Entre spéculation, goodies revendus et réveils fixés à 9 h 30 pour ne pas louper les réassorts, des dizaines de groupes de fans de la marque Sézane règnent en maîtres sur les réseaux sociaux.
« En commerce, l’occasion est tout. » Cette citation d’Honoré de Balzac pourrait être le credo des « sézanettes », tant la communauté virtuelle de la marque de prêt-à-porter Sézane semble prête à tout pour obtenir « Gaspard », « Louisa », « Achille », « Pippa » ou « Constance ». Derrière ces doux surnoms, on trouve d’onéreux gilets en mohair, blouses en soie ou encore robes en coton biologique. Presque continuellement en rupture de stock, ces pièces emblématiques de la marque font désormais partie de l’uniforme de la bobo parisienne par excellence. Il suffit, pour s’en apercevoir, de se promener dans leurs biotopes un dimanche après-midi (rue des Batignolles, dans le XVIIe arrondissement de Paris, par exemple).
Mais la meilleure manière de mesurer l’ampleur du phénomène, c’est de se faufiler sur la pointe des pieds dans la communauté des sézanettes. Sézane Addict, Les Sézanettes, Un air de Sézane, Sézane mon amour, Les Sézanettes LXXL, Sézane Forever… sur Facebook, nous avons dénombré pas moins de quarante-deux groupes différents, qui rassemblent une très large communauté française, européenne mais aussi américaine et asiatique.
« Ça devient obsessionnel »
Rien de très surprenant lorsque l’on connaît l’énorme succès de la marque parisienne née sur Internet en 2013. La stratégie de sa fondatrice, Morgane Sézalory, repose sur un marketing communautaire : donner des noms propres à ses vêtements, sortir régulièrement des capsules en éditions très limitées pour créer de la frustration chez ses clientes et offrir, sans prévenir, tote bags et pochettes en goodies (cadeaux) aux plus chanceuses. En somme, jouer la carte de la « marque copine ». Et ça marche. Les « archives », plus classe que « soldes », mises en ligne les mercredis et dimanches à 9 h 30 pétantes sont à chaque fois prises d’assaut par les sézanettes armées de leurs cartes bancaires.
Elles se préviennent d’ailleurs en amont sur les groupes Facebook pour ne surtout pas rater leurs targets. « Parfois, j’ai l’impression que ça devient obsessionnel, des filles mettent des messages à 9 h 30 sur le groupe en mode “RÉASSORT, VITE DÉPÊCHEZ-VOUS” », confie Anne à Causette. Cette bibliothécaire de 27 ans, qui s’offre occasionnellement des pièces en seconde main depuis deux ans, a observé un certain fanatisme. « Les sézanettes ressemblent avant tout à une grande famille, mais j’ai parfois l’impression que ça vire à la secte, c’est assez impressionnant ! »
« J’ai même vu des lots de boîtes à chaussures (vides) à 40 euros »
Valentine, modératrice des Sézanettes sur Facebook
Sur les groupes, elles s’échangent leurs bons plans sur les tailles, leurs astuces pour shopper « Achille » en gris chiné, revendent leurs pièces à la malheureuse qui a loupé la collec’ de la semaine dernière ou publient des looks pour avoir des avis. À première vue, une ambiance plutôt bienveillante donc, qui peut toutefois s’avérer pernicieuse lorsque certaines s’essayent à la spéculation. « Elles achètent plusieurs pièces identiques sur le site et les revendent ensuite le double, affirme Valentine, modératrice des Sézanettes sur Facebook (2 400 membres). J’ai même vu des lots de boîtes à chaussures (vides) à 40 euros. »
En somme, rien ne se perd, tout se revend. Et surtout les goodies offerts aléatoirement par la marque qui donnent le sentiment d’être privilégiées. « Pour certaines c’est même plus important de recevoir le cadeau que la commande », constate Virginie, modératrice du groupe Les Sézanettes LXXL, qui rassemble les femmes faisant du 42 et plus. Les déçues sont alors prêtes à dépenser jusqu’à 40 euros pour obtenir le sésame en seconde main. Balzac, ce visionnaire, mériterait bien un tote bag…
