Ce mois-ci, et ce, grâce à un acharnement journalistique de chaque instant, je vous propose l’interview exclusive de Sophie la Girafe. C’est peu dire que son attachée de presse a de sérieuses compétences en matière de ménage en bateau. Il n’a donc pas été simple de mettre en place une telle rencontre tant l’emploi du temps de ce petit truc en caoutchouc de 18 cm est chargé. Plus chargé que la kalachnikov de Poutine, comme ils disent en Ukraine.
Mais c’est finalement chez elle, dans son coquet appartement du quartier des Chalets, à Toulouse, que Sophie me reçoit, sans artifice, complètement à poil.
Alors, avant de vous livrer ce qui sera peut-être l’interview de l’année, retour rapide sur sa carrière de jouet en caoutchouc, une carrière qui dure depuis soixante ans. Soixante ans qu’elle se coltine la bave des mouflets, qu’ils lui mordillent la tête autant que le fion, et soixante ans qu’elle finit en jouet pour chien. Une carrière pas toujours évidente, parfois en haut de l’affiche, mais souvent au fond du gouffre, celui du panier à jouets.
Causette : Alors, bonjour Sophie, et merci de me recevoir. Vous ne voulez pas enfiler un peignoir avant qu’on commence ?
Sophie la Girafe : J’ai jamais porté de fringue et ça ne va pas commencer aujourd’hui. Pour quel magazine travaillez-vous ?
C’est donc vous qui posez les questions ? Je travaille pour Causette, « symbole de la renaissance féministe française », selon The Times. Bien, est-ce que la savane vous manque, Sophie ?
S. L. G. : Pensez-vous ! Je suis née dans le Val‑d’Oise, en Île-de-France. La seule végétation que je connaisse, c’est celle des terrains de foot, quand ils ne sont pas synthétiques. De toute manière, je ne suis pas très nature, vous n’avez qu’à voir l’intérieur de mon appartement, aucune plante. J’ai juste une photo d’hévéa sous cadre dans la cuisine, c’est quand même un peu ma famille, cet arbre à caoutchouc, c’est mon sang si j’puis dire !
En parlant de cuisine, qu’est-ce que vous y faites dedans ?
S. L. G. : Strictement rien puisque je ne mange pas, j’ai pas d’estomac, à la place on m’a foutu une sorte de truc qui fait « pouet-pouet » quand on m’écrase le bide. C’est pour faire rire les gosses.
Et ça marche ?
S. L. G. : Oui, pas trop mal, mais ça fait surtout chier les adultes, et ça, c’est pas pour me déplaire.
Ah oui, vous avez cet état d’esprit d’emmerdeuse, un peu ?
S. L. G. : Eh bien quand on peut faire chier gratos des géniteurs sans histoire qui pensent que mordre une girafe en caoutchouc qui fait pouet-pouet va aider leur gosse à sortir trois chicots, je vous cache pas que j’éprouve une petite satisfaction à pouet-poueter.
Sans transition, votre liaison avec Monsieur Patate n’est plus un secret pour personne. Mais pourquoi avoir réalisé une sextape ? C’est pas en contradiction avec votre public cible ?
S. L. G. : Je pars du principe qu’un nourrisson de 6 mois – aussi précoce soit-il – n’est pas près de se balader sur YoupPorn. À l’inverse, c’est une façon de reconquérir l’adolescent qui a passé les premiers mois de sa vie en ma compagnie, Sophie était là pour sa première dent, Sophie sera peut-être là pour sa première branlette…
Il faut bien l’avouer, stratégiquement, c’est pas si con… Nous devons conclure cette interview, car même si tout le monde vous connaît, c’est pas l’entretien de Sophie la Girafe qui va booster nos ventes… On a une seule page. Je vous laisse donc le mot de la fin.
S. L. G. : Pouet-Pouet. Ça vous va ? Sinon, j’avais pensé à un « vive l’Algérie française » à la de Fontenay pour mettre un peu l’ambiance.
Pouet-Pouet, c’est super. Merci Sophie.