En ce lundi 14 février, j'ai souhaité savoir comment vous, lecteurs et lectrices célibataires, alliez. Car, moi aussi, je suis aujourd'hui mon propre Valentin. Petit tour d'horizon de vos astuces (et des miennes) pour célébrer nos célibats.
Les vitrines des boutiques se teintent de rouge. Les pâtisseries proposent des gâteaux décorés de pétales de fleurs. Des ballons en forme de cœur ont même fait irruption sur l'application de ma banque. Comme tous les ans, la Saint-Valentin fait son apparition, nimbant de son aura rose bonbon un peu écœurante tous les aspects de notre vie pendant au moins une bonne semaine. Jusqu'à la crise de foie. Oui, l'auteur de ces lignes est bien célibataire, comme peut le laisser penser la lassitude qui transparaît derrière le début de cet article.
Je n'ai jamais vraiment été en couple. Si, à 28 ans, mon célibat ne me dérange pas plus que ça, plus je vieillis, plus ce 14 février me renvoie tout de même à la figure ma situation conjugale. Surtout en ce moment où, après deux ans de crise sanitaire, quelques confinements et plusieurs couvre-feu, ma vie amoureuse s'est réduite à peau de chagrin. L'aspect mercantile de cette fête est évidemment dénoncé depuis belle lurette. Et de nombreux couples ne la célèbrent même pas. Mais quand même, apparaît toujours ce petit picotement au cœur – qui disparaît heureusement rapidement.
Alors, le 14 février 2017, pour retourner ce stigmate (je ne pèse pas vraiment mes mots, mais c'est vous dire le chagrin qui parfois m'étreint), j'ai fait deux choses. Une, j'ai offert une rose rouge à mon ami Valentin, qui se plaignait que personne ne pense à lui ce jour-là. Deux, j'ai organisé une grande soirée entre célibataires, dans mon appartement étudiant à Grenoble. Je ne m'en souvenais plus, mais selon la mémoire de Facebook, je l'avais baptisée « Saint-Valentin des Losers ». Je me réappropriais le stigmate, vous dis-je.
![Soirée entre ami·es, cadeau à soi-même, playlist George Michael... Célébrer son célibat en pleine Saint-Valentin 2 Capture d’écran 2022 02 10 à 16.48.36](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/02/Capture-d’écran-2022-02-10-à-16.48.36.jpg)
J'avais enfilé une chemise blanche et mon plus beau nœud pap'. On avait bien bu, bien mangé – toujours selon Facebook, j'avais apparemment préparé des feuilletés chèvre-miel et une amie avait ramené un camembert – et surtout bien rigolé. J'avais même embrassé un mec. Le plus drôle était quand même que plusieurs personnes EN COUPLE s'étaient incrustées, comme pour échapper à un ennuyeux restaurant avec un menu spécial amoureu·ses hors de prix. Nos cœurs de célibataires disposant d'amour à revendre, nous les avions accueillis à bras ouverts et, je l'avoue, d'un sourire un peu narquois.
Fête, alcool et George Michael
Comme moi, plusieurs lecteurs et lectrices de Causette ont noyé leur célibat un 14 février, dans la joie et l'ébriété. Quand elle était en couple, Murièle a essayé une fois de fêter la Saint-Valentin : « Tout était parfaitement cliché, du menu au cadeau, et j'ai trouvé cela vraiment inutile. » Elle aussi a passé son meilleur 14 février entourée de ses ami·es célibataires. « Tout le monde était heureux ce soir-là, se souvient-elle. Au moment de cette fête, je me sentais simplement pleine de compassion pour ceux qui avaient dû vendre un rein pour se soumettre à l'obligation du présent et, de surcroît, trouver des idées originales. »
Oscillant souvent entre désir de perfection et peur de l'ennui, le rituel de la Saint-Valentin cristallise en fait nos angoisses autour de nos représentations amoureuses. Pour Vivian, le 14 février 2021 a même été le déclencheur de la fin de sa relation. Ce garçon de 26 ans a quitté son copain, avec qui il était en couple depuis cinq ans, le lendemain d'une Saint-Valentin pas très folichonne : « Resto, sexe, bisous et dodo. Je me suis dit : "Merde, j'ai 25 ans et il n'y a déjà plus de passion, de fun et d'inattendu." Ça a été la goutte d'eau. » N'ayant pas retrouvé le grand amour, il passera la soirée de ce lundi avec trois copines célibataires. « On fêtera le premier anniversaire de ma rupture. »
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De son côté, Caroline mariée et divorcée deux fois, n'a jamais célébré la Saint-Valentin. Ce jour importe peu à cette célibataire de 45 ans. « Je mesure surtout encore plus ma chance d'être libre et indépendante », affirme-t-elle. Mais comme Vivian, elle a saupoudré sa rupture de quelques paillettes. Les deux premières années après son deuxième divorce, chaque 24 juin, elle a fêté ce qu'elle surnomme son « Freedom day » : « J'ai invité des amis et ma famille, on a écouté à fond Freedom de George Michael, fait la fête et dit du mal de mon ex. Ça m'a fait du bien d'exorciser. »
« Je pense que je voulais me convaincre que j'étais heureuse toute seule, poursuit-elle. Maintenant que j'en suis convaincue, je ne ressens plus l'envie ni le besoin de célébrer le jour de ma rupture. La notion de couple a complètement disparu chez moi. La Saint-Valentin est devenue encore plus lointaine et abstraite. La seule raison pour laquelle je redoute un peu le 14 février, c'est que c'est impossible de me faire un resto improvisé ce soir-là. À part ça, je ne ressens rien. »
Célébration quotidienne de soi et des autres
Comme pour Caroline, cette fête des amoureu·ses n'alimente aucune blessure causée par le célibat, plutôt bien vécu par la plupart des personnes dont j'ai récolté les témoignages pour cet article. « J'ai une vie, même sans Valentin, m'a écrit Marina, 48 ans. Mais pour ne pas penser à ce jour, j’évite de regarder les boutiques avec des cœurs et je me rappelle que le 15 février, tout ça est est fini. Et surtout, je pense à mes amis en couple qui se sentent seuls malgré tout. » Séverine, 51 ans, se voit « maîtresse de [ses] décisions et de [son] emploi du temps » : « Je fais tout ce que je veux ou presque. Mon seul cadre est celui imposé par mes activités professionnelles et celles scolaires de ma fille. » Elle célèbrera la Saint-Valentin, si elle y pense, avec son enfant, « l'amour de [sa] vie ».
Pour d'autres célibataires, le 14 février est un jour « comme un autre ». Blanche, 48 ans et célibataire depuis 11 ans, s'offre un bouquet de fleur lorsqu'elle en a envie, « peu importe le moment » pour se faire plaisir. Ni pour témoigner aux autres son affection, renchérit Nathalie, 50 ans : « Un seul jour pour se dire combien on s'aime ? Je dis à ma mère que je l'aime, à mes filles, à mes amis… Peu importe le jour. Je le dis par un sourire, une attention, une épaule prêtée pour pleurer, un café partagé, des regards bienveillants, un petit mot glissé dans le sac à dos, un petit plat cuisiné, un bouquet inattendu… Tous ces petits moments, improvisés ou pas, qui font le sel de la vie et redonnent son vrai sens à l'Amour. »
Une célébration quotidienne des autres et de soi-même que revendique elle aussi Mila, 44 ans. Célibataire depuis cinq ans, après trois relations amoureuses, elle se qualifie aujourd'hui de « polyandre amicale », trouvant son bonheur dans le partage de moments quotidiens avec ses « quatre vieux copains du lycée », ceux de ses cours de boxe et ceux du travail : restaurant, activité sportive, jardinage… « Quel bonheur sans mec, quelle tranquillité…, poursuit cette mère de quatre enfants. Je ne comprends même pas pourquoi je n’ai pas commencé le célibat avant. Alors, hors de question de me retrouver à la Saint-Valentin dans un restaurant où je vais payer le double pour la même nourriture. Cette année, par exemple, j'échange cette soirée contre deux jours de snow à Chamrousse, près de Grenoble. Et je trouve ça super génial ! »
Le temps fait son œuvre
Face à la quinzaine de témoignages vantant les plaisirs du célibat en cette période de Saint-Valentin, celui de Mélanie, que j'ai reçu quelques heures avant de boucler cet article, rappelle que tout n'est évidemment pas rose quand on est célibataire. Passer ce 14 février « seule, à 37 ans, est un constat d'échec », pour cette dernière qui a « toujours rêvé d'une famille dite ''classique", soit un couple, des enfants et une maison ». « Mais mon mari s'est révélé violent et alcoolique, au fil des années, raconte-t-elle. À 29 ans j'étais mère célibataire de trois enfants en bas âge. J'ai dû faire face, seule ! Même si j'ai ensuite eu plusieurs histoires, avec un homme marié, un plus jeune sans enfant puis un papa solo comme moi, oui, je vais pleurer à la Saint-Valentin. Mais pas trop fort pour ne pas inquiéter mes filles. Parce que ça fait huit ans. Je voulais juste une famille, ma famille. Saine et équilibrée. »
Je me garderais bien de prodiguer des conseils et encouragements stériles, passant moi-même par des périodes de blues, comme je l'expliquais au début de ce texte. Mais le témoignage d'Hélène, 42 ans, me semble apporter une jolie lueur d'espoir. Cette dernière m'a expliqué avoir toujours eu des « relations sentimentales chaotiques », ayant tendance à être attirée par des hommes « plutôt toxiques ». Beaucoup étaient mariés et lui accordaient donc peu de temps et « encore moins au moment de la fête des amoureux ». Pour celle qui est célibataire depuis juin 2019, les deux derniers 14 février « ont ravivé les plaies des ruptures précédentes ». Mais cette année, c'est « différent », m'assure-t-elle : « Je suis presque heureuse d’être seule. Je vais m’offrir un cadeau pour la Saint-Valentin et je n’ai aucun regret d’être célibataire. »
Le temps fait son œuvre. Pour certain·es, il suffit de deux ans pour accepter de ne pas être dans la norme sociétale du couple. Pour d'autres, un peu plus. De mon côté, pas de grande fête entre célibataires ce lundi. Je crois que je vais simplement me rendre au cinéma, puis, que je commanderai une pizza quatre fromages au petit restaurant italien toujours vide en bas de chez moi. Oui, il les fait évidemment spécialement en forme de cœur pour le 14 février. On va dire que ce sera un cadeau de moi à moi. Bonne Saint-Valentin !