Chaque mois, Causette donne carte blanche à l'autrice féministe Fiona Schmidt pour un billet d'humeur au lance-flamme. Ce mois-ci, elle raconte sa réaction après avoir été insultée sur les réseaux sociaux pour avoir publié une photo d'elle devant un avion.
Cet été, j’ai reçu un paquet d’insultes sur Instagram après avoir posté un selfie en direct de l’avion qui venait de me déposer dans les îles grecques, où j’étais venue renouer avec l’insouciance qui m’a brutalement quittée le jour où je suis devenue une féministe hardcore.
J’ai trouvé ces insultes aussi blessantes qu’injustes : m’accuser, moi, d’écocide, c’est rendre le termite responsable de la déforestation. Après tout, l’avion représente « seulement » 16,2 % des émissions de CO2 liées au transport, le plus gros poste de
consommation d’énergie en France. Or, jusqu’au printemps dernier, je ne conduisais pas. Par ailleurs, je mange local, de saison, principalement végétal, et le peu de viande que je consomme est bien élevée, ce qui est la moindre des politesses pour la planète comme pour mon organisme. Je n’ai pas d’enfant1, mon logement (ancien) est parfaitement isolé, la moitié de mes fringues sont plus âgées qu’un·e stagiaire de troisième, mes poubelles sont triées à quatre épingles, je ne fais pas de Jet-Ski (ni de ski, d’ailleurs), mon iPhone et mon ordinateur sont tellement vieux qu’ils sont quasiment en bois… Mais effectivement, je fais partie des 4 % de Français·es assez privilégié·es pour planer – et donc polluer – régulièrement.
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En prendre conscience m’a donné l’impression de noyer un bébé phoque dans chaque verre d’ouzo : pour l’insouciance, je repasserai (en train). Mon sentiment de culpabilité a été d’autant plus fort que les femmes sont les premières victimes de la crise climatique. Ainsi, selon l’Oxfam, 1 % des personnes les plus riches du monde, qui se trouvent être majoritairement des hommes blancs, sont responsables de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de la planète, dont la grosse majorité sont des femmes racisées. Il est donc doublement injuste que les personnes les plus pauvres, qui contribuent le moins au dérèglement climatique, soient aussi celles qui en souffrent le plus, parce qu’elles ont le moins de ressources pour s’y adapter.
Mais il est également injuste qu’en France, on culpabilise toujours les mêmes pour qu’ils et elles fournissent les efforts que d’autres (toujours les mêmes) choisissent de ne pas faire. N’exigeons pas de quelques personnes qu’elles compensent par leur exemplarité l’irresponsabilité des gouvernant·es… qui se trouvent être, là encore,
majoritairement des hommes blancs.
- En 2017, une étude britannique très médiatisée (et relativisée depuis) avait évalué le bilan carbone d’une naissance à 60 tonnes de CO2 par an, soit six fois le bilan carbone d’un·e Français·e moyen·ne, bilan qui est lui-même cinq fois supérieur à celui qu’il devrait être.[↩]