du Musée de Bretagne.
On se balade avec plaisir dans cette exposition, partagé entre sidération et enthousiasme. Sidération devant les points de vue et des déclarations d’un machisme épanoui, s’appuyant souvent sur des constats « médicaux » pour lesquels « le sport, par nature viril, menacerait la féminité et le pouvoir de procréation de la femme, devenue androgyne ». Et enthousiasme devant les avancées, pied à pied (en petite foulée) effectuées par des femmes courageuses à l’esprit libre, des marathoniennes de la détermination, qui ont arraché toutes les libertés dont on peut jouir aujourd’hui.
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Évolution des vêtements et des équipements, analyse de l’image des « sportives » à travers la publicité, décryptage de l’accès au sport en fonction des classes sociale … L’exposition nous fait découvrir les arcanes de cette histoire qui dépasse largement les terrains de jeux et remet en question la société toute entière. Ainsi que l’avait pressenti la clairvoyante Sarah Bernhardt, dès 1896 : « Je crois que la bicyclette est en train de transformer nos mœurs plus profondément qu'on ne semble en général s'en douter. Toutes ces jeunes femmes, toutes ces jeunes filles qui s'en vont dévorant l'espace renoncent pour une part notable à la vie intérieure, à la vie de famille. »
The Great Attraction : Ici lien direct vers l'exposition virtuelle en plein écran. On y accède aussi via le site des archives de Rennes
- Grace Hopper, 1906 – 1992, était une informaticienne américaine, à qui l’ont doit la conception du langage Cobol en 1959.[↩]