Série d’été « Nouveaux Départs », 1/9
Cet été, Causette s'intéresse aux nouveaux départs, aux changements de vie et aux bouleversements du quotidien. À 41 ans, Jean et Yolande ont décidé de vendre leur maison à la campagne et tous leurs meubles pour partir vivre au Québec, à Montréal, avec leurs trois enfants. Une aventure familiale sans date de retour qui arrive finalement à point nommé.
"Un matin, mon épouse Yolande m’a dit : “J’ai envie de faire une thèse à Montréal”. C’était il y a deux ans. Elle est professeure de danse contemporaine et venait de terminer un master dans cette discipline lorsqu’on lui a proposé cette opportunité. Compte tenu de ma réticence naturelle au changement, sur le coup, j’ai ravalé ma salive à l'idée de déménager à plus de 5500 km d'ici. Yolande est tout le contraire de moi : il faut toujours que cela bouge autour d’elle. Par exemple, deux ans à peine après notre emménagement dans notre maison actuelle, elle se voyait déjà repartir.
Là-dessus, on peut dire que je suis son opposé. Je suis plutôt casanier et si j’aime découvrir de nouvelles choses, j’aime bien me conforter dans ce que je connais. Et puis cela faisait dix ans qu’on avait acheté notre maison à la campagne dans laquelle nous avons tout refait, du sol au plafond, de la plomberie à l’électricité. Le fait de se dire qu’on allait tout quitter alors qu’on n’a même pas encore tout à fait terminé les travaux m’a d’abord paru insensé. Elle n’a cependant pas eu à me travailler au corps longtemps pour que j’adhère aussi à l’idée.
Je suis intermittent du spectacle et professionnellement, j’ai l’impression d’être arrivé au bout et je m’interrogeais depuis quelque temps déjà sur la suite. C’est compliqué de repartir sur autre chose dans un autre pays, mais c’est aussi finalement "le coup de pied au cul" dont j’avais besoin pour m’obliger à me prendre par la main. Je ne sais pas trop encore ce que je ferais à Montréal mais étant comédien de base, je reprendrais peut-être le théâtre ou alors un job alimentaire le temps de trouver quelque chose qui me plaît.
Cette opportunité est d'autant plus chouette qu'on avait déjà eu le projet de vivre au Québec il y a quinze ans, mais entre la difficulté de monter un projet solide et des opportunités professionnelles en France, nous avions fini par abandonner l’idée. Là, je sens que c’est le moment. Même si aujourd’hui, c’est sûr qu’avec trois enfants, on est forcément moins ”roots“ mais on est aussi plus matures.
Pour autant, partir vivre à l’étranger avec trois enfants (deux sont ado, la dernière est en primaire) ne s’improvise pas. Nous sommes actuellement en train de préparer notre départ qui aura lieu à l’été 2024. Nous allons passer notre été à finir les travaux de notre maison que nous vendrons l’an prochain. On va aussi vendre tous nos meubles, tout ce qui se peut se vendre en fait, car nous partons sans date prévisionnelle de retour. Au début, il était question de vivre à Montréal deux ans, puis trois, et ça sera finalement plutôt quatre pour que Yolande puisse finir sa thèse correctement. Après nous verrons. Nous serons alors en 2028 et vu le climat social actuel en France et le risque que l’extrême droite l’emporte à la prochaine élection présidentielle en 2027, je me dis que nous serons bien mieux là-bas. Et puis on connaît tous des gens qui sont partis pour trois ans et ne sont jamais revenus.
Bien sûr, tout n’est pas rose à Montréal et je ne pense pas fantasmer sur la vie au Québec, mais j’ai le sentiment que le climat social est plus serein et que les gens sont plutôt cools et bienveillants. On est aussi bien conscient des contraintes. Financières premièrement avec la difficulté de devoir retrouver du travail dans un pays où nos formations ne seront pas forcément prises en compte. On va aussi passer d’une grande maison à un appartement. Mais on a promis que chacun aura sa chambre.
D’ailleurs en ce qui concerne les enfants, lors de la soirée de l’annonce il y a eu quelques larmes mais très vite tout le monde a été emballé par l’idée. Même si un changement aussi radical amène forcément beaucoup d’angoisses. Ces derniers temps, j’enchaîne par exemple pas mal de nuits où je n’arrive pas à trouver le sommeil. Il y a la peur de l’inconnu, mais aussi le fait qu’on ne maîtrise rien et la montagne administrative à gravir avant le départ. Il y a aussi le manque de la famille. On sait qu’on ne reviendra pas souvent et qu’on aura forcément des soirées de déprime, mais notre entourage nous soutient dans notre aventure. D'ailleurs c’est une chouette aventure familiale, mais surtout un nouveau départ pour nous cinq."