Détox digi­tale : fin de l’appli hour

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© Rocky Levin

Émile Zola et Doris Lessing n’ont aucun mérite. Moi aus­si, si j’étais né il y a plus de cent ans, j’aurais pu écrire Les Rougon-​Macquart ou Le Carnet d’or. En toute modes­tie. Bah oui, c’est facile de res­ter concen­tré quand on n’a pas la ten­ta­tion d’aller rafraî­chir une énième fois son fil Instagram ou de guet­ter les der­nières mises en vente sur Vinted. Même lorsque j’enferme mon smart­phone dans un tiroir, le temps d’écrire quelques pages du pro­chain Goncourt ou de poser les bases de la VIe République, mon navi­ga­teur Internet prend le relais et se met à me faire de l’œil. Et comme réduire ma box en miettes est une solu­tion un peu trop radi­cale et sur­tout beau­coup trop coû­teuse, j’ai fini par cher­cher une alter­na­tive vrai­ment construc­tive pour par­ve­nir enfin à me consa­crer à mon tra­vail sans être dis­trait toutes les deux secondes.

L’ironie de la chose, c’est que pour décro­cher des applis, j’ai uti­li­sé… une appli. Sur mon ordi­na­teur, j’ai ins­tal­lé 1Focus, qui per­met de s’interdire l’accès aux sites les plus addic­tifs, et ce pour la durée de son choix. Parce que ma liber­té n’a pas de prix, j’ai même fini par opter pour la for­mule payante (9,99 dol­lars par an) afin de pou­voir éga­le­ment blo­quer les applis (bye bye les mails et les conver­sa­tions WhatsApp sans fin) et d’affiner les para­mètres de pro­gram­ma­tion. Une fois acti­vée, 1Focus s’avère aus­si effi­cace que Sarah Bouhaddi, la gar­dienne de but de l’Olympique lyon­nais : c’est un rem­part impos­sible à fran­chir, sauf au prix d’une manœuvre tech­nique pas évi­dente. Rassurez-​vous, en cas d’urgence abso­lue, il reste pos­sible de contour­ner l’obstacle de façon exceptionnelle.

L’appli fait des mer­veilles : désor­mais, j’arrive à ­pas­ser plus de trois minutes devant ma page blanche sans être ten­té d’aller faire autre chose. Bien sûr, 1Focus et ses concur­rentes (comme Cold Turkey et Freedom ) ne peuvent pas tout à fait vous débar­ras­ser du virus de la pro­cras­ti­na­tion. Pour cela, il fau­drait une appli­ca­tion qui par­vienne aus­si à empê­cher ses uti­li­sa­trices et uti­li­sa­teurs d’avoir subi­te­ment envie d’aller net­toyer les vitres ou de trier leurs livres par cou­leur, au lieu de bos­ser sur ce pro­jet urgent. Mais c’est un début.

Se dés­in­toxi­quer d’Internet et des applis n’est d’ailleurs pas seule­ment une affaire de pro­duc­ti­vi­té : c’est aus­si une ques­tion d’équilibre per­son­nel ou fami­lial (si l’on pos­sède une famille) et de bon exemple à don­ner. Un dimanche, après avoir revu Peter Pan, ma fille de 9 ans m’a lan­cé : « Comme tu as un télé­phone à la place de la main droite, je vais te sur­nom­mer Capitaine Portable. » Sa remarque a fait mouche.

Depuis que j’ai enta­mé ma « digi­tal detox » grâce à une appli, je me sens revivre. On en est là de l’aliénation : devoir payer pour rega­gner un peu de créa­ti­vi­té. C’est kaf­kaïen, et en même temps, j’ai réel­le­ment récu­pé­ré plu­sieurs heures de vie par jour, et je peux désor­mais me consa­crer plei­ne­ment à mon tra­vail ou à des lec­tures intel­li­gentes. Et lorsque l’inspiration ne vient pas, je me contente doré­na­vant de fixer lon­gue­ment le pla­fond de mon bureau. Comme le firent sans doute, en leur temps, mes cama­rades Zola et Lessing. En espé­rant que leur génie m’infuse.

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