elsa sahal fontaine le voyage a nantes 2020 philippe piron lvan
© Philippe Piron-lvan

Un Manneken-​Pis fémi­nin sor­ti des eaux

À l’occasion de l’événement cultu­rel du Voyage à Nantes, Fontaine, la figure pis­sante d’Elsa Sahal, s’installe dans le bas­sin de la Place royale du 8 août au 27 sep­tembre. Drôle, pro­vo­cante et fémi­niste, ce Manneken-​Pis au fémi­nin est un véri­table mani­feste pour le droit des femmes dans l’espace public.

Compte Instagram de la gale­rie d'art contem­po­rain The Pill 

Uriner debout comme un acte fémi­niste : c’est la pro­po­si­tion de l’artiste fran­çaise Elsa Sahal à tra­vers sa sculp­ture pis­sante. À l’occasion du Voyage à Nantes, par­cours poé­tique et cultu­rel pro­po­sé chaque été à tra­vers la cité des ducs de Bretagne, l’œuvre prend ses quar­tiers ce same­di 8 août — jusqu’au 27 sep­tembre — dans le bas­sin de la fon­taine monu­men­tale de la Place royale. Baptisée Fontaine, « comme un pied de nez à l’urinoir ren­ver­sé de Marcel Duchamp, œuvre mani­feste de l’avant-garde contem­po­raine », dixit la créa­trice, la sculp­ture en grès émaillé rose bon­bon de 3 mètres, créée en 2012, repré­sente deux jambes émer­geant des eaux, posées sur deux grandes colonnes de terre ornées d’oursins, de coraux et de coquillages. Mais toute l’œuvre réside en ce filet d’eau qui s’écoule de la vulve triom­phante de la sculpture.

Une Jeanneke-​Pis qui pisse debout

D’ailleurs en la voyant, on ne peut s’empêcher de remar­quer la simi­li­tude avec le célèbre petit Bruxellois qui pisse debout. Et pour cause, Elsa Sahal indique s’être évi­dem­ment réfé­rée au Manneken-​Pis de Bruxelles. Un hom­mage à la sculp­ture belge mon­dia­le­ment connue, mais aus­si à son pen­dant fémi­nin beau­coup moins visi­té, la Jeanneke-​Pis qui elle, urine accroupie.

Mais contrai­re­ment à sa consœur du Plat Pays, Fontaine pisse debout et n’a ni bras, ni buste, ni tête. Étonnant pour une sta­tue qui se reven­dique comme « un mani­feste fémi­niste à part entière ». À l’heure où la repré­sen­ta­tion des femmes dans l’art contem­po­rain est scru­tée par les mili­tantes fémi­nistes, n’afficher aucun visage peut être per­çu comme une démarche objec­ti­fiante. Pourtant, sur ce point, Elsa Sahal se veut ras­su­rante : « N’y voyez aucune vio­lence, ni rien de sexuel, seule­ment un pro­ces­sus artis­tique. » Si les coraux font réfé­rence à l’œuvre du céra­miste de la renais­sance Bernard Palissy, un second et d’autant plus célèbre sculp­teur ins­pire ces jambes. « Le fait qu’elle n’ait ni bras ni tête est un concept de sculp­ture vieux comme Rodin, déclare l’artiste. Lorsqu’il a sculp­té L’homme qui marche, pas de bras, pas de tête, mais seule­ment un homme qui marche. » Ici, l’attention se porte uni­que­ment sur l’action de pis­ser debout pour une petite fille.

Fontaine a une réso­nance toute par­ti­cu­lière dans l’œuvre d’Elsa Sahal. Elle est ima­gi­née après la nais­sance de sa deuxième fille en 2012. À son retour de congé paren­tal, l’artiste perd son poste d’enseignante à l’École des Arts déco­ra­tifs de Strasbourg. « Cette créa­tion part d’un moment très joyeux, la nais­sance de ma fille, se sou­vient la céra­miste. S’en est sui­vie une prise de conscience fémi­niste que, en tant qu’artiste femme, on se heurte à des obs­tacles dans notre car­rière que nos confrères hommes ne ren­contrent pas. »

Message d’empowerment

Avec Fontaine, Elsa Sahal répond avec humour et pro­vo­ca­tion au machisme dans le milieu de l’art, mais sou­haite sur­tout encou­ra­ger ses filles à prendre plei­ne­ment leur place dans la socié­té. Car dans un espace public où les uri­noirs mas­cu­lins font par­tie du pay­sage, « l’œuvre Fontaine montre que les petites filles aus­si peuvent pis­ser debout, dru, loin et continûment ».

Dans le pro­ces­sus artis­tique d’Elsa se croisent son expé­rience per­son­nelle, des réfé­rences artis­tiques, mais éga­le­ment une moti­va­tion poli­tique. Tout l’enjeu de cette figure fémi­nine pis­sante est d’investir l’espace public. Auparavant mon­trée au jar­din des Tuileries, puis dans une gale­rie d’art d’Istanbul, c’est la toute pre­mière fois que Fontaine et son vagin vic­to­rieux seront expo­sés dans la rue. « Pourtant, il s’agit vrai­ment d’une sculp­ture pen­sée pour l’extérieur, com­mente Elsa Sahal. Je suis très contente qu’elle soit ins­tal­lée dans la rue, car c’est le lieu du débat public, de la confron­ta­tion des idées et de toutes les ten­sions de la socié­té. » Une œuvre qui trouve bien sa place puisque c’est sur cette même Place royale que se ras­semblent les Nantais·es pour manifester.


Le fes­ti­val Voyage à Nantes

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© Le voyage à Nantes

Avec le fes­ti­val esti­val Voyage à Nantes, du 8 août au 27 sep­tembre, la métro­pole se trans­forme et entend deve­nir un cœur bat­tant de la culture. En se lais­sant gui­der par un fil vert, d’une œuvre à l’autre, on découvre des ins­tal­la­tions artis­tiques. Qu’elles soient impres­sion­nantes, comme le lit à bal­da­quin fée­rique de Vincent Olinet flot­tant sur le bas­sin du canal Saint-​Félix, mini­ma­listes, pérennes ou tem­po­raires. Ces œuvres et leurs artistes n’ont qu’un seul et même objec­tif, celui de s’approprier et d’interpréter la ville.

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