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Témoignages : ils et elles ont levé le pied au boulot

Rapport à l’argent, aux autres et à soi-​même… à la vie tout sim­ple­ment… Ils et elles livrent à Causette les rai­sons et les bien­faits de leur choix de mettre la pédale douce sur le travail. 

“J’apprends des langues étran­gères, je vou­drais me for­mer à l’œnologie”

Arnaud*, 30 ans, sala­rié dans le sec­teur asso­cia­tif en Belgique

« J’ai tou­jours entre­te­nu un rap­port un peu com­pli­qué entre ma vie per­son­nelle et pro­fes­sion­nelle. Après mes études à l’École nor­male supé­rieure, j’ai beau­coup tra­vaillé dans le sec­teur asso­cia­tif, mais presque jamais à temps plein. Là, par exemple, je m’apprête à com­men­cer un nou­veau job, pour lequel j’ai négo­cié un temps par­tiel au quatre cin­quième. Dans l’associatif, tu fais sou­vent la même chose : des ate­liers, de la ges­tion de pro­jets, beau­coup de repor­ting et de recherches de finan­ce­ments… Au bout du compte, ça peut être assez répé­ti­tif et très admi­nis­tra­tif. Pas tou­jours épanouissant. 

Assez rapi­de­ment, j’ai donc res­sen­ti le besoin de ne pas tra­vailler tous les jours pour pou­voir prendre du temps pour moi. Parce qu’à côté de ça je fais plein de choses : j’apprends des langues étran­gères, je vou­drais me for­mer à l’œnologie… Je peux me per­mettre de le faire, car je vis en couple et j’ai des éco­no­mies. Même si, au quo­ti­dien, je vis assez chi­che­ment, car ce sont des jobs qui ne sont pas très bien payés. J’ai eu une période sans tra­vail, une autre où j’ai fait des petits bou­lots… Mais ça me va bien : je ne veux pas sur­con­som­mer et je n’ai pas besoin de plus. Après, c’est un choix qui n’est pas tou­jours très bien enten­du dans le monde du tra­vail : les gens peuvent se dire qu’on ne veut pas s’engager, qu’on est pares­seux… Alors que je suis loin de l’être. Je veux juste faire plein d’autres choses que des tableaux Excel huit heures par jour. »

* Le pré­nom a été modifié.

“Quand tu n’as pas de temps, tu es obli­gé de consom­mer vite, et donc de payer cher”

Marion, 32 ans, char­gée de pro­gramme de coopé­ra­tion inter­na­tio­nale dans la Drôme
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© Besse

« Après mes études, j’ai tou­jours tra­vaillé ou cher­ché du tra­vail. Avant d’arriver dans la Drôme, ça fai­sait quatre ans que j’étais en poste à Paris. Mon CDD n’a pas été renou­ve­lé, et ça tom­bait très bien : j’avais envie de bos­ser dans quelque chose qui me tenait plus à cœur et c’était l’occasion de quit­ter Paris. Je n’avais pas vrai­ment de plan : j’ai pris un train, je suis arri­vée ici un peu par hasard et je n’en suis plus repartie. 

Pendant deux ans, j’ai tou­ché le chô­mage, soit 1 000 euros par mois. Comme j’avais du temps libre, j’ai com­men­cé à faire moi-​même plein de choses : ma les­sive, mes cos­mé­tiques, de la cueillette sau­vage quo­ti­dienne, de la trans­for­ma­tion ali­men­taire (par exemple, des confi­tures). Je me suis mis à répa­rer ce qui ne fonc­tionne plus, à faire le tour des bou­tiques de deuxième main, à aller à la média­thèque plu­tôt que d’acheter… Je vis en colo­ca­tion et je recours beau­coup au prêt de matériel. 

Récemment, j’ai trou­vé un poste dans l’environnement, à mi-​temps. C’est suf­fi­sant pour vivre. Depuis que j’ai quit­té Paris, j’ai besoin de deux fois moins d’argent, donc de deux fois moins de travail.

Le fait d’avoir du temps t’amène à voir les choses très dif­fé­rem­ment. Tu te rends compte que le temps et l’argent sont inti­me­ment liés : quand tu n’as pas de temps, tu es obli­gé de consom­mer vite, et donc de payer cher. Toute ma vie a chan­gé. Je renais. La ten­di­nite qui m’a fait souf­frir pen­dant sept ans a dis­pa­ru. Je marche tous les jours dans la nature, je n’ai plus de stress. Et jamais je ne revien­drai dans une grande ville. »

“Je n’ai plus mal au dos, mes pro­blèmes de som­meil se sont gran­de­ment améliorés”

Madeleine, 36 ans, assis­tante sociale dans l’Hérault

« J’ai tra­vaillé en CDI, à temps plein, pen­dant quatre ans. J’étais épui­sée et proche du burn-​out. Une ancienne col­lègue m’a inci­tée à pos­tu­ler dans sa région pour un rem­pla­ce­ment. À la fin de ce contrat, on m’a pro­po­sé un CDI à temps par­tiel (80 %), il y a deux ans. J’ai été ravie d’accepter, parce que je cher­chais jus­te­ment à pas­ser moins de temps au tra­vail : je sen­tais bien que je tirais sur la corde et j’avais besoin d’avoir du temps pour moi. J’adore mon métier, mais les condi­tions de tra­vail sont de plus en plus com­pli­quées, et j’ai de moins en moins de moyens d’aider les gens. Accepter ce temps par­tiel a été la meilleure déci­sion de ma vie. J’ai une jour­née par semaine où je peux prendre mes rendez-​vous, faire mes courses, voir mes amis. J’ai retrou­vé une vie sociale dans laquelle je n’avais plus le temps ni l’énergie de m’investir. Sur le plan de la san­té, l’amélioration a été fla­grante : je n’ai plus mal au dos, mes pro­blèmes de som­meil et d’anxiété se sont gran­de­ment améliorés. 

À côté de ça, c’est vrai que j’ai eu une baisse de reve­nus. Je fais très atten­tion à mon bud­get et je n’arrive plus à avoir d’épargne, je ne pro­jette pas de faire un super voyage, je ne peux pas envi­sa­ger d’achat immo­bi­lier… Je sais aus­si, vu mon tra­vail, que ça va avoir des consé­quences sur ma retraite. Mais je me dis que ce n’est pas grave, si ça me per­met jus­te­ment de gar­der de l’énergie et la san­té pour arri­ver jusque-là. »

“J’ai qua­si­ment divi­sé mon salaire par trois”

Julien, 40 ans, ensei­gnant et for­ma­teur dans les Pays de la Loire

« J’étais cadre supé­rieur dans une entre­prise de vête­ments pour enfants. Pour avoir plus de temps libre, j’ai déci­dé de chan­ger de voie pour deve­nir ensei­gnant et for­ma­teur en sup­ply chain (logis­tique, trans­port, appro­vi­sion­ne­ment) et ges­tion de pro­jets, les domaines dans les­quels je tra­vaillais jusque-​là. Ce chan­ge­ment est en par­tie lié au pre­mier confi­ne­ment : je me suis retrou­vé au chô­mage par­tiel, avec ma femme et mes enfants, à la mai­son. On l’a très bien vécu, et ça m’a fait prendre conscience que ce serait bien d’avoir plus de temps en famille ou pour soi. Pendant le deuxième confi­ne­ment, j’ai donc com­men­cé à don­ner des cours en visio, en paral­lèle de mon poste. Et il s’avère qu’en fin de jour­née j’étais bien plus content de ces deux heures pas­sées à ensei­gner que de mon travail. 

C’est là que j’ai déci­dé de chan­ger de métier. Ça a fait l’objet d’une dis­cus­sion avec mon épouse, car on savait que l’impact finan­cier serait impor­tant. J’ai quit­té mon poste et, depuis quelques mois, je donne des cours à temps par­tiel. J’ai qua­si­ment divi­sé mon salaire par trois. Pour le moment, ça va, car je reçois un com­plé­ment de l’assurance-chômage. À terme, je vou­drais déve­lop­per mon acti­vi­té de for­ma­teur, plus rému­né­ra­trice, pour pou­voir gar­der des horaires réduits. 

Pour le moment, on fait plus atten­tion à nos dépenses. Mais on le savait. Et le bilan est clai­re­ment posi­tif. J’ai du temps pour faire des choses que j’aime, avec les gens que j’aime. Je peux aller cher­cher mes enfants à l’école, jouer avec eux, me bala­der en forêt avec mes chiens… Ça n’a pas de prix. Et vu cer­tains élé­ments de contexte, notam­ment la crise cli­ma­tique, on se dit que c’est le moment de pro­fi­ter de tous ces ins­tants, car on n’a pas for­cé­ment confiance en ce que l’avenir nous réserve. »

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