airplanes window view of sky during golden hour
© Eva Darron

Transport aérien : « M’accuser, moi, d’écocide, c’est rendre le ter­mite res­pon­sable de la déforestation »

Chaque mois, Causette donne carte blanche à l'autrice fémi­niste Fiona Schmidt pour un billet d'humeur au lance-​flamme. Ce mois-​ci, elle raconte sa réac­tion après avoir été insul­tée sur les réseaux sociaux pour avoir publié une pho­to d'elle devant un avion.

Cet été, j’ai reçu un paquet d’insultes sur Instagram après avoir pos­té un sel­fie en direct de l’avion qui venait de me dépo­ser dans les îles grecques, où j’étais venue renouer avec l’insouciance qui m’a bru­ta­le­ment quit­tée le jour où je suis deve­nue une fémi­niste hardcore.

J’ai trou­vé ces insultes aus­si bles­santes qu’injustes : m’accuser, moi, d’écocide, c’est rendre le ter­mite res­pon­sable de la défo­res­ta­tion. Après tout, l’avion repré­sente « seule­ment » 16,2 % des émis­sions de CO2 liées au trans­port, le plus gros poste de
consom­ma­tion d’énergie en France. Or, jusqu’au prin­temps der­nier, je ne condui­sais pas. Par ailleurs, je mange local, de sai­son, prin­ci­pa­le­ment végé­tal, et le peu de viande que je consomme est bien éle­vée, ce qui est la moindre des poli­tesses pour la pla­nète comme pour mon orga­nisme. Je n’ai pas d’enfant1, mon loge­ment (ancien) est par­fai­te­ment iso­lé, la moi­tié de mes fringues sont plus âgées qu’un·e sta­giaire de troi­sième, mes pou­belles sont triées à quatre épingles, je ne fais pas de Jet-​Ski (ni de ski, d’ailleurs), mon iPhone et mon ordi­na­teur sont tel­le­ment vieux qu’ils sont qua­si­ment en bois… Mais effec­ti­ve­ment, je fais par­tie des 4 % de Français·es assez privilégié·es pour pla­ner – et donc pol­luer – régulièrement. 

Lire aus­si l Christophe Galtier, le char à voile et l'effort collectif

En prendre conscience m’a don­né l’impression de noyer un bébé phoque dans chaque verre d’ouzo : pour l’insouciance, je repas­se­rai (en train). Mon sen­ti­ment de culpa­bi­li­té a été d’autant plus fort que les femmes sont les pre­mières vic­times de la crise cli­ma­tique. Ainsi, selon l’Oxfam, 1 % des per­sonnes les plus riches du monde, qui se trouvent être majo­ri­tai­re­ment des hommes blancs, sont res­pon­sables de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moi­tié la plus pauvre de la pla­nète, dont la grosse majo­ri­té sont des femmes raci­sées. Il est donc dou­ble­ment injuste que les per­sonnes les plus pauvres, qui contri­buent le moins au dérè­gle­ment cli­ma­tique, soient aus­si celles qui en souffrent le plus, parce qu’elles ont le moins de res­sources pour s’y adapter.

Mais il est éga­le­ment injuste qu’en France, on culpa­bi­lise tou­jours les mêmes pour qu’ils et elles four­nissent les efforts que d’autres (tou­jours les mêmes) choi­sissent de ne pas faire. N’exigeons pas de quelques per­sonnes qu’elles com­pensent par leur exem­pla­ri­té l’irresponsabilité des gouvernant·es… qui se trouvent être, là encore,
majo­ri­tai­re­ment des hommes blancs. 

  1. En 2017, une étude bri­tan­nique très média­ti­sée (et rela­ti­vi­sée depuis) avait éva­lué le bilan car­bone d’une nais­sance à 60 tonnes de CO2 par an, soit six fois le bilan car­bone d’un·e Français·e moyen·ne, bilan qui est lui-​même cinq fois supé­rieur à celui qu’il devrait être.[]
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