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Un kilt créé par Mathilde Goubet et porté par Jonathan Billot © Julien Borghino

Retour du kilt : plus de tar­tan, moins de carcan

Le vête­ment en tar­tan se démo­cra­tise chez les hommes, qui n’hésitent plus à l’adopter au quo­ti­dien. Cet habit tra­di­tion­nel des Highlanders s’exporte au-​delà de l’Écosse.

Dans son appar­te­ment d’Édimbourg, amé­na­gé en ate­lier de cou­ture, Jonathan Billot plisse un long tis­su au motif tar­tan. « Chaque ligne du tar­tan me sert de repère pour faire les plis », pré­cise le Français, che­veux longs bou­clés, che­mise bleu marine et kilt assorti. 

Il y a quatre ans, avec sa com­pagne, Mathilde Goubet, ils ont quit­té leur Bourgogne natale pour l’Écosse. Charmé·es par ce bas en tweed et pas­sion­nés de cos­tume, il et elle ont déci­dé de deve­nir kilt­ma­kers (fabri­cants de kilts) en 2020. Le couple de tren­te­naires, lui-​même adepte du kilt au quo­ti­dien, constate un regain d’intérêt des hommes pour ce vête­ment tra­di­tion­nel. La liste de com­mandes s’allonge. « Cinq clients nous ont déjà sol­li­ci­tés depuis le début de l’année », se réjouit la jeune arti­sane, che­ve­lure dorée et kilt en laine aux cou­leurs automnales. 

Un engoue­ment au-​delà des frontières

Aujourd’hui, en Écosse, le kilt n’est plus sim­ple­ment enfi­lé lors des céré­mo­nies offi­cielles, il s’affiche aus­si dans les rues. Et tend à faire des adeptes ailleurs dans le monde occi­den­tal. Dans sa petite entre­prise arti­sa­nale Auld Alliance (« vieille alliance » – du nom de cette sécu­laire rela­tion d’amitié entre les peuples écos­sais et fran­çais conclue sur le dos des Anglais –, le couple de Dijonnais reçoit des clients de toutes natio­na­li­tés. Un engoue­ment sus­ci­té par la série his­to­rique Outlander, sor­tie en 2014. Cette adap­ta­tion de la saga lit­té­raire Le Chardon et le Tartan, de Diana Gabaldon, se déroule dans les Highlands révol­tées du XVIIIe siècle, avant la fin de la culture de clan. Comme Mathilde, beau­coup de fans trouvent Jamie Fraser, le per­son­nage prin­ci­pal, « très sty­lé en kilt ». C’est d’ailleurs lors d’un voyage sur les lieux de tour­nage du show pla­né­taire qu’Aurélien Constan, 38 ans, a ache­té son pre­mier. « Je me suis marié en kilt et main­te­nant, je le porte dès que je peux ! » raconte cet habi­tant de la Haute-​Marne, qui en pos­sède quatre. 

Dans les pays anglo-​saxons, la mul­ti­pli­ca­tion des tests géné­tiques pour connaître son ascen­dance explique aus­si cet attrait pour le kilt. « Les Nord-​Américains et Néo-​Zélandais remontent leur arbre généa­lo­gique et se rendent compte qu’ils ont un ancêtre écos­sais », explique Mathilde. Pour eux, cet habit est donc un moyen de renouer avec leurs racines. Enfin, le Brexit, contre lequel 62 % des Écossais·es avaient voté lors du réfé­ren­dum de 2016, a ren­for­cé leur volon­té d’afficher leurs vel­léi­tés d’indépendance. « C’est l’un des fac­teurs qui a accé­lé­ré la popu­la­ri­té du kilt », pour­suit la cou­tu­rière, en attra­pant une épingle à tête pour piquer le tissu. 

“Le kilt me donne confiance en moi”

Le port de ce qui appa­raît pour d'aucuns une « jupe mas­cu­line » parce que ce bas n'a pas de « jambes » se démo­cra­tise et brise les sté­réo­types de genre. « C’est plus facile qu’il y a quelques années », juge Aurélien, qui a adop­té le kilt il y a trois ans. Ce père de famille a noté une évo­lu­tion des men­ta­li­tés : « Même s’il y a encore des réfrac­taires, les gens sont plus ouverts grâce aux nou­velles mou­vances sociales et à Internet. » Dans un milieu pro­fes­sion­nel impré­gné par une culture viri­liste, le rou­tier appré­hen­dait le juge­ment de ses col­lègues. À tort. « Ils sont par­fois un peu sur­pris, mais on en dis­cute. C’est sou­vent de la curio­si­té, je n’ai jamais reçu de remarques négatives. »

Jonathan dis­tingue deux pro­fils d’adeptes. D’un côté, les hommes âgés, atti­rés par l’histoire et l’aspect conser­va­teur du vête­ment. « Eux reven­diquent que ce n’est pas une jupe », observe-​t-​il. De l’autre, les jeunes, « plu­tôt fémi­nistes, qui n’ont rien à prou­ver et ne cherchent pas à être des mâles alpha. » Lui ne voit pas de tabou à ne plus por­ter de pan­ta­lon. « Il y a aus­si un côté uni­sexe, le kilt est moins gen­ré qu’une jupe. » Preuve en est, Mathilde en porte elle aus­si. Le couple observe : « ce port du kilt tra­di­tion­nel (par oppo­si­tion aux jupes en tar­tan plis­sées, conçues pour les femmes et qui n'ont vrai­ment rien à avoir avec la com­plexi­té et qua­li­té d'un kilt) par les femmes est très récent et fait débat. Ça sur­prend les gens et cela peut par­fois sou­le­ver au mieux des ques­tions inter­lo­quées, au pire remarques pas très finaudes, aux­quelles on répond avec péda­go­gie et bien­veillance pour essayer de faire évo­luer les men­ta­li­tés vers une socié­té plus éga­li­taire. » Car au final, ce vête­ment mixte pour­rait deve­nir un vec­teur d’émancipation. L’artisan l’avoue : le por­ter est un pré­texte pour enga­ger la conver­sa­tion avec des inconnu·es. « C’est une façon de dévoi­ler ma per­son­na­li­té, car je suis plu­tôt intro­ver­ti, reconnaît-​il. Ça me donne confiance en moi. »

Le kilt n’est plus l’habit de fer­mier que les Celtes plis­saient à la main sur le sol. « Quand je le porte, je me sens coquet », estime Jonathan. Il le moder­nise avec une che­mise blanche, un ves­ton sans manches, des bot­tines en cuir et des chaus­settes bais­sées. « C’est un look un peu rock’n’roll qui me cor­res­pond. » Aurélien, lui, sort le « cos­tume trois-​pièces » pour les grandes occa­sions. Un vête­ment élé­gant… et confor­table ! Il y a quelques semaines, Quentin Besse, artisan-​pâtissier de 25 ans, a dit adieu au sur­vêt pour traî­ner à la mai­son : « Je me sens plus à l’aise en kilt, moins ser­ré et plus libre de mes mou­ve­ments. » Pas de pro­blème à por­ter le vête­ment pour ce Lotois, qui a adop­té le lon­gyi, une étoffe nouée à la taille, lors d’un séjour en Birmanie. Il attend encore les beaux jours pour arbo­rer son kilt en ville.

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