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Le professeur Israël Nisand au micro de France Inter @Capture d’écran Youtube France Inter

Interview d’Israël Nisand sur France Inter : le Dr Kpote voit rouge

Hier, Israël Nisand était l’invité de la mati­nale sur Inter pour par­ler d’éducation à la sexua­li­té. Le Dr Kpote, qui pra­tique cette acti­vi­té depuis des années, a cru s’étrangler à deux, trois reprises.

Hier, Israël Nisand était l’invité de la mati­nale sur Inter pour par­ler d’éducation à la sexua­li­té. Et, hon­nê­te­ment, j’ai eu du mal à ava­ler mon café. D’entrée, l’ambiance était à l’admiration dénuée d’esprit cri­tique plu­tôt qu’à l’interview jour­na­lis­tique, quand Demorand a éta­lé le CV long comme le bras de l’éminent pro­fes­seur, puis a ajou­té dans la fou­lée : “Pourquoi, vous, Monsieur le pro­fes­seur de gyné­co­lo­gie obs­té­trique à l’université de Strasbourg, avez-​vous esti­mé que c’était de votre devoir de faire ce tra­vail devant les ados ?” C’est vrai qu’a pos­te­rio­ri on se le demande bien.

Israël Nisand a tenu quand même à rendre hom­mage à la troupe, celles et ceux qui sont en pre­mière ligne au quo­ti­dien, les infir­mières et les profs qui, je cite, “pal­lient au manque [sic] et c’est déjà pas si mal”. Pas trop appuyé l’hommage, fau­drait pas non plus que ça fasse de l’ombre.

Rappelons au pas­sage que la loi de 2001 ne pré­voit pas “trois heures depuis le CP” comme le dit le pro­fes­seur, mais trois séances par an depuis le pri­maire. Puisqu’il se targue de vou­loir “lut­ter contre les fake news, fau­drait pas en don­ner des tronquées.

À pro­pos de ces trois séances jus­te­ment : “Ça fait des années que JE demande l’application de la loi”, assure-​t-​il, sans un mot pour la plainte contre l’État por­tée, il y a un an, par Sidaction, le Planning fami­lial et SOS Homophobie à ce sujet. Je tenais à ras­su­rer M. Nisand : vous n’êtes plus seul !

Darmanin a dû exulter…

Côté tam­bouille édu­ca­tive, Israël Nisand ouvre rapi­de­ment le volet “panique morale n° 1”, en évo­quant, et ce à l’heure du petit déjeu­ner, des “fel­la­tions col­lec­tives dans les toi­lettes” par des gamins qui n’auraient pas reçu d’éducation à la morale par leurs parents. Il mar­tèle que ce n’est “pas rat­tra­pable”. J’ai ima­gi­né Darmanin avoir un second mor­ning glo­ry devant son bol de céréales, à l’écoute de cette affir­ma­tion, lui qui rêve de faire sau­ter les allocs à tous ces parents défi­cients qui ont oublié de faire la morale à leur progéniture.

Mais le fes­ti­val a conti­nué avec l’allusion aux ques­tions ano­nymes des jeunes posées pen­dant les séances d’éducation à la vie affec­tive et sexuelle qu’il ani­mait, dont celle-​ci : “J’ai 13 ans. Mon grand frère a 17 ans. Il vient dans ma chambre le soir, lèche mon sexe, essaye de me péné­trer. Comme ça me fait mal et que ça fait du bruit, il s’en va pour ne pas réveiller les parents. Aidez-​moi !” Israël Nisand raconte à l’antenne n’avoir pas lu cette ques­tion pen­dant la séance, mais deman­dé à la jeune, venue lui récla­mer des comptes à la fin, son numé­ro de télé­phone. Au retour des vacances fami­liales, plu­sieurs jours après, il a appe­lé les parents qui n’ont pas sou­hai­té abor­der le sujet avec lui. On les com­prend, vu la gra­vi­té des faits sou­le­vés par un “illustre” incon­nu au télé­phone ! Il les “menace de les signa­ler au pro­cu­reur de la République”, mais, rassurez-​vous, braves gens, tout est bien qui finit bien dans la vie mer­veilleuse d’Israël Nisand qui a réus­si le tour de force d’envoyer toute la famille en soins psy sans pas­ser par la case signa­le­ment. Après tout, nous dit-​il, “il n’y avait pas encore eu viol ou tout juste”… Avec ma com­pagne, qui bosse dans la pro­tec­tion de l’enfance, on s’est regardé·es, atterré·es. Qu’on soit bien d’accord, la notion de “viol tout juste” n’existe nulle part. Nisand ter­mine par : “J’ai déci­dé de suivre moi-​même cette affaire-​là, afin d’assurer la pro­tec­tion de la gamine tout en évi­tant une catas­trophe familiale.”

“Petit arran­ge­ment”

Une tra­vailleuse sociale a logi­que­ment appe­lé dans la fou­lée, car elle s’interrogeait sur le trai­te­ment de cette affaire par le pro­fes­seur, fai­sant fi des lois et de toutes les ins­ti­tu­tions, dont celle où il inter­ve­nait ! Elle dénonce au télé­phone, à juste titre, le “petit arran­ge­ment” entre Nisand et les parents pour mettre en place un sui­vi psy fami­lial, hors de tout cadre légal. Fort de sa toute-​puissance, il est allé au-​delà des pro­cé­dures (infor­ma­tion pré­oc­cu­pante, signa­le­ment au sein de l’institution, appel au proc). Le pire est qu’en atten­dant la fin des vacances, il a ren­voyé la jeune fille face à son bour­reau, négli­geant la notion d’enfant en dan­ger immé­diat avec l’agresseur au domi­cile ! Il assure avoir pris ses res­pon­sa­bi­li­tés, “celles qui sont réser­vées aux méde­cins et pas aux tra­vailleurs sociaux”. Le mépris de classe, de sta­tut, est tel­le­ment évident que j’attends une réac­tion du duo de jour­na­listes. Silence radio. 

Je passe sur le volet “por­no” et la seconde couche de panique morale. Sur ce sujet, il ne dit pas que des inep­ties, mais je vous conseille plu­tôt de lire l’excellent tra­vail des socio­logues Yaëlle Amsellem-​Mainguy et Arthur Vuattoux sur le site de l’Institut natio­nal de la jeu­nesse et de l’éducation popu­laire (INJEP) “Construire et par­ta­ger sa sexua­li­té en ligne. Usages d’Internet dans la socia­li­sa­tion à la sexua­li­té à l’adolescence”, beau­coup plus nuan­cé sur le sujet, mais moins ven­deur dès potron-​minet à la radio.

Dans la fou­lée, Nisand cri­tique ouver­te­ment le Planning fami­lial et Aides sur leur façon d’intervenir en classe, s’appuyant sur sa propre repré­sen­ta­tion très datée de leurs conte­nus, qui seraient uni­que­ment hygié­nistes (IST et contra­cep­tion), là où lui seul évo­que­rait plai­sir et amour. L’interassociatif et le res­pect des cama­rades de lutte, c’est pas vrai­ment son truc. À l’heure où on a besoin de tous et toutes et sur­tout d’avancer soudé·es, c’est pas très malin de tirer la cou­ver­ture à soi. “Stop aux #fake­news Israel Nisand ! Le Planning fami­lial défend une approche glo­bale et posi­tive de l’éducation à la #sexua­li­té, basée sur la libé­ra­tion de la parole, qui per­met de lever les tabous dès le plus jeune âge, de décons­truire les idées reçues sur les ques­tions rela­tives à la sexua­li­té et l’anatomie et favo­ri­ser les échanges entre pairs”, a immé­dia­te­ment réagi le Planning sur Twitter.

On dirait du Zemmour…

Il nous reste le bou­quet final, soit la panique morale n° 3, avec le volet tran­si­den­ti­tés. D’après le pro­fes­seur, les jeunes pré­fé­re­raient aujourd’hui se dire “trans plu­tôt qu’homosexuels” à cause de l’homophobie ! L’influence des “tran­sac­ti­vistes” sur les jeunes serait forte avec des “intoxi­ca­tions” du type “si tu ne vas pas bien, c’est que tu n’es pas dans le bon corps”. Je vois déjà SOS éduca­tion et les parents vigi­lants de Zemmour se frot­ter les mains. Tous ses élé­ments de lan­gage sont emprun­tés à l’extrême droite, et c’est très inquiétant.

En tant qu’animateur·rices de pré­ven­tion, nous nous devons d’aborder toutes les iden­ti­tés et orien­ta­tions, d’accueillir le sen­ti­ment intime des per­sonnes quant à leur iden­ti­té, de nous assu­rer que les concerné·es évo­luent dans un envi­ron­ne­ment safe et non dis­cri­mi­nant. Rien ne nous oblige à don­ner notre avis sur les blo­queurs de puber­té et les tran­si­tions ! Quand on ne sait pas, quand on n’est pas sûr·es, on invite les jeunes à se tour­ner vers les asso­cia­tions de concerné·es ou les centres de san­té sexuelle basés sur la non-​discrimination et l’acceptation des modes de vie sexuelle de chacun·e (le 190 à Paris par exemple).

Pour conclure, le pro­fes­seur nous savonne la planche à un moment où l’éduc sex est atta­quée de par­tout. Comme Thérèse Hargot à une époque, il nour­rit la bête immonde de pla­teau en pla­teau. Tout n’est pas à jeter dans ce qu’il dit aux jeunes, mais sa pra­tique, débu­tée dans les années 1990, mérite vrai­ment une actua­li­sa­tion de logi­ciel. Si, un jour, j’en suis là, j’espère que mes col­lègues m’inviteront fer­me­ment à prendre ma retraite.

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