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Face à la peste brune, s'en remettre à la jus­tice n'est pas une réponse poli­tique à la hauteur

photo libre de droit gerald darmanin ministre de l interieur datant de 2021
Gérald Darmanin ©Wikimedia Commons/Pierrot75005

ÉDITO. Samedi der­nier, une horde cagou­lée de noir et flan­quée de sym­boles nazis sur la peau s'imposait dans les pai­sibles rues du VIème arron­dis­se­ment de Paris pour rendre hom­mage au mili­tant d'extrême droite Sébastien Deyzieu, tom­bé d'un toit le 9 mai 1994 alors qu'il ten­tait d'échapper à la police. 

A gauche, la classe poli­tique n'a pu que poin­ter une trou­blante dif­fé­rence de trai­te­ment entre le laisser-​manifester accor­dé à ces néo­fas­cistes hur­lant leur rage raciste et sédi­tieuse (« Europe, jeu­nesse, révo­lu­tion ! ») et les inter­dic­tions pré­ven­tives de cas­se­ro­lades sur le che­min (de croix) d'Emmanuel Macron en vadrouille dans le pays pour ten­ter de convaincre de sa volon­té d'apaisement.

Tenu de se jus­ti­fier, le pré­fet de police de Paris Laurent Nuñez a expli­qué qu'il ne pou­vait inter­dire qu'en cas de risque carac­té­ri­sé de trouble à l’ordre public et que les pré­cé­dents cor­tèges d'hommage à Sébastien Deyzieu s'étaient tenus dans le calme. Contraint de se posi­tion­ner, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a embrayé en affir­mant que doré­na­vant, les préfet·es auraient pour ins­truc­tion d’interdire par arrê­té chaque mani­fes­ta­tion à l’initiative de « tout mili­tant d’ultradroite ou d’extrême droite, ou de toute asso­cia­tion ou col­lec­tif, à Paris comme par­tout sur le ter­ri­toire ».

Dans le concret, la cir­cu­laire envoyée aux pré­fec­tures détaille ce nou­veau prin­cipe de pré­ven­tion, rap­porte Le Parisien. Sont ain­si inter­dites d'office les mani­fes­ta­tions dans les­quelles sont sus­cep­tibles d'être enten­dus « des slo­gans ou des pro­pos de nature à mettre en cause la cohé­sion natio­nale ou les prin­cipes consa­crés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (…) soient expri­més ». Le ministre donne des exemples de pro­pos répré­hen­sibles, pour­suit le quo­ti­dien : « apo­lo­gie de la col­la­bo­ra­tion », « slo­gan prô­nant la remi­gra­tion », « amal­game entre immi­gra­tion et isla­misme ou ter­ro­risme ou délinquance ».

Libération a, de son côté, indi­qué qu'à Paris, pas moins de cinq ras­sem­ble­ments d'extrême droite seraient donc inter­dits d'office ce week-​end avec ces nou­velles règles. C'est, d'une part, prendre la mesure de la recru­des­cence de la peste brune dans notre pays. C'est d'autre part se rendre compte que le prin­cipe risque de se heur­ter à la jus­tice : inter­ro­gés par Libération, ces grou­pus­cules ont affir­mé contes­ter ces inter­dic­tions préa­lables devant le juge des référés. 

Or, les juristes ont du mal à voir com­ment ces inter­dic­tions pour­raient tenir devant la jus­tice : « On ne peut pas consi­dé­rer qu’une mou­vance ou qu’un grou­pus­cule, qu’importe la radi­ca­li­té des idées défen­dues, soit source par nature de troubles à l’ordre public, donc de vio­lences, de casses ou de rixes, a ain­si ana­ly­sé Nicolas Hervieu, juriste en droit public et droit euro­péen des droits de l’homme, dans un article du Monde. Cette ins­truc­tion, en cas d’application, va pla­cer les juges admi­nis­tra­tifs en posi­tion de sus­pendre en série des arrê­tés pré­fec­to­raux. » Insatisfaisante en ce qui concerne donc son effi­ca­ci­té, cette mesure se révèle éga­le­ment insa­tis­fai­sante d'un point de vue poli­tique : est-​ce la seule réponse que notre gou­ver­ne­ment actuel a à appor­ter au péril brun, au même moment où Yannick Morez, maire de Saint-​Brévin-​les-​Pins, a démis­sion­né pour se pro­té­ger des menaces très réelles de l'extrême droite xéno­phobe et nationaliste ?

Lire aus­si l Loire-​Atlantique : atta­qué pour un pro­jet de Centre d'accueil de demandeur·ses d'asile, le maire Yannick Morez démissionne

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