ÉDITO. Samedi dernier, une horde cagoulée de noir et flanquée de symboles nazis sur la peau s'imposait dans les paisibles rues du VIème arrondissement de Paris pour rendre hommage au militant d'extrême droite Sébastien Deyzieu, tombé d'un toit le 9 mai 1994 alors qu'il tentait d'échapper à la police.
A gauche, la classe politique n'a pu que pointer une troublante différence de traitement entre le laisser-manifester accordé à ces néofascistes hurlant leur rage raciste et séditieuse (« Europe, jeunesse, révolution ! ») et les interdictions préventives de casserolades sur le chemin (de croix) d'Emmanuel Macron en vadrouille dans le pays pour tenter de convaincre de sa volonté d'apaisement.
Tenu de se justifier, le préfet de police de Paris Laurent Nuñez a expliqué qu'il ne pouvait interdire qu'en cas de risque caractérisé de trouble à l’ordre public et que les précédents cortèges d'hommage à Sébastien Deyzieu s'étaient tenus dans le calme. Contraint de se positionner, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a embrayé en affirmant que dorénavant, les préfet·es auraient pour instruction d’interdire par arrêté chaque manifestation à l’initiative de « tout militant d’ultradroite ou d’extrême droite, ou de toute association ou collectif, à Paris comme partout sur le territoire ».
Dans le concret, la circulaire envoyée aux préfectures détaille ce nouveau principe de prévention, rapporte Le Parisien. Sont ainsi interdites d'office les manifestations dans lesquelles sont susceptibles d'être entendus « des slogans ou des propos de nature à mettre en cause la cohésion nationale ou les principes consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (…) soient exprimés ». Le ministre donne des exemples de propos répréhensibles, poursuit le quotidien : « apologie de la collaboration », « slogan prônant la remigration », « amalgame entre immigration et islamisme ou terrorisme ou délinquance ».
Libération a, de son côté, indiqué qu'à Paris, pas moins de cinq rassemblements d'extrême droite seraient donc interdits d'office ce week-end avec ces nouvelles règles. C'est, d'une part, prendre la mesure de la recrudescence de la peste brune dans notre pays. C'est d'autre part se rendre compte que le principe risque de se heurter à la justice : interrogés par Libération, ces groupuscules ont affirmé contester ces interdictions préalables devant le juge des référés.
Or, les juristes ont du mal à voir comment ces interdictions pourraient tenir devant la justice : « On ne peut pas considérer qu’une mouvance ou qu’un groupuscule, qu’importe la radicalité des idées défendues, soit source par nature de troubles à l’ordre public, donc de violences, de casses ou de rixes, a ainsi analysé Nicolas Hervieu, juriste en droit public et droit européen des droits de l’homme, dans un article du Monde. Cette instruction, en cas d’application, va placer les juges administratifs en position de suspendre en série des arrêtés préfectoraux. » Insatisfaisante en ce qui concerne donc son efficacité, cette mesure se révèle également insatisfaisante d'un point de vue politique : est-ce la seule réponse que notre gouvernement actuel a à apporter au péril brun, au même moment où Yannick Morez, maire de Saint-Brévin-les-Pins, a démissionné pour se protéger des menaces très réelles de l'extrême droite xénophobe et nationaliste ?
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