Parce qu’un conte de Noël pour les enfants digne de ce nom, on n’en a rarement lu, on vous en a concocté un à la sauce Causette. À lire et relire sans modération à vos marmots.
![Le Père Noël a tout faux 1 capture decran 2020 12 14 a 17.14.46](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/12/capture-decran-2020-12-14-a-17.14.46.jpg)
Il était une fois une petite fille intrépide qui s’appelait Rokia, et un petit garçon très timide prénommé Léon. Rokia était de la couleur du chocolat au lait avec de petites tresses à fleur de tête, Léon avait les joues roses comme deux fraises et des cheveux couleur carotte.
La maman de Rokia était née en Afrique et elle disait tout le temps qu’elle avait déjà vu des lions, mais des mignons comme Léon, jamais ! Ça faisait beaucoup rire la maman de Léon. Comme leurs papas étaient frères, Rokia et Léon partageaient la même Mamie. Le cousin et la cousine allaient souvent chez elle pour jouer à des tas de jeux secrets, manger des crêpes et regarder des bandes dessinées à plat ventre devant la cheminée du petit salon violet.
![Le Père Noël a tout faux 2 capture decran 2020 12 14 a 17.14.37](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/12/capture-decran-2020-12-14-a-17.14.37.jpg)
Un soir de Noël, toute la famille était réunie chez Mamie pour la veillée. Elle avait déguisé un vieux géranium avec des boules et des guirlandes, parce qu’elle était farouchement opposée à la maltraitance des sapins. Rokia et Léon s’étaient copieusement régalés de bûches, de truffes et de bonbons au chocolat. Les grands avaient bu du champagne et toutes et tous, sauf la maman de Rokia, avaient fini par avoir les mêmes joues que Léon. Au moment de partir, les enfants n’avaient pas voulu se séparer et il avait été décidé que les deux resteraient dormir chez Mamie dans le canapé-lit du salon violet, mettraient leurs chaussons sous le géranium, et que le père Noël viendrait sûrement y déposer les cadeaux qu’elle et il avaient commandés dans la lettre que Mamie avait mise à la poste.
La tension était à son comble, le cousin et la cousine sautaient partout comme deux puces quand elles embêtent le chat. Tant et si bien que Mamie avait dû les menacer de les faire dormir dans le jardin sous les flocons de neige qui commençaient à tomber tout doucement du ciel. Et puis, après s’être raconté des tas d’histoires à dormir debout, les enfants avaient enfin plongé dans le sommeil, bercé·es par les ronflements de Mamie, qui faisaient trembler les murs de la chambre d’à côté.
Rokia rêvait à son cadeau. Elle avait commandé un camion de pompière. Rouge, avec toute une brigade de pompières dedans. Plus tard, elle aimerait, elle aussi, sauver des chats coincés dans les arbres et des sapins en train de cramer dans les forêts, avoir de grosses chaussures noires pour ne pas se brûler les pieds et grimper à la grande échelle avec un casque brillant comme le robinet de la cuisine.
Léon, lui, rêvait de sa poupée. Il l’avait commandée très belle, avec plein de petites tresses sur la tête. Il avait demandé qu’elle parle, qu’elle marche et puis qu’elle chante des berceuses pour qu’il n’ait plus jamais peur la nuit. Parce que Léon, il avait peur dans le noir quand il était tout seul. Il ne le disait pas trop fort depuis qu’un grand lui avait raconté que les garçons n’étaient pas des peureux, que c’était bon pour les filles, tout ça. Mais il savait bien que ce n’était pas vrai, parce que Rokia n’avait jamais peur de rien.
![Le Père Noël a tout faux 3 capture decran 2020 12 14 a 17.15.06](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/12/capture-decran-2020-12-14-a-17.15.06.jpg)
Pendant ce temps, le père Noël, qui était devenu vraiment très gros ces dernières années, en avait profité pour se faufiler péniblement, la tête la première, dans le conduit de la cheminée, déposant furtivement deux paquets au pied du géranium, avant de repartir dans son chariot volant tiré par deux vieux rennes un peu pelés.
Une fois le gros barbu envolé, une drôle de voix s’échappa d’un des cadeaux et se mit à chantonner : « Prom’nons-nous dans les bois, pendant que le père Noël n’y est pas… » Un « chut » résonna tellement fort de l’autre colis que Léon et Rokia se réveillèrent instantanément. Le souffle court, ils ouvrirent leurs oreilles ébahies.
Une des voix demanda :
« Qui a fait chut ?
– C’est moi !
– C’est qui, toi ?
– Le cadeau du petit garçon, le valeureux pompier.
– T’es où ?
– À côté de toi, dans mon camion avec tous mes potes pompiers, et toi, t’es qui ?
– L’extraordinaire poupée qui marche, qui parle, qui chante et qui ferme les yeux quand on la couche, je suis le cadeau pour la petite fille.
– Moi, je ne sais rien faire de spécial, mais par contre, j’ai des mains en forme de pinces et une perruque en plastique sur la tête.
– Eh bien moi, j’attends impatiemment ma nouvelle petite maman pour qu’elle me berce et que je lui dise enfin ma phrase préférée : “Maman, je t’aime.”
– Y a pas l’feu, poupée ! Tu auras tout le temps demain pour débiter tes phrases toutes faites. En attendant, on pourrait s’amuser tous les deux.
– Non, ça pourrait décoiffer mes longs cheveux blonds en nylon et user mes piles.
– Coincée, la mégère…
– Lourdingue, le Playmobil ! »
![Le Père Noël a tout faux 4 capture decran 2020 12 14 a 17.14.27](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/12/capture-decran-2020-12-14-a-17.14.27.jpg)
Sur ce, Rokia alluma brusquement la lumière et, comme par magie, le silence revint dans le petit salon violet.
Très en colère, sans même jeter un œil aux cadeaux, elle décida d’aller réveiller Mamie pour lui expliquer ce qui se tramait sous le géranium. Le père Noël avait fait n’importe quoi : la poupée blonde avec la vilaine voix, pour elle, et le camion de pompier, pour Léon, qui avait tellement peur du feu !
Mamie, qui avait fait partie d’un mouvement de libération des femmes quand elle était jeune, le mille-feuilles ou quelque chose dans le genre, leur dit qu’elle allait tout arranger, que le quiproquo venait à coup sûr de ce père Noël, qui était un vieux bonhomme périmé, qui datait d’une époque où les hommes croyaient que les femmes devaient rester à la maison à pouponner, pendant que les garçons couraient sur les chemins et grimpaient dans les arbres. Elle jura qu’il·elle pouvaient se rendormir tranquillement et que demain, tout ça ne serait qu’un mauvais rêve.
![Le Père Noël a tout faux 5 capture decran 2020 12 14 a 17.14.16](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/12/capture-decran-2020-12-14-a-17.14.16.jpg)
Mamie, qui avait de sacrés pouvoirs depuis qu’elle avait un compte Twitter, décida d’envoyer un #balancetonpèrenoëlrétrograde sur son réseau. En un instant, le hashtag fit boule de neige. Tant et si bien qu’avant la fin de la nuit, une armée de mères Noël, avec de très jolies barbes, redressa les torts faits aux enfants en arpentant les cheminées contaminées par de trop vieilles idées. Elles redistribuèrent correctement tous les cadeaux et avec ciseaux, peintures, crayons de couleur et bouts de tissus, réparèrent sans relâche, jusqu’au petit matin, les dégâts de siècles de diktat de ce père Noël arriéré.
Quand le premier rayon de soleil de ce 25 décembre entra dans le petit salon violet, Rokia et Léon ouvrirent les yeux et se précipitèrent vers leurs cadeaux. Rokia découvrit alors, émue, le camion de pompières courageuses qu’elle avait commandé. En pyjama, elle se précipita pour le faire rouler dans le jardin enneigé, pendant que Léon, commençant immédiatement son congé paternité, l’accompagnait en berçant sa poupée aux jolies petites tresses, qui répétait en boucle avec sa voix de crécelle : « Je t’aime, Papa. »