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Des bouteilles de Soju, un spiritueux coréen qu'a découvert Magali (©MC)

Série « Nouveaux départs » – « Je parle coréen, je mange coréen, je bois coréen…» : après une grave opé­ra­tion du cer­veau, Magali s'est décou­vert une pas­sion pour la Corée du Sud

Série d’été « Nouveaux Départs », 8/​9

Cet été, Causette s'intéresse aux chan­ge­ments de vie et aux bou­le­ver­se­ments du quo­ti­dien. Pour cet avant-​dernier épi­sode, nous don­nons la parole à Magali, 47 ans, la res­pon­sable de notre ser­vice pho­to. Après une opé­ra­tion pour lui reti­rer des ménin­giomes, des tumeurs sou­vent bénignes situées dans la voûte du crâne, elle s'est décou­vert une pas­sion pour la Corée du Sud. Et sou­haite désor­mais vivre dans ce pays.

"En 2003, on m'a diag­nos­ti­qué de l'endométriose. J'ai dû être opé­rée en rai­son d'un kyste qui était un peu gros. On m'a ensuite mise sous Lutenyl, une pilule, pour pro­vo­quer une méno­pause chi­mique et "mettre mes ovaires au repos", en quelque sorte. Presque vingt ans après, en octobre 2021, ma gyné­co m'appelle et me dit qu'elle a reçu un avis concer­nant le Lutenyl, qui pour­rait pro­vo­quer des ménin­giomes. On lui conseillait d'encourager ses patientes à faire un IRM. 

Le 24 décembre 2021, je réa­lise donc un IRM. On est la veille de Noël, j'y vais un peu les mains dans les poches. Après l'examen, je pen­sais rece­voir les résul­tats par mail mais fina­le­ment la secré­taire me dit que le radio­logue a le temps de me rece­voir. Il m'annonce alors que j'ai huit ménin­giomes, que ce sont des tumeurs bénignes, mais qu'il y en a un qui n'est pas très beau. J'obtiens un rendez-​vous avec un neu­ro­chi­rur­gien et, en atten­dant, ma gyné­co me dit d'arrêter la prise de la pilule. En jan­vier, je vois ce spé­cia­liste qui me demande si j'ai des symp­tômes. Je lui dis que je ne connais pas les symp­tômes d'un ménin­giome, mais que depuis quelques années je me sens très fati­guée, que je perds la mémoire, mes mots et que par­fois je pense en anglais. Le neu­ro­chi­rur­gien m'explique alors que le plus gros des ménin­giomes se trouve sur mon lobe fron­tal gauche, qui agit sur le lan­gage et la mémoire. Il me pro­pose de faire un bilan dans quelques mois, afin de voir si la taille des tumeurs a dimi­nué avec l'arrêt de la pilule. Malheureusement, leur gros­seur a sim­ple­ment stag­né. On se met d'accord sur une opération.

En sep­tembre 2022, il retire les ménin­giomes lors d'une opé­ra­tion qui dure trois heures. Je me retrouve alors en arrêt mala­die pen­dant quatre mois. Au début, je suis très fati­guée. Je res­sens aus­si beau­coup de sautes d'humeur : je vais pleu­rer pour rien ou être très heu­reuse d'un coup. Ce sont, d'après ce que m'on me dit, les effets secon­daires d'une opé­ra­tion du cer­veau. Au bout de trois mois, ça com­mence à aller mieux. Je scroll pas mal sur Instagram, une habi­tude que j'ai prise au tra­vail, comme je trouve par­fois des pho­to­graphes par cette appli­ca­tion. Je tombe sans le vou­loir sur des vidéos qui se déroulent en Asie, avec tou­jours la même chan­son en fond. Je la cherche sur Internet et je me rends compte qu'il s'agit d'un groupe coréen mon­dia­le­ment connu, à savoir BTS. Je me mets à écou­ter leur musique et, de fil en aiguille, je tombe sur d'autres artistes coréens. Ils se filment en live, com­mu­niquent avec leurs fans, publient des vidéos de leurs concerts… Je ne com­prends pas grand-​chose, mais je les vois tout le temps rigo­ler, se moquer les uns des autres, et cette bonne humeur me fait du bien. Avec le recul, je me rends compte que j'avais vrai­ment besoin de cette bien­veillance à ce moment-​là de mon rétablissement.

Après la musique coréenne, j'ai décou­vert les séries et drames coréens, les K‑dramas. Comme j'avais beau­coup de temps devant moi, je me suis vrai­ment plon­gé dedans. En tra­vaillant dans un maga­zine fémi­niste, je me ren­dais compte que des choses n'allaient pas dans leur socié­té, mais bon j'avais besoin de rêver pen­dant mon arrêt mala­die. En tant que pho­to­graphe, j'ai beau­coup voya­gé, j'ai notam­ment habi­té pen­dant deux ans en Égypte. J'aimais m'immerger dans une nou­velle culture. Tout ce que j'écoutais et regar­dais m'a don­né envie d'apprendre le coréen et de par­tir là-​bas. Pour redé­mar­rer à zéro en quelque sorte. Alors qu'avant, l'Asie n'était pas du tout un coin du monde qui m'intéressait. J'ai pris des cours de langue en ligne, puis en pré­sen­tiel et je me suis aus­si ins­crite sur HelloTalk, une appli­ca­tion qui per­met de par­ler avec des per­sonnes de dif­fé­rentes nationalités. 

Aujourd'hui, je parle coréen, je mange coréen, je bois coréen – j'ai fait décou­vrir à mes col­lègues le Soju, un spi­ri­tueux de là-​bas, que l'on trouve nature, à la pêche, à la prune… J'écoute aus­si en boucle le groupe The Rose : quand je pars au tra­vail, au tra­vail, quand je rentre du tra­vail. Je me demande d'ailleurs si ce côté obses­sion­nel ne vient pas de l'opération ! J'aimerais par­tir habi­ter plu­sieurs mois dans une famille en Corée du Sud, qui ne parle pas du tout fran­çais ou anglais, pour vrai­ment apprendre leur langue et m'immerger dans leur culture. Je me vois bien reprendre la pho­to­gra­phie, je pense que beau­coup d'aspects de la socié­té pour­raient m'inspirer visuel­le­ment. Il y a un an, je n'aurais jamais ima­gi­né ça. Ma vie était toute tra­cée, je venais d'acheter un appar­te­ment à Paris, de m'endetter pour 25 ans… La Corée du Sud est venue tout chan­ger, tout bouleverser.

Épisode 1 – Refaire sa vie en famille à plus de 5500 km

Épisode 2 – « J’ai envie de trans­mettre à ma fille que le bon­heur est un choix et qu’on a le droit de tout quit­ter pour être libre et heureuse »

Épisode 3 – Marie Gervais, ancienne vic­time de vio­lences conju­gales : « On peut construire une autre his­toire sur les cendres de la première »

Épisode 4 – « Je suis deve­nu celui qu'enfant j'avais tou­jours vou­lu être » : le comé­dien trans Amir Baylly nous raconte sa transition

Épisode 5 – Série « Nouveaux départs » – « Au début, la musique n'était qu'un hob­by » : com­ment la chan­teuse Silly Boy Blue a fait de sa pas­sion son métier

Épisode 6 – « Avant ce déclic, j’étais en couple avec la bou­teille et Sophie était la spec­ta­trice impuis­sante de cette relation »

Épisode 7 – « J’ai réa­li­sé à quel point il est absurde de se croire “trop vieille” pour apprendre à naviguer »

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